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Zayn

Le soleil se couchait, laissant place à une brume fraîche et humide. Lorsque la nuit tombait, le monde me paraissait complètement différent. Les ombres étaient déformées, et mal interprétées, les inconnus devenaient de potentiels dangers, notre vigilance se multipliait par mille. La nuit tombée, tout devenait plus excitant, je me persuadais que si mon cœur battait la chamade, c'était à cause de cela. Et non pas parce que j'étais à deux rues de cette soirée. Je jetais des coups d'œil de temps à autre dans la direction d'Aeron qui semblait être dans ses pensées, il fredonnait un air de musique, les mains dans les poches, le regard dans le vide, et sa chemise qui se soulevait au vent. Tout paraissait tellement simple à ses yeux, tellement à portée de main et facilement accessible.

Plus on se rapprochait, plus la musique harassante frappait nos tympans. Aeron m'agaçait, son attitude était relaxée, tandis que j'étais sous une couche de stresse. Mes pieds ne se plaçaient plus droit, et ma respiration s'alourdissait. Une goutte de sang s'écrasa contre ma chaussure, me faisant relever la tête, et constater que mon nez saignait encore, et je vis à l'expression d'Aeron -à nouveau moins sereine que d'habitude- que quelque chose le gênait. Il me dévisageait longuement en mordant l'intérieur de ses joues comme s'il y avait quelque chose qui le dérangeait, ou qui le mettait mal à l'aise. Mais je n'y prêtais pas plus attention que ça, ne voulant pas connaître la vérité. Parce qu'on y était, devant un jardin immense, entourant une demeure de riche. Les lumières fusaient dans tous les sens, la musique nous bousillait l'ouïe, des couples s'embrassaient dans chaque recoin, d'autres se défonçaient à je ne sais quoi. Mes pas ralentirent instinctivement, à tel point que juste devant le seuil de la porte, je m'arrêtai complètement.

Aeron semblait enfin remarquer mon état. Il soupira, puis déboutonna les deux premiers boutons de sa chemise, sans aucune raison. Son bras entoura à nouveau mes épaules, et m'incita à le suivre. Mes paupières se fermèrent, pour essayer de créer un faussé entre le lieu où je me trouvais, et celui où j'aurais souhaité être.


Aeron

Zayn se serait écroulé au sol si je ne le tenais pas. Il avait une phobie sociale, ou un truc dans le genre pour réagir aussi dramatiquement ? Je l'aidais à s'asseoir sur l'un des fauteuils du salon, bien qu'il insistait pour partir d'ici. Mais cet endroit me rappelait bien trop que je n'avais jamais, et que je n'aurai jamais droit à une adolescence normale, et pour cela, l'envie me prenait d'y rester.

Je brûlais d'impatience, mon esprit enfantin prenait le dessus, je voulais tout tenter. Je laissai Zayn se reposer malgré ma promesse de lui tenir compagnie. Comment dire que je n'avais pas vraiment de bonne conscience qui me contraignait à respecter toutes mes paroles au pied de la lettre. J'atterris alors dans la cuisine faite de marbre, où des membres d'une équipe de sport s'affrontaient. Ils lançaient une petite balle dans des gobelets, et l'adversaire la retirait puis en buvait le contenu. Je dépassais chacun d'entre eux d'au moins une tête, si bien que pour pénétrer dans la salle, je dus me pencher pour ne pas me prendre le portant de la porte dans la tronche. Ils s'orientèrent vers moi et me proposèrent de les rejoindre.

Je me sentais légèrement coupable d'avoir laissé Zayn seul, mais je persistais à jouer, en essayant de me convaincre que je n'avais rien fait de mal. Je mis une raclée aux plus courageux, qui finirent par abandonner et me taper amicalement l'épaule comme marque de respect je suppose. Malheureusement, je n'y échappais pas complètement non plus, ma respiration était courte, et je puais l'alcool sans même en ressentir les effets.

Les gars hurlaient lorsque je gagnais une énième partie, probablement influencés par la quantité d'alcool qu'ils avaient ingéré, et me portèrent triomphalement au-dessus de leurs têtes avec difficulté. Ils m'emmenèrent dans la salle principale, puis devant une cheminée, et s'arrêtèrent au salon ou j'avais laissé Zayn un peu plus tôt. Lorsque mes yeux se baladèrent un peu partout, à sa recherche, et qu'ils ne le trouvèrent pas, je commençai réellement à paniquer, comprenant rapidement qu'il n'était plus là. Alors, je montai les marches de quatre en quatre, et atteignis l'étage, où une tête blonde que j'avais déjà vue était occupée à embrasser une petite brune contre le mur du couloir. Il la coinçait entre ses deux bras, et frottait langoureusement sa langue contre la sienne. Je mimai une envie de vomir sans les lâcher du regard. Et tout en leur passant devant, j'eus une pensée pour Barbie, espérant qu'il savait que les gémissements de sa copine courte sur pattes étaient aussi faux que les sourires qu'il offrait à ses adversaires lorsqu'il perdait un match.

Lion [Auto-édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant