Le Rituel (L'arche de Ta Prohm)

Chapitre 1 - Vacances en famille

La fin de journée approche timidement sous la chaleur épuisante et écrasante de la jungle d'Angkor. C'est déjà le troisième temple que l'on visite et non pas le moindre. Nous voici en plein cœur de l'histoire du Cambodge, au milieu des ruines du célèbre temple de Ta Prohm mondialement connu pour ces racines énormes le recouvrant.

Ce road trip familial était surtout censé donner l'occasion à mes parents de se retrouver, partager de nouveaux moments de complicité perdu au fil du temps. Je ne devrais pas me montrer défaitiste mais au vu de leurs joutes verbales incessantes, je dirais que c'est peine perdue. Bref, en tout cas ça ne m'empêchera pas de profiter de ce beau voyage aux frais de la princesse. D'ailleurs, je ne m'attendais pas à ce genre d'invitation après cette année de lycée désastreuse qui a quand même failli finir en renvoi définitif. Bon... Voler un téléphone c'est pas la mort, mais j'avoue que prendre celui du dirlo, c'était pas la plus brillante de mes idées. A mon avis, ce voyage n'est qu'un répit avant que l'orage ne me tombe dessus.

– Bouge Hélène ! Papa et maman vont encore râler si tu prends pas de photos. Grouille
– Hey, c'est bon le gnome avance. J'arrive. Va donner l'appareil photo à Papa.

Et voilà mon abruti de frère Clément que j'appelle affectueusement « Crotte de Troll ». Pour les plus cinéphiles je vous laisse le plaisir de retrouver cette référence chez Ron Howard. Dans mon malheur, je sais au moins que ce voyage aura réalisé le rêve de Clément. Quand il a su que son héroïne « Lara Croft » avait tourné dans ces vestiges, il en aurait presque pleuré. Et le voilà tout fier profitant de la moindre occasion pour grimper sur chaque bout de rocher. La naïveté touchante d'un gamin qui ne voit pas ses parents se déchirer juste devant lui. Je l'envierais presque mais à quoi bon, c'est peut-être mieux comme ça après tout.

Le guide monté sur la plus haute marche du temple commence une prose épique sur l'histoire incroyable (je présume un peu enjolivée) du temple de Ta Prohm. L'assemblée au grand complet semble hypnotisée par les paroles de l'homme, ou plutôt de la traduction qui leur parvient à travers les petits appareils mis à disposition pour la visite. Tiens, apparemment je ne suis pas la seule perdue dans mes pensées. J'approche doucement de celui qui frénétiquement bat la mesure du bout du pied. Mignon même si un peu jeune à première vue. Quelques secondes passent avant qu'il ne s'aperçoive de ma présence à ses côtés. Quelle satisfaction de voir son regard tout d'abord effrayé puis surpris par mon intrusion. Je sais que je ne laisse pas indifférent les garçons et j'avoue avoir tendance à en jouer. L'effet est immédiat, son pied auparavant si énergique se paralyse, ses joues s'empourprent avant qu'il ne réagisse enfin en retirant l'un de ses écouteurs pour maladroitement me bégayer un...

– Euh... Salut... !

Sans un mot, d'une main je lui fais signe de ne rien dire et de l'autre j'attrape son écouteur désormais libre.

Learn To Fly. Un mec qui écoute du « Foo Fighters » en pleine jungle ne peut pas être mauvais gars. Le groupe de touriste avance avec nos familles et nous voilà moi et...

– Hélène. Désolée pour l'incruste, mais t'es le seul qui me paraît sain d'esprit ici.
– John. T'excuse pas surtout. Je me sens moins seul du coup. Par contre faut qu'on suive, mes vieux vont me tuer si je reste pas à côté.
– Hey, no stress. Je compte pas te kidnapper même si t'es plutôt mignon.
– M...merci.

Et mince, un timide. Le revoilà replongé dans un mutisme gêné. Après tout, j'inverse un peu les rôles mais bon, il est si craquant et encore plus de près. La visite continue au rythme effréné d'une tortue en fin de vie. Autant dire que c'est quasiment du sur-place mais ce n'ai pas pour me déplaire. Les regards de John se sont fait plus appuyés et oh miracle un sourire complice est apparu quand nos mains se sont involontairement frôlées puis attrapées. Le flirt, cette sensation si agréable de bien être, une constante retenue qui électrise et vous donne des papillons dans le ventre. Je me sens bien en cet instant, profitant de la fraîcheur du lieu et de ce joli moment de complicité.