Seul avec personne

Chapitre 4

     L'affrontement avait commencé. Il fallait agir, mais mon corps me faisait toujours autant souffrir et je n'arrivais plus à bouger, complètement paralysé. Mon cœur battait la chamade à cause de la terreur qui m'arrachait de la réalité cruelle, trop choqué pour penser raisonnablement. Je le voyais, Aunin, il se rapprochait de plus en plus et malgré le poids de son armure, il s'élançait si vite qu'il en devenait flou, et qu'il devenait impossible de le suivre avec des yeux d'Homme. Et moi, je ne pouvais rien faire, abattu face à ce danger mortel qui viendrait m'ôter la vie, en moins de quelques secondes. Je fermai les yeux, mes sourcils se fronçant comme pour fuir le destin funeste qui allait me tomber dessus. Je me rappelai toutefois cette voix, qui m'incitait à me battre, me battre pour retrouver mon identité, ma mémoire, ma vie ! 

     Un regain d'adrénaline et de courage me permit de me concentrer à nouveau et une idée germa dans mon esprit. Vaincre le mal par le mal... Je me mis à hurler, m'insufflant alors la force de légèrement m'entailler l'avant-bras. La vive douleur me réveilla de ma paralysie. Je suis peut-être fou ou masochiste, mais je me suis sauvé ! Et une microseconde avant que le chevalier Aunin ne frappe, je plaçai ma lame, verticalement contre mon corps, pour parer sa fulgurante joute. 

     Clang ! Je ressentis jusqu'à la plante de mes pieds la vibration de nos deux lames éclatant dans une explosion sonore. Le choc fut d'une telle puissance que je tombai genoux contre le sol. Dire que tout cela n'avait duré qu'un instant... Je n'eus même pas le temps de souffler, les tympans encore vibrants, que mon adversaire, sans qu'il n'ait le besoin de prendre de l'élan, tente un nouveau coup. La lame mortelle se dirigea vers mon torse. 

     Je me servis de mon épée pour me relever au dernier moment et reculais du mieux que je pouvais tout en maintenant mon arme droite, toujours prête à parer. Cependant, le pic de métal comme animé par la volonté d'un diable, se dirigeait incommensurablement proche de mon abdomen. Je ne pouvais complètement réussir mon esquive, il allait me pourfendre ! Je frappai de ma lame la sienne, afin de la dévier. Un crissement aigu accompagna la confrontation, les deux lames glissèrent l'une sur l'autre comme un archer sur les cordes d'un violon, le tout dans un cri strident qui ressemblait à un hurlement de désespoir...

     Comme d'un commun accord, après cette joute, nous nous séparèrent de quelques pas. Soudain, une douleur aiguë me prit au flan. Je baissais mon regard d'un mouvement saccadé vers sa source. Je me retins de vomir, une large entaille à mon flan crachait un sang presque noir. Pris d'une terreur singulière, une toux grasse me prit la trachée, deux grosses larmes s'accumulant au coin de mes yeux. Je plaquais ma main contre cette blessure où le sang bouillait et explosait dans un geyser pourpre à la moindre quinte de toux. Il a réussi à me porter une sale blessure ! Merde, je ne veux pas que ce soit mortel, non, ce n'est pas possible ! J'ai réussi à dévier son coup, me préservant alors la poitrine, non, non, ça va aller, ça guérira vite ! Je déglutis, me rendant alors compte que je tentais de me rassurer. Un râle étrange sortit de mes bronches, synonyme d'une torpeur qui m'étouffait, qui me noyait dans mon désespoir. Non, je ...

     L'esprit troublé, je me mis à osciller, ma lame tremblant alors aussi dans un cliquetis incessant. À force que le sang coulât, mes membres s'ankylosaient, mon cerveau s'engourdissait. J'attrapai mon habit à la poitrine avec ma main ensanglantée, qui avait alors baigné dans le pourpre de ma plaie. Paniqué, je me mis à balbutier des syllabes incompréhensibles et je crachai un filet de sang.

     Soudain, un choc m'écrasa le crâne : les symptômes d'une potentielle crise se faisaient de plus en plus clairs et je savais qu'au fond de moi, ces derniers ne pouvaient cesser, je devrai subir une nouvelle fois cette malédiction qui faisait perdre la mémoire, encore fallait-il survivre jusque-là...