Chapitre 3

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     Ma respiration s'accéléra et la pression sanguine folle dans mon cœur me faisait haleter. Mes lèvres se mirent à trembler et je tentai dans une longue expiration de calmer ma surprise et ce stress profond qui jouait avec mes nerfs. Mon rythme cardiaque ralentit alors, ma respiration reprenant de sa constance. Je m'en trouvai moi-même assez étonné. Je me savais de nature très sensible et nerveuse. C'est pourquoi la soudaine sensation de sérénité qui régnait en moi alors que je pouvais mal finir me troublait. Quoi que ce n'était pas vraiment de la sérénité, mais plutôt l'excitation de l'adrénaline qui faisait passer mon angoisse j'imaginais... Je ne comprenais plus rien à mes émotions qui se mélangeaient, qui s'enfonçaient profondément dans un tumulte étrange. Toujours plongé dans cet état incohérent, je décidais de m'approcher à travers les fourrées.

     Je vis enfin celui qui m'avait interpellé, il correspondait parfaitement à la description que je m'étais faite de lui. Imposant, expérimenté, le regard perçant, le mastodonte se mit à hurler sur un ton comique :

     « Eh gamin, je suis de la Grande Armée ! Sors de là et explique-toi, on s'abstiendra peut-être de te buter, explique-nous bien gentiment tes derniers agissements. »

      Quelle enflure ! Il semblait fort s'amuser de la situation, alors que l'on parlait de ma vie mise en jeu. Je n'avais pas d'autre choix que de venir à lui mais, peut-être qu'à force de négociations, je pouvais m'en sortir. Je misais alors ma vie sur ce plan quelque peu bancal. Je sortis de ma cachette, m'extirpant tant bien que mal des branches épineuses qui me barraient le chemin. Les deux hommes levèrent un sourcil comme pour exprimer un certain étonnement de voir ma frêle silhouette se mouvoir entre les branches. Le dos encore douloureux, je me relevai pour me tenir bien droit. Je n'avais jamais eu l'occasion d'observer de tels soldats d'aussi près. Ils se trouvaient à quelques pas de moi, un sol sablonneux nous séparant d'environ quatre ou cinq mètres. Je ne pus m'empêcher de frissonner, et épongeai de la sueur de mon front. Mon cœur se remit à palpiter frénétiquement et je restai planté là, ma pensée comme envolée face à cette scène surréaliste.

     Paralysé par la situation, au bout de quelques secondes qui me semblèrent durer une éternité, je retrouvai enfin mes esprits. Pour amorcer les négociations, je me devais de me montrer confiant, telle allait être la première étape de ma stratégie. J'esquissai un sourire en coin, presque malicieux. Étonnés par cette mimique qui contrastait avec le futur funeste qui devait m'attendre, la grimace satisfaite des deux chevaliers perdit de sa confiance. Ils ne tardèrent pas ensuite à se remplumer. Une nouvelle fois le plus grand se remit à s'exprimer, mais cette fois d'une voix plus posée et profonde qui sortait du fond de sa cage thoracique. Ce ton imposant faisait pair avec sa large carrure, je ravalai ma salive.

     « Dis-moi gamin, tu m'as l'air bien tranquille pour quelqu'un qui se trouve devant ceux qui vont t'amener vers les barreaux du cachot ! me lança-t-il. »

     Pendant un instant je ne pus m'empêcher de sonder le sol, à la fois écrasé par la prestance et le danger qu'occurrait l'homme, et à la fois en quête d'une réponse qui allait de concert avec ma stratégie.

     « Que-ce-que vous voulez de moi ? répondis-je, feignant l'innocence sur un ton qui restait néanmoins assez ferme.

— Nombre incalculable de vols et qui de plus est individu sans papier d'identité : voilà pour quoi tu es condamné ! Quel faraud tu fais ! Tu vas donc aller avec nous vers la capitale ! Et pour purger ta peine, tu pourras travailler dans les mines au Nord-Est ! Estime-toi heureux de pouvoir travailler pour notre Ô Grande Reine avant le jugement dernier. Allez mon petit foutriquet, on se bouge ! »

     Quel ton méprisant, cette enflure... Cet homme s'amusait de ses railleries ce qui ne manquait pas de me faire bouillonner de l'intérieur, mais la violence se présentait comme la pire des solutions. Une seule et simple conclusion me vint alors à l'esprit : il fallait malheureusement le suivre pour espérer vivre plus longtemps et enfin découvrir mon identité. 

Seul avec personneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant