Chapitre 9

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Sandro sursaute en se retrouvant à nouveau dans le long corridor de son rêve précédent, rêve ou souvenir, quelle que soit la nature de cette scène. La seule chose dont il est persuadé est de ne pas réellement en faire partie. Il se rapproche de son père et de la femme qui ne réagissent pas à sa présence. La compagne de Dom lui est vaguement familière mais c'est le garçonnet que son père tient dans ses bras qui attire son attention. Il reconnaît aussitôt celui que Dom tient fermement dans ses bras, ses petites jambes autour de sa taille, ses bras trop courts accrochés à son cou. Son père avait tapissé des pans de mur entiers de leur maison de photos de lui enfant et en regardant son alter ego, Sandro se dit qu'il doit alors avoir deux ou trois ans.

C'est donc bien un souvenir, murmure Sandro, ses mots totalement ignorés par le couple.

- Vite, chuchote la femme. Je ne sais pas de combien de temps nous avons pour quitter la maison. Ils sont peut être déjà là.

Elle se penche vers l'enfant et l'embrasse sur le crâne, passant sa main dans ses cheveux. Elle se force à lui sourire mais l'inquiétude se lit sur son visage. Les deux adultes courent sur la pointe des pieds pour faire le moins de bruit possible en traversant le corridor mais à nouveau, la femme se fige et tend une main en arrière pour arrêter Dom. Comme eux, Sandro retient son souffle, son attention portée vers l'autre bout du couloir, vers l'issue que Dom et la femme cherchent à atteindre. Les marches qui descendent sont plongées dans le noir.

- Qu'est ce que c'était ? questionne Dom le plus bas possible.

- Remonte, lui répond sa compagne hâtivement. Remonte et ne te montre pas.

Elle le repousse pour le diriger vers l'escalier dont ils viennent de sortir. Au même moment, à l'extrémité du corridor, le parquet grince et le couple se fige. Sandro voit une silhouette poser un premier pied hors de la cage d'escalier puis prudemment sortir de l'obscurité de la cage d'escalier. Le nouveau venu est vêtu entièrement de cuir noir, de la tête aux pieds et porte un masque en métal poli, presque irisé, qui lui couvre le visage et le crâne, sans même aucun trou pour respirer. Une torque du même métal enserre son cou. Il – ou elle, car malgré sa tenue moulante, il est impossible de deviner son genre – tient sa garde basse tandis qu'il avance prudemment. Un second individu émerge de la cage d'escalier derrière le premier, totalement identique, dans sa tenue, son masque et son bijou, son aspect androgyne et ses gestes lents, prudents.

Une bourrasque de vent fait redoubler le bruit de la pluie sur la baie latérale et un éclair s'abat quelque part, illuminant brièvement la pièce. Sandro sursaute, autant surpris par la violence des éléments que par les deux nouveaux arrivants. La fugace lumière de l'éclair vient faire étinceler leurs masques de métal et leurs tenues de cuir moulantes, s'accroche et brille un peu plus longtemps sur les longues lames de leurs épées.

- Des Vertus, murmure Dom, penché à l'oreille de sa compagne. Nous sommes perdus.

Puis le corridor replonge dans l'obscurité.

Sandro se réveille en sursaut, encore bouleversé par la scène à laquelle il a assistée et par la panique qu'il a décelée dans la voix de son père. Qu'est-ce qui a bien pu arriver cette nuit là ?

Il s'appuie sur les coudes et jette un œil sur lui et autour de lui, sur sa nouvelle tenue et dans la chambre dans laquelle il se trouve.

La petite troupe avait rejoint le domaine de Lysandre dans l'après-midi, sous un soleil de plomb et après une rapide visite des lieux, leur hôte les conduisit aux chambres mises à leur disposition. Bryn eut la sienne pour plus d'intimité et Virgile et Sandro se virent attribuer un même espace. Par rapport au reste du domaine, à la rusticité et à la modicité des habitations, les trois invités protestèrent devant le confort des chambres leur étant réservées, spacieuses, avec salle d'eau attenante et privée, mais leur hôte se montra intraitable.

Le roi des féesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant