Chapitre 5

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Virgile referme la porte de la salle de bain derrière lui. Sandro se tient assis sur le rebord de la baignoire, la tête baissée.

- Cadeau de ton père, dit-il en agitant un tee-shirt – puis il désigne son propre tee-shirt déchiré et tâché de sang séché au niveau de l'épaule – et il faut s'occuper de cela avant que cela ne s'infecte.

Sandro lève la tête vers lui et lui sourit timidement avant de lui tendre les compresses et une bouteille de désinfectant.

Torse nu face au miroir, Virgile appuie une compresse imbibée sur les blessures laissées par la Domination. Il grimace quand le liquide froid et piquant coule sur les plaies mais insiste pour ôter le sang déjà coagulé. Il s'interrompt un instant et observe Sandro dans le miroir.

Le jeune homme garde la tête basse et sa peau lisse, pâle le fait paraître bien jeune, malgré les ombres bleues sous ses yeux. Il a un visage fin, un menton triangulaire, des pommettes saillantes et un nez en trompette. Ses cheveux bruns, mi longs, tombent sur son front, dans sa nuque et couvre le haut de ses oreilles.

- Pour tout à l'heure ...

- Ne t'inquiète pas, l'interrompt Sandro en levant la tête pour regarder son reflet droit dans les yeux. Je comprends totalement que tu ais voulu partir. Après tout, tu ne nous connais même pas et n'importe qui aurait tourné les talons en entendant parler de ces bizarreries. Même moi j'ai du mal à y croire. Mais je suppose que j'étais juste un peu ... déçu.

- Oh – Virgile reste silencieux quelques secondes – mais je parlais de ta réaction après. Après les explications de ton père.

Virgile se tait. Dans le miroir, il voit Sandro détourner le regard et se gratter la nuque nerveusement, ses joues brusquement colorées de rose.

- Ah ... ça, dit Sandro levant les yeux au plafond avec un sourire.

- Oui, poursuit Virgile en répondant à Sandro par un même sourire. Ton père et Bryn en ont vraiment pris pour leur grade. J'étais soulagé de ne pas être à leur place.

- Je suppose que j'ai vu rouge.

- C'est le moins que l'on puisse dire ! Mais ...

Virgile redevient instantanément sérieux.

- Tu en as tant bavé que ça plus jeune ?

- Dès mon enfance et pendant près de dix ans, on m'a diagnostiqué un peu tous les troubles possibles, anxieux, de l'humeur, de la personnalité ... en fonction des psychiatres que je voyais, j'avais une phobie sociale, j'étais bipolaire, dépressif, schizophrène ... J'ai eu différents traitements médicamenteux, j'ai même été interné pendant un moment.

Sandro s'interrompt, la gorge nouée. Dans le reflet du miroir, Virgile l'observe attentivement et reste silencieux, pour lui laisser le temps de poursuivre.

- Pendant des années, j'ai traîné ces idées noires, cet état dépressif, le sentiment de n'être bon à rien, inutile ... je ne peux pas m'empêcher de penser ... si toutes ces hallucinations, ces psychoses n'étaient pas des choses imaginées, qui n'existaient que dans ma tête mais, je ne sais pas, d'autres menaces, des souvenirs ou même des pouvoirs ? Venus de Sidh ? Des capacités innées ? Si mon père avait été honnête, s'il m'avait expliqué tout ça dès mon enfance, je n'aurais peut être pas passé mon temps à me croire fou ou dérangé, à me reprocher d'être malade et un fardeau pour mon père. J'aurais peut être eu la chance de grandir normalement, de ne pas être coupé des autres.

Sandro relève la tête et dans le miroir, Virgile voit ses yeux brillants de larmes. Son cœur se serre de le voir aussi désemparé.

- Est-ce que, parce que mon père m'a caché tout ça, je n'ai pas perdu la chance d'avoir une enfance normale ? De grandir normalement plutôt que d'avoir plus de psychiatres que d'amis ?

Le roi des féesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant