Chapitre 2

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     Un peu de temps était passé et le givre commençait à fondre, ce qui rendait l'herbe extrêmement glissante. Les quelques fleurs ayant survécu au gel prématuré laissaient voir leurs couleurs pastel. Les pics de froid qui traversaient mes poumons commençaient à fondre. Une fois arrivé sous les branches des arbres qui laissaient le gel se liquéfier pour glisser sur ma capuche, je me mouvais du mieux que je le pouvais, silencieusement, en évitant les branches et privilégiais la mousse plus silencieuse. J'évoluais entre la végétation à pas feutrés pour ne pas produire même d'insignifiants frémissements qui pourraient effrayer rongeurs ou oiseaux. La légère brise qui filtrait à travers les hauts arbres était contre moi : mon odeur en était maintenant fortement diminuée. Les conditions de chasse semblaient maintenant remplies pour un futur repas ! Enfin, je l'espérais...

     Je tendis l'oreille, calant mon dos contre un tronc dans l'attente du gibier. Un petit grattement se fit enfin entendre après une vingtaine de minutes de patience : quelle aubaine ! Trouver quelque chose en si peu de temps avec cette météo portait presque plus du miracle que de la chance. Je m'avançais alors doucement vers la source sonore. L'excitation me bloquait le souffle. Mais soudainement, je marchai sur une branche qui craqua dans un bruit sourd. De petits copeaux s'éparpillèrent autour de mon pied droit. Eh merde... Le silence avait refait surface.

     Mais après quelques secondes, le grattement repris de plus belle, le rongeur ayant jugé que plus aucun danger ne pesait sur lui. Le sourire au coin des lèvres, je continuais mon approche. Et là, à l'ombre des racines d'un chêne, je vis une souris dodue qui, insouciamment, grignotait goulument une graine. Ça y est ! J'allais manger ce midi ! Je ravisais rapidement ma joie, car rien n'était encore joué. Je saisis l'un des couteaux accrochés à ma ceinture. Je me relevais de ma position accroupie le plus doucement possible pour viser. Le rythme de mon cœur se mit à s'emballer. La petite braise d'excitation en moi, s'était transformée en un véritable brasier. Je fermais mon œil droit et je fis glisser ma langue sur le coin des lèvres. Le couteau pointait vers la future victime et mon corps se cabra. Mes genoux fléchirent légèrement. Pour garantir un bon élan lors du lancer, j'avançais ma jambe droite par rapport à la gauche, me tenant alors de profil. Mon dos était légèrement arqué pour ne pas être gêné par les branches les plus basses. J'inspirais par les narines et bloquais ma respiration. Et d'un mouvement, le souffle court, je lançais mon arme vers le rongeur. La trajectoire parfaite, aucun branchage ne gênait la lame dans sa course, happant le vent dans un sifflement aigu. Une goutte de sueur perla de mon menton. Mes lèvres tremblaient. Cependant, alors que l'instant d'avant la souris grignotait tranquillement sous le chêne, l'instant d'après elle détala en abandonnant son trésor.

« Impossible, impossible, je n'avais jamais réalisé un lancer aussi parfait ! Merde alors ! hurlai-je en levant le poing vers la cime des arbres. »

     J'abattis ensuite ce même poing sur le parterre moelleux de la forêt. Des petits morceaux de mousses volèrent alors pendant un bref instant. Haletant comme une bête enragée et martelant le sol, je sentais dans le bas du ventre l'onde de mes coups. Epuisé à force de frapper comme une bête le parterre de la forêt, je me rendis enfin compte de ma stupidité. La rage folle brûlant dans mes yeux s'estompa. Quel idiot... je commence sérieusement à vriller. En plus, j'ai dû faire fuir tous les animaux en faisant trembler ainsi le sol... Je suis d'une médiocrité, c'en est presque amusant...

     Je m'allongeais sur l'humus humide me remettant en question. J'inspirais profondément et expirai de déception. Le sang battait à mes tempes. Pour calmer la frustration qui déchirait mon cœur, je pris alors le temps d'écouter les alentours. Je ne m'attendais à rien d'extraordinaire, mais se concentrer ainsi sur la mélodie de la forêt pouvait avoir un côté reposant. Mais je n'entendais rien, mis à part le vent, aucun son ne venait lancer la mélodie de la nature.

Seul avec personneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant