Chapitre 12 - Chut !

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Parfois je me demande si cette malédiction n'est pas la plus belle chose qui me soit arrivée dans ma vie... enfin, à part ma rencontre avec Hélène. En tout cas, c'est mon ressenti et je suis convaincue que c'est la même chose pour elle. Ça peut paraître incroyable de dire ça mais je le pense vraiment. Cette séparation physique nous a forcés à baser notre relation principalement sur nos sentiments. De l'amour mais de l'amour vrai. Je ne dis pas que le contact physique ne m'intéresse pas, bien au contraire, mais c'est comme si nous étions passés au-dessus de ça. Une communion de l'âme. Je vis ma vie comme un partage de plaisir constant et apprécie de pouvoir offrir un peu de bonheur à celle que j'aime. Tout ça dans une parfaite réciprocité. Depuis notre emménagement ensemble, la vie prend de nouveau tout son sens. Chacun y va de ses petites attentions envers l'autre ce qui rend le quotidien incroyablement plaisant. Je ressens sa présence à travers toutes ces petites choses devenues invisibles pour les autres. Un verre d'eau oublié sur la table, le marque page avançant inexorablement à chaque jour passé, un petit déjeuner préparé avec amour chaque matin, voir apparaître un « je t'aime » sur le miroir en sortant de sa douche. De mon côté, mon premier geste en apparaissant le matin est de me glisser paresseusement du côté du lit ou ma belle s'est endormie. Je peux alors sentir le parfum fruité de son shampoing sur l'oreiller, profiter de l'instant furtif ou les draps sont encore chauds. Je peux même deviner la position dans laquelle Morphée est parvenu à l'inviter dans ses bras. Personne ne peut comprendre. Si l'être humain se rendait compte de la chance qu'il a de pouvoir donner corps aux sentiments. Je suis le plus heureux des hommes malgré tout. Je sais ce qu'est l'amour inconditionnel au sens propre du terme. D'ailleurs, Hélène a voulu une fois de plus me surprendre en nous organisant des petites vacances sur la côte. L'air frais de la mer est si propice à l'évasion mais c'est si dur de ne pas pouvoir partager ces moments magiques avec elle. Au petit matin, je retrouve toujours avec joie ses petits mots doux éphémères écris dans le sable que la marée vient gommer. Pourtant cette fois-ci, l'aube m'accueille différemment. Un énorme cœur est à présent dessiné sur la plage avec écrit 17h28 en son centre. J'avoue avoir toujours réussi à anticiper ses petits jeux idiots que l'on se fait l'un l'autre mais là je reste perplexe. Et me voilà démarrant la journée par un sourire bête suspendu à mes lèvres, direction mon dernier cours de Kitesurf.

Quand les journées ne durent que 12 heures, c'est la course et me voilà finissant mon repas tout juste à temps pour rejoindre la plage. Malheureusement le cœur n'a pas survécu à l'assaut des passants de la journée et me voilà errant patiemment attendant l'heure fatidique. Assit, je contemple l'horizon, l'océan et ces milliers de reflets brillants comme des diamants. Je sens le soleil réchauffer mon dos, rafraîchit par une petite brise légère. Ce parfum... mais... ces mains qui doucement se posent sur mes épaules. Hélène !

Elle est là. Je me retourne en essayant de bégayer quelque chose mais elle pose son doigt sur ma bouche.

– Chut... Ne dit rien.

Son visage vient s'approcher du mien. Ses lèvres rencontrent les miennes comme si c'était la première fois. Des milliers de choses me viennent à l'esprit. Le ciel s'assombrit et je comprends pourquoi. L'éclipse solaire ! Tout le monde en parlait mais je n'y voyais que l'ironie de notre propre sort. Son corps est gelé contre le mien encore brûlant. Je l'imagine alors veillant jusqu'à l'aube pour être là maintenant. Je ne peux plus m'arrêter de l'embrasser et nos larmes s'entremêlent. Des larmes de bonheur cette fois. Je voudrais figer le temps pour toujours mais son étreinte se fait plus forte et me ramène à cette cruelle réalité.

– Je t'aime John.

Je veux lui répondre mais elle ne m'en laisse pas l'occasion. Son doigt encore sur mes lèvres vient sceller ce dernier moment.

– Chut... Je sais.

Un ultime baisé volé, ma main dans la sienne, ne serrant désormais que le fantôme de celle qui est et restera l'amour de ma vie.

De jour comme de nuit...

Le Rituel (L'arche de Ta  Prohm)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant