48 - Miaou

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Evie -

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Epuisé, réchauffé par le chauffage central, bercé par la voix apaisante de Jake, balloté par le rythme de croisière du van, je tape plus d'une fois aux portes du sommeil, sans jamais y rester longtemps.

Le ronflement du moteur laisse échapper un couinement métallique que je serais bien en peine d'identifier mais qui fait jurer mon chauffeur. Une fausse note dans la partition huilée du mécano.

J'attrape des bribes de phrase mélangé a des brumes de rêves et je tente de rattacher les morceaux entre eux.

-Elle en a pas parlé. [...] Nan, mais y'avait Sammaël. [...] J'sais. [...] Rien d'grave j'dirais. Elle s'est d'jà plaint d'avoir faim donc ...

J'entends un grand rire saturé de grésillement.

Khaleb !

J'essaye de prononcer son prénom mais les sons se transforment en marmonnement dans le royaume de morphée.

-Dit moi quelque-chose que je ne sais pas déjà gamin.

Cette voix. C'est comme si j'étais déjà rentré. 

Je peux presque le voir debout au milieu du petit salon, les yeux brillant de malice, une chemise hors de prix sur le dos qu'il arrive à rendre négligé, les cheveux trop longs qu'il ne peut s'empêcher de coiffer en arrière quand il est nerveux, même s'il ne le reconnaitra jamais. Il m'offre son sourire désinvolte oh combien familier, le seul qui me fait encore plus me sentir à la maison que la maison elle-même.

-Allez, dépêchez-vous les enfants. C'est pas le moment de faire des détours. 

-Mais pour qui tu t'prends ? J'fais au mieux j'te signale !

Au bruit je suppose que le téléphone a rageusement été éteint avant d'être envoyé quelque part dans les tréfonds du van.

-Mon dieu ... dis-je en baillant de tout mon soûl. 

-Quoi ? 

-Vous communiquez ?  Je n'en reviens pas !

Je quitte presque à regret les genoux si confortables de Jake pour tenter une position assise. Qui sait, c'est peut-être le secret pour rester éveiller. 

-ça va ! grinche t'il. 

-Je suis toute retourné. Émue même ! 

-Tu crois pas qu't'en fait trop ?

Je remarque seulement l'épaisse veste à carreaux sur mes genoux. Jake a dû me border pendant que je somnolais. Je la réajuste autour de mes épaules, et place mes mains en offrandes devant les grilles d'aération du van qui crache un air tiède accompagné d'une légère odeur de plastique fondue et d'un discret bruit de poumon robotique en pleine crise d'asthme.

 
Le pauvre van est poussé dans ses retranchements, mais il est toujours loin de tenir la comparaison face à une douche ou un café chaud.

-Ça va ?

Je surprends le coup d'œil inquiet de Jake avant qu'il ne se cache derrière une concentration naturelle et un intérêt renouvelé pour la piste devant nous.
Je hoche fébrilement la tête pour toute réponse. Pas convaincue, il passe le dos de sa main sur mon front et soulève les tissus qui recouvre mon épaule pour vérifier par lui-même.

-Pas d'fièvre. Et tu saigne plus. Pas d'infection. 

-Physiquement ça peut aller, mais ... 

-Mais ? m'encourage t'il quand je butte sur la suite. 

Les fils de Sammaël [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant