Chapitre 5 - Mouton

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Pieck plissait ses yeux fatigués avant de se lever. Elle passait à côté de Jean et se rinçait la bouche.

- Il faut croire.

Prenant cela comme une acceptation, Jean se levait et la sondait avec un sourire en coin. Il savait que personne ne pouvait lui résister.

- Il faut profiter de l'été qui arrive à grand pas pour nous marier.

Pieck se tournait vers lui confuse.

- Tu compte m'épouser aussi rapidement ? Tu ne veux pas apprendre à me connaître avant.

Jean s'approchait de la petite femme en oubliant presque la présence de Licht.

- Nous avons toute la vie pour apprendre à mieux nous connaître. Et puis, je te connais déjà physiquement parlant.

Une main plaquée sur sa bouche, Licht tentait de se taire avant de presque sauter dans les bras du nouveau « couple ».

- Il faut prévenir les autres qu'on organise bientôt un mariage.

Elle passait délicatement sa main sur le ventre de Pieck et sur le sien.

- De toute façon, je vous voyais bien ensemble. Et puis, nos enfants grandiront ensemble !

Licht se tournait pour rejoindre la cuisine et annoncer la bonne nouvelle, mais elle sentait une main la tirer en arrière.

- Ne dis rien ! J'en parlerai d'abord ce soir à mes parents.

Jean était pâle, il avait oublié ce détail et redoutait d'une certaine manière la réaction de son père qui était un homme très strict en comparaison à sa mère.

Faisant un geste qu'elle ne dirait rien, Licht retournait silencieusement vers la cuisine en ayant les yeux brillants ; elle était si heureuse et voulait leur laisser un peu d'intimité.

- Que vont dire tes parents ?

Jean se grattait la nuque légèrement soucieux.

- On verra bien.

Il se tournait enfin vers Pieck tandis que des rougeurs gagnaient ses pommettes jusqu'à ses oreilles.

- Je devrais y aller, Reiner doit nous attendre.

Il se remettait le dos bien droit en passant une main dans ses cheveux pour les plaquer en arrière et s'apprêtait à sortir de la pièce. Puis, avant de passer la porte, il se tournait vers Pieck. Cette dernière souriait en coin.

- Tu ne me dis pas au revoir ?

Jean restait sur place ne sachant comment agir et c'est tout naturellement que Pieck s'approchait d'elle-même pour déposer un simple baiser sur la joue du châtain. Du fait de leur différence de taille, elle s'était mise sur la pointe des pieds. Automatiquement, Jean avait plié les genoux.

Les yeux pétillants, il la saluait d'un geste du menton et sortait droit comme un piquet de la maison sans prendre la peine de saluer les dames occupées avec leurs confitures dans la cuisine. Il croisait justement madame Springer qui apportait des bocaux en verre vides. Elle se retournait au passage du châtain perdu dans ses pensées et souriait en levant les yeux au ciel.

La mère de Connie retrouvait les femmes qui étaient encore surprises d'avoir vu Jean disparaître de la sorte sans même un mot et madame Kirstein ne cessait de répéter qu'elle ne l'avait pas éduqué de la sorte. Seule Licht qui continuait de dénoyauter les cerises souriait ; que c'était beau d'être amoureux.

Après avoir récupéré Livaï et les enfants de Reiner, ils se rendaient dans la prairie où le père de famille Braun les attendait. Avec lui, se tenaient déjà Connie et Falco qui avaient certaines difficultés à tondre les bêtes.

En voyant la scène, Jean ne pouvait que sourire en coin. Leur vie était la représentation même d'un cliché. Les femmes s'occupaient de préparer des confitures qu'elles stockeront pour le rude hiver tandis que les hommes s'occupaient des tâches de la ferme et surtout en extérieur.

Le cœur de Jean se gonflait, il fallait croire qu'une vie banale était ce qu'il désirait au plus profond de lui. Loin de ses devoirs de soldat, loin de ces titans éteints depuis quelques années, loin de cette guerre, loin de la foule et surtout du centre-ville dont il ne cessait de rêver plus jeune. Juste être en « famille ».

Habilement, Reiner s'occupait seul des moutons tandis que Connie en tenait d'autres et Falco tondait maladroitement, manquant de peur de blesser les bêtes.

- Reiner, ça pue vraiment les moutons.

Connie n'arrêtait pas de se plaindre alors que ses cheveux qui avaient poussé tombaient devant ses yeux.

- Je vais sentir leurs excréments pendant au moins une bonne semaine.

Reiner riait sans détourner les yeux de la bête se trouvant devant lui.

- Tu as intérêt à te laver correctement, tu vas faire fuir Maja. 

Tentant de jeter de la laine en direction de Reiner pour l'atteindre, le projectile n'allait pas bien loin du fait de sa légèreté.

- Tu as intérêt à nous inviter au restaurant au plus vite pour nous remercier de notre précieuse aide.

Reiner roulait des yeux alors que Jean arrivait avec Emil dans les bras.

- Je les mets où ?

Le châtain montrait les enfants Braun ainsi que Livaï. Pointant l'arbre juste à côté de lui, Reiner répondait :

- Là, installe-les correctement, il faut profiter du beau temps. Et toi, Irvin, viens aider papa.

Jean s'était assis aux côtés d'Emil et Livaï qui observaient attentivement la scène se déroulant devant leurs yeux. Emil ne cessait de dire « mouton » pendant une bonne dizaine de minutes alors qu'Irvin qui avait bien grandi désormais coupait des petits morceaux de laine de la bête duveteuse aidé de son père.

Jean ne pouvait retenir un sourire qui naissait sur ses lèvres. Dire que dans quelques mois ou même années, il pourra goûter à ce même bonheur qu'avait Reiner. Le châtain était si impatient.

- Tu es donc au courant pour Pieck ?

Sursautant, Jean fixait Livaï qui s'était adossé à l'arbre. Il en profitait pour reposer sa jambe douloureuse bien à plat alors qu'Emil commençait à bâiller dans les bras de l'ex Caporal.

- Pardon ?

- Tu es au courant ?

Livaï soufflait.

- Je dois te faire un dessin ?

Jean rougissait.

- Oui, je le sais pour son état. C'est ma faute, j'aurai dû faire attention. Mais je suis quand même très heureux.

- Vous n'êtes pas mieux que les animaux.

Il pointait de son doigt la partie du troupeau de moutons déjà tondus. On pouvait y voir une scène d'accouplement entre deux bêtes.

- Toujours en chaleur.

Jean était vexé d'être comparé à un animal et se redressait.

- Tu devrais essayer si tu ne l'as jamais fait.

Livaï faisait un air de dégoût avant de rouler des yeux.

- C'est sale.

Dans ses bras, Emil continuait de répéter « mouton ».

Un désir si simple (Jean x Pieck) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant