59 - Evie - Parti

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La porte ressemble en tout point à ses voisines : même teinte gris déprimant, même peinture qui s'écaille dans les coins, même odeur de javel bon marché que tout le couloir. Si elles n'étaient pas numérotées, je ne pourrais jamais m'y retrouver.

Je vérifie les pattes de mouches gribouillées au creux de ma main et les chiffres au-dessus de la porte. Même s'ils sont rouillés, même s'ils sont encrassés de poussière, ils correspondent.

J'y suis.

J'entends des voix derrière. Je tends l'oreille discrètement. Et puis merde, on a dépassé ce stade.

Je me colle à la porte sans aucune gêne. Elle est restée entrouverte, à ce niveau-là, c'est une invitation à espionner !

- Peut-être que tu pourrais me glisser un petit numéro de téléphone avec ma compote la prochaine fois ?

Je pouffe en silence.

 A t'il seulement changer ?

Je me risque à jeter un coup d'œil dans l'entrebâillement, histoire de prendre la température de l'eau avant de me décider à y entrer pour de bon. La jeune femme en blouse blanche à les joues à vif. Il a toujours adoré mettre mal à l'aise les plus timide.

-Vous êtes incorrigible monsieur Vanark, le réprimande t'elle en débarrassant son plateau repas.

-J'essaye, se vante Khaleb.

Il n'a pas l'air si mal en point vu d'ici. Installé sous un édredon élimé qui a l'air de gratter, le sourire aux lèvres, se pavanant dans son lit trop petit pour lui qui couine à chacun de ses gestes.

Son torse nue est bardé de bandage, jusqu'à son bras qu'il porte en écharpe. C'est très à la mode en ce moment, moi-même j'arbore encore cette tendance dernier cri. Il pousse le vice jusqu'à avoir la tête et le front enroulé dans un turban de gaze.

Je suis sûr qu'il doit détester ça, de ressembler à une caricature de l'écloper de service comme on en voit dans les cartoons. Ne lui manque que la béquille de bois pour parfaire son costume ; les yeux qui lui sortent de la tête et la langue qui pends au sol digne du loup obsédé, il les a déjà.

Je protège mon propre bras et m'efface pour laisser l'infirmière sortir.

- Ça fait longtemps que tu es là, fillette ?

Et comme par magie, toute sa personne change. Il n'est plus souriant, plus avenant, plus à la recherche de sa prochaine plaisanterie. Il redevient l'autre Khaleb. Celui dont j'ai fait la connaissance au ver-mignon pendant le siège démoniaque. Tellement froid ... Tellement distant ... Je déteste ce changement subit. Ce qui l'a provoqué, ce n'était pas les démons, ce n'était pas les circonstances, c'était moi. J'en est la confirmation maintenant.

-Assez pour remarquer que tu as vite repris du poil de la bête.

-Je vais pas me convertir en saint seulement parce que j'ai perdu mes pouvoirs de démon, si c'est ce que tu veux dire.

Il détourne le regard, tout d'un coup captivé par les lumières des gyrophares qu'on aperçoit de sa fenêtre. Une chambre avec vue sur le parking de l'hôpital.

S'il veut jouer à ça on peut-être deux. Je peux reconstituer le tableau avec les miettes qu'il me lance. Il vient d'en confirmer une partie déjà. Qu'est-ce que je sais d'autre ?

Je sais qu'un peu avant l'aube, après la désertion des démons, les secours ont reçu un appel en provenance du ver-mignon. Khaleb a été emmené aux urgences avec une sérieuse plaie à l'abdomen qui n'a miraculeusement touché aucun de ses organes vitaux. A croire que son adversaire l'a fait exprès.

Les fils de Sammaël [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant