erwan.

18 2 2
                                    

erwan court toujours, iel court à en fendre son âme, à la briser en milliards de morceaux

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

erwan court toujours, iel court à en fendre son âme, à la briser en milliards de morceaux. mais n'était-ce pas juste ce qu'iel voulait ? toustes les autres læ regardent fixement, avec des yeux ronds ; est-iel possédé-e?

puis, iel suffoque, s'étouffe, bafouille, tousse :
"j'ai... j'ai un point... de... de côté..."
et iel s'écroule. est-iel possédé-e ?

son corps, au sol, se tend et se tord dans tous les sens. iel pousse des cris plaintifs, des gémissements qui attendriraient même les mort-es. iel se frappe le torse, le visage, iel souffre et cela dégouline de son corps comme un tsunami.

"j'n'y arrive pas... j'y arrive pas putain... j'suis désolé-e... j'suis qu'une grosse merde... une raclure..."

iel pleure, recroquevillé-e en position fœtale et le ciel le couvre de sa bénédiction ; chaque artiste se lève tour à tour, échangeant des regards tristes.

"erwan... on est là..."

un-e artiste s'est approché-e plus que les autres ; iel pose une main timide mais forte sur l'épaule d'erwan. la main valse sous les sursauts véhément d'erwan. elle s'écrase plus loin, perdue dans la farine retournée, dans une vie fanée.

"laisse moi, laissez moi toustes. laissez moi..."

les sanglots dans la voix sont lourds et tremblants, ils font l'effet de montagnes russes. les intonations diffèrent et se bousculent à travers les voix amorphes. tout est paradoxal et erwan gémit au sol, seul-e. et pourtant chacun-e læ regarde, oh læ pauvre erwan, si seul-e.

et dans la lenteur de l'agonie, iel met de la vie dans ses membres, une vie morte et paralysée. mais pourtant, au rythme de son souffle planant et déséquilibré les bras poussent contre le sol, le repoussent avec force. les doigts crispés s'enfoncent dans le sol, le déchirent et le réduisent en cendres.

et puis iel tousse, à quatre pattes, le corps secoué à chaque quinte. la souffrance résonne dans le chapiteau, grande et sévère ; elle assène le dernier coup. du moins, elle tente de l'assèner car erwan lutte et ses muscles se tendent et ressortent vaillamment à travers la peau.

et debout, les pieds comme des piliers instables, erwan supplie. iel supplie les autres, ellui-même, la vie et les dieux en lesquels iel ne croit toujours pas. la lenteur de ses mouvements laisse une trace indélébile de ce moment presque hors du temps. étonnamment, tout est fluide, ses bras caressent l'air avec douceur et les lèvres l'attrapent avec délicatesse.

la poitrine vers le haut du chapiteau, tourné-e vers les cieux, erwan contemple l'absurdité de sa vie et le cycle infernal de la mort. c'est prenant, c'est puissant, ça bouleverse la foule aux regards aiguisés. cette même foule en qui monte une vague de compassion, une vague immense qui rêverait de bercer erwan avec tendresse.

et autour d'ellui, les autres artistes se décident enfin à laisser leurs corps parler ; iels sortent de leur léthargie pour se reconstruire comme iels le peuvent. les mouvements sont lents et remplis d'une amplitude nouvelle, comme des ailes que l'on déploie pour la première fois. une douce musique vole à leur côté, les faisant côtoyer d'encore plus près les nuages.

et, tout autour d'erwan, jouant à l'éviter les artistes se réjouissent de léviter de nouveau. tout semble encore un peu douloureux, rouillé mais la détermination remporte la victoire ; poirier écart, équilibre sur une main, portés acrobatiques, roues, danse. tout revit de nouveau, avec une certaine rigidité mais elle n'est plus tenace, elle devient fugace, s'envole avec grâce.

erwan reste læ seul-e à ne pas bouger, l'immobilité ne læ fait même plus trembler. iel a le regard vide, vide d'émotions et d'expériences ; les yeux remplis de mort et d'errance. la foule aimerait læ serrer dans ses bras miraculeusement articulés. la foule prie pour erwan, prie pour qu'iel se sente revivre rien qu'un peu, rien qu'avec une once de vie. la foule prie les dieux en quels erwan ne croit pas.

iel regarde les autres, les observe avec amertume. iel contemple les prouesses qu'iel n'accomplira jamais. la pitié est elle-même consciente du pathétique de la situation d'erwan, de sa vie et de sa futilité. c'est fort, c'est dur et ça fait frissonner. et pour la première fois, chacun-e dans la foule tourne la tête et regarde son voisin-e pour y voir un-e potentiel-le erwan. à cet instant précis erwan devient tout le monde et tout le monde devient erwan ; les blessures sont communes et les espoirs sont les mêmes.

peu à peu les autres artistes s'arrêtent et dans un même temps la musique accélére. le crescendo est rapide et fait tout exploser avec une splendeur incandescente. un-e acrobate reste sur la piste et dessine dans la farine avec son corps, les pieds rappent le sol et les mains s'y aggripent. les bruits que font naître ses réceptions sont graciles et s'effondrent dans leur fragilité.

ses gestes sont précis et nets, contrastant avec la paralysie d'erwan, à l'autre bout de la piste. iel reste figé-e, de nouveau assis-e, les genoux pliés et entourés de ses bras. le regard vague, comme naviguant sur le plus calme des océans. mais le calme n'est qu'une apparence, une façade d'un chaos encore plus grand. puis, iel saisit l'une de ses mains avec l'autre et regarde avec attention son poignet. iel caresse sa peau et respire fort ; ce moment est un moment triste.

puis, un-e artiste s'approche d'erwan, les pieds frôlant le sol et lui tend des sangles. iel ne les attrape pas, læ regarde juste sans les voir. alors l'artiste s'aggroupi et glisse les sangles aux poignets d'erwan. les anciennes coupures disparaissent alors, laissant place à l'élévation enfin possible. erwan va vivre.

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
rideaux levésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant