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  Dans le taxi, Khadidja n’arrêtait pas de penser à la conversation qu’elle avait eu hier avec sa maman. « Maman et papa me conseillent, oui ils me conseillent. Mais pourquoi maman était-elle dans cet état, si ferme, comme si… » La voix du chauffeur la fit redescendre sur terre, car ils étaient arrivés à destination. Elle descendit donc, paya le chauffeur et prit la direction du marché. Elle était déjà grande et devait s’y rendre toute seule ; plus jeune, elle venait avec sa mère chaque jeudi, pour faire quelques achats. Et ce jeudi, elle était toute seule. Elle acheta tout ce qu’il y avait sur la liste, et prit le chemin du retour. Elle était presqu’arrivée à la sortie du marché, quand tout à coup, un jeune garçon chargé de bagages et ne voyant rien la bouscula. Elle était au sol, tous les fruits s’étaient écrasés ; comment allait-elle faire ? Il ne restait que l’argent du retour. Le jeune garçon honteux, l’aida à se lever et s’excusa sincèrement : « je suis si désolé. Je je ne voyait rien et en plus j’étais pressé.
- Ce n’est pas grave, ce sont des choses qui arrivent. » Répondit-elle
  Un jeune homme ayant assisté à la scène depuis sa voiture, descendit et se dirigea vers eux : « puis-je t’aider très chère ? Demanda-t-il
- Hum non merci, je vais rentrer. » Dit Khadidja fronçant les sourcils.
Le jeune homme insistant, sortit de l’argent pour le lui donner, mais celle-ci lui montra clairement son refus et s’en alla. Mystère mystère ! Elle ne se doutait pas de ce qui allait suivre…
  Arrivée à la maison, elle expliqua tout à sa maman et cette dernière comprit. De son côté, le jeune garçon eut quelques ennuis avec son chef mais rien de très grave. Enfin chez lui, pour il ne sait quelle raison, il ne cessait de penser à l’incident qui s’était déroulé. Mais surtout à la jeune fille, «  qu’elle était belle » pensait-il… Et tout d’un coup, il revint à lui de façon brusque et s’endormit.
  Le matin arriva enfin, il était 6 heures et le jeune garçon se leva pour prier et effectuer ses taches quotidiennes avant de se rendre à la prière de vendredi. Il s’appelait Ahmad. Il avait 16 ans, orphelin de père et mère, il vit depuis l’âge de 8 ans chez son oncle paternel ; oncle pas très affectueux. Mais heureusement son cousin Abdoul-Wadud ou Wadud est là pour qu’il ne se sente pas seul. C’est un garçon travailleur et intelligent. Côté école, il ne se donne pas vraiment à fond, il est intelligent, mais il est envahi de paresse. Les années précédentes, il se rendait toujours avec son frère Wadud à l’école coranique, mais depuis cette année il n’y va plus et donne comme excuse son « travail ». Dans le quartier, il est traité de tous les noms : bandit, insolent, orgueilleux… C’est ce qu’il montre aux gens pour ne pas révéler son bon fond ; comme il le dit souvent « il faut cacher son bon côté, pour ne pas que les gens profitent de nous », ça bien sûr c’est son point de vue. Ce bon côté, il ne le montre qu’à son frère et à son boulot. Il vient donc de terminer ses taches, et s’en va rapidement manger avant d’aller prendre une douche. Ils finirent de s’apprêter son frère et lui, et prirent le chemin de la mosquée. Voilà une chose que tout le monde témoigne chez ce garçon : le fait qu’il se rende toujours à la mosquée et à l’heure. Il s’amuse avec tout et rien, mais pas avec sa relation avec Dieu. Ils arrivèrent donc et s’assirent pour écouter le prêche de l’imam.
  La prière finie, tout le monde vaquait à leur occupation. Ahmad et son frère attendait leur père qui saluait des amis. Et là, en se tournant vers sa droite, il vit celle qui occupe ses pensées depuis hier. « C’est bien elle ? » se demanda-t-il. Oui c’était bien Khadidja. Elle était avec son père ; en arrangeant son voile, elle remarqua que le garçon juste à quelques centimètres d’elle la regardait, alors baissa le regard et se retourna. Elle n’avait pas reconnu le jeune garçon, Ahmad lui aussi ne la regarda plus, son oncle arriva et ils partirent. Sur le chemin, Wadud commença à emmerder son frère Ahmad : « j’ai remarqué que tu regardais une fille à la sortie de la mosquée.
- Quoi !! Bien sûr que non… Bon oui je la regardais, mais c’est parce que j’ai cru la connaître, rien de plus.
- Hmm je vais faire semblant de te croire mon frère. Dit Wadud tout en souriant
- Ouais c’est ça. »

Enfin à la maison, Khadidja se changea pour aller retrouver sa maman au restaurant. Comme d’habitude, il était bondé de clients, surtout le vendredi. Après la mosquée, les gens aimaient venir savourer la bonne cuisine de Zahra, avant de retourner travailler ou rentrer chez eux. Tous étaient satisfaits. Khadidja alla donc prendre la commande d’un client arrivé, celui-ci était très souriant avec elle. Il dit : « Te souviens-tu de moi très chère ?
- Non… Répondit-elle étonnée
- Eh bien je suis l’homme du marché qui voulait te dépanner.
- Ah je vois…
- Je suis ravi de te revoir. Je m’appelle Ousmane. Et toi, je sais que tu t’appelles Khadidja. »
Se sentant gênée, Khadidja répondit timidement, prit sa commande et s’en alla.

  Plus tard à la maison, elle n’arrêtait pas de penser à sa conversation avec cet Ousmane. « Pourquoi ai-je cette drôle de sensation ? Se demanda-t-elle. En effet, quand une personne que l’on ne connaît pas puisse elle nous connaître, cela paraît farfelu. » Elle n’y pensa plus trop et se coucha. Ousmane, mais qui était-ce ? Il s’agissait d’un jeune d’à peine 20 ans, plutôt séduisant, qui grâce à l’aide financière de son père réussit à fonder une petite usine de produits laitiers. Il n’a pas beaucoup appris et préféra se lancer sur ce projet. Son père qui est banquier et surtout connu dans la région l’aida donc. C’est un jeune célibataire qui est actuellement à la recherche d’une épouse ; il se sent prêt et ne veut absolument pas perdre de temps. Comment connaît-il Khadidja ? C’est simple, lui qui est en contact avec certaines écoles coraniques a entendu parler d’elle, et il était même présent le jour de la cérémonie de mémorisation. Et depuis lors, il cherche à la côtoyer, car il veut que ce soit elle sa future épouse.

Khadidja qui était assise au salon, se leva et alla à la cuisine pour aider sa mère. Zahra remarqua que sa fille en coupant les oignons était perdue dans ses pensées, alors elle la secoua : « Qu’y a-t-il ma chérie ?
- Oooh ! Rien maman je j’étais en train de penser à quelque chose.
- D’accord… » En sentant que les yeux de sa mère étaient sur elle, elle répliqua : « Il y a un jeune homme qui, en fait je sais pas, j’ai l’impression qu’il essaie de faire connaissance avec moi…
- Ousmane ? Dit sa mère.
Sa fille écarquilla les yeux.
- Oui mais comment…
- Je vous ai vu discuté ensemble au restaurant. Moi je dirai qu’il le fait car c’est sûr que tu l’intéresse. Dit Zahra d’un sourire moqueur.
- Maman, ne dit pas de telles choses voyons.
- Ha ha ha ! Je m’excuse chérie, je plaisante.
- Mais d’après ce que j’entends tu le connais apparemment.
- Oh oui, et pas juste moi. Tout le monde le connaît. C’est le fils de Aladji Yacoubou, le banquier. C’est un garçon travailleur, et en plus de cela il possède sa propre usine ici à Kano. Et j’ai entendu dire qu’il en ouvrirait une à Lagos.
- Whaouh ! Impressionnant. »

Les mois passaient et passaient, et on arrivait presque à la rentrée des classes. Khadidja était impatiente, mais aussi stressée, car elle serait en classe d’examen. Elle n’était pas la seule à avoir ce sentiment, Ahmad aussi. Ce dernier n’a pas obtenu son examen l’année dernière et cette année il doit redoubler d’efforts. Oh petit rappel, il n’était pas en Terminale mais plutôt en 3e. Oui oui ce garçon était vraiment paresseux, mais toute la faute ne lui revient pas. Suite à la mort de ses parents, son oncle ne l’a remis à l’école que lorsque son fils l’a rattrapé. Belle injustice ! A cause de cela, dans sa tête cela lui est complètement égal qu’il réussisse ou pas. Mais très bientôt ces pensées qu’il a disparaitront.

KhadidjaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant