Un, deux, trois, soleil !

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— Joueur 430, éliminé.
Il y eut un coup assourdissant, le joueur se cambra, en rejetant sa tête en arrière, une giclée de sang découpa l'air, et il tomba au sol. Mort.

Chifuyu sentit son cœur se glacer dans sa poitrine. Un horrible froid l'envahît soudain, et un tremblement le parcourut en voyant le corps de cette homme tomber, dans un bruit sourd. Sa tête frappa le sol couvert de petits graviers bruns et de sable, un très léger nuage de poussière se souleva, et du sang commença à former une flaque sous son dos. Un trou dans ses vêtements était visible, parfaitement placé au centre de sa poitrine.
Chifuyu resserra ses doigts sur le bras de Takemichi, qu'il avait attrapé pour l'obliger à s'arrêter, et enfonça ses ongles dans sa peau. Mais son meilleur ami ne sembla même pas le remarquer. Les deux jeunes hommes avaient le regard rivé sur le numéro 430.
Plus personne ne bougeait, tout le monde était paralysé. Loin au-dessus d'eux, des oiseaux volaient dans le ciel, tournoyant au-dessus du corps pâle du joueur, leurs cris résonnaient dans le silence, c'était comme s'ils étaient prêt à fondre sur le cadavre à tout moment, tel des rapaces sur leur proie.
— Il est..., murmura Takemichi d'une voix tremblante.
— Bouge surtout pas, dit Chifuyu d'un air paniqué.
Il se cramponna un peu plus au bras de son meilleur ami, paralysé par la peur de faire un mouvement trop brusque.
Il vit soudain quelqu'un se détacher de la foule de statues bleus que formaient les participants, un homme à la carrure massive et courir vers le joueur qui s'était fait tuer.
— Peyan, appela-t-il en s'avançant parmi les candidats. Peyan !
Les yeux de la poupée continuaient de bouger dans tous les sens dans leur orbite, mais ils se fixèrent soudainement sur le joueur qui bougeait.
— Peyan !
Une détonation retentit bruyamment, et le joueur, qui portait le badge 431, tomba au sol dans un cri de douleur. Du sang vola dans les airs et vint éclabousser les joueurs autour de lui, les gouttelettes rouges parsemant les survêtements bleus.
— Chifuyu, appela Takemichi d'une voix qui trahissait la peur.
— Bouge pas, répéta Chifuyu.
Deux joueurs venaient de se faire tuer parce qu'ils avaient bougés. Deux joueurs venaient de se faire tirer dessus. Deux joueurs étaient... ils étaient... ils...
Les jambes de Chifuyu tremblaient tellement qu'il pouvait à peine tenir debout. Qu'était-il en train de se passer ? Qu'est-ce que c'était que ce jeu ? Il fallait sortir d'ici tout de suite !
Un hurlement terrifiant retentit, du coin de l'œil, Chifuyu vit un garçon partir en courant, bousculant des personnes sur son passage. Le garçon se fit immédiatement tiré dessus, il cracha du sang au visage d'un autre joueur, celui-ci se mit à hurler à son tour. Un « bang » retentit.
Tout le monde se mit à hurler d'horreur en même temps, les participants se ruèrent vers le fond de la salle, et martelèrent les portes de sortie, alors que les « bangs » se multipliaient. Ils se bousculèrent les uns les autres, trébuchaient, s'égosillaient, ils se poussaient et fuyaient loin de la poupée, sous la pluie de balle d'argent qui tombait sur eux.
Chifuyu les regardait courir dans tous les sens sans savoir quoi faire. Sa conscience lui criait de s'en aller, de faire quelque chose, mais son corps était bloqué. Ses jambes ne réagissaient plus, sa vue était complètement floue. Il se sentait bousculer par tout le monde, mais il était incapable de penser, d'avancer, de fuir. Les coups de feu résonnaient dans ses oreilles, les joueurs s'écroulaient un à un, mais son regard était toujours bloqué sur le joueur 430, qui baignait dans une marre rouge.
   Le sang virevoltait dans les airs, des gouttelettes rouges s'élevaient de toute part, comme un splendide feu d'artifice, comme les pétales de sakuras qui agitaient l'air en période de hanami, comme les feus de détresse lancés dans le ciel par les bateaux qui sombraient vers les abysses de la mer. Le sang fendait l'air, il glissait sur le sol, éclaboussait le visage du jeune homme, et se mêlait à la poussière que soulevaient les joueurs en courant dans tous les sens.
Sans qu'il ne s'en rende compte, son meilleur ami recula lentement, et finit par se détacher de son emprise. Un nouveau coup de feu retentit.
Chifuyu ferma étroitement les yeux en se mettant à trembler de terreur, il tomba à genoux au sol en couvrant sa tête de ses mains et se recroquevilla sur le sable.
Un coup de feu, du sang, un geste, un mort, un autre, et un autre, des gouttelettes, du sang, un « bang », deux « bang », trois, quatre, encore, encore, les joueurs tombaient, ils formaient une masse inerte au pied des portes désespérément fermées, le sang coulait, le sable volait, les oiseaux criaient, la guerre, c'était un champ de bataille. Les mitraillettes, la poupée qui scannait la foule, les participants qui se bousculaient, les gémissements, les hurlements, Chifuyu ne pouvait plus que penser à ça. Ça résonnait dans son cerveau, les images sanglantes se bousculaient derrière ses paupières fermées, son corps s'agitait au sol.
Qu'est-ce qu'il se passait ? Pourquoi est-ce qu'on leur tirait dessus ? Pourquoi, pourquoi ? C'était un jeu, un jeu pour enfant, qu'est-ce qui leur arrivait ? Pourquoi personne ne faisait rien, que quelqu'un vienne les chercher, comment est-ce qu'ils pouvaient tous se retrouver ici sans que personne ne vienne les sauver ?
Chifuyu sentit soudain une chaleur l'envelopper, des mains vinrent couvrir sa tête, et quelqu'un le serra alors contre lui, comme pour le protéger de toute l'agitation autour de lui.
Chifuyu ne chercha pas savoir de qui il s'agissait, il se pressa contre le torse qui le tenait, en baissant sa tête contre son menton, les lèvres serrés, comme pour se protéger des balles qui fusaient autour de lui.
Les coups de feu se firent moins nombreux au bout d'une minute, la cadence ralentit, et il n'y eut bientôt plus aucun bruit. Le temps s'était suspendu, comme si la réalité s'était arrêtée pendant un instant.
Le jeune homme se risqua à ouvrir les yeux, sans pour autant bouger et se rendit compte qu'il était au sol.
Il s'était mis à terre, sûrement pour se protéger des balles et pour ne pas bouger, et quelqu'un le couvrait. Son regard tomba rapidement sur le badge de la personne qui le tenait dans ses bras. Il indiquait le numéro 113.
— C'est finit, murmura Chifuyu avec peur.
— Plus personne ne bouge, murmura Baji.
Chifuyu n'osa pas bouger et resta contre lui. Le jeu ne devait pas être terminé. Comment Baji était-il arrivé là ? Il était à plusieurs mètres devant lui quelques minutes plus tôt. Est-ce qu'il était revenu pour le protéger ?
— Tu vas bien, demanda Baji en resserrant son étreinte.
— Ça va, dit Chifuyu d'une voix tremblante.
— Laissez-moi vous répéter les règles du jeu, dit la voix féminine des enceintes. Vous pouvez bouger et avancer tant que je dirais « Un, deux, trois, soleil ! ». Si le moindre mouvement est détecté après, alors, vous serez éliminés.
Un silence pesant s'abattît sur le terrain de jeu. Des pleurs lointains venaient bousculer l'épaisseur du silence, mais c'était comme si tout le monde était mort.
Chifuyu était terrifié. Voilà ce qui clochait, voilà ce qui l'avait dérangé. « Éliminés ». Tout le monde avait comprit « perdre le jeu ». Personne ne s'était douté qu'ils se feraient tuer.
— Où est Takemichi, murmura le jeune homme en se rappelant que son ami l'avait quitté.
Baji ne répondit pas tout de suite. Chifuyu se fit violence pour ne pas vivement relever la tête, et se mordit violemment la lèvre.
— Je ne le vois pas, dit alors Baji.
Chifuyu ne réussit pas à répondre.
— Laissez moi vous répéter les règles du jeu, dit de nouveau la voix. Vous pouvez bouger et avancer tant que je dirais « Un, deux, trois, soleil ! ». Si le moindre mouvement est détecté après, alors, vous serez éliminés. Le jeu reprend.
Il y eut un bruit mécanique, signe que la poupée venait de tourner sa tête.
Attention, fit la voix de la poupée. Un, deux, trois, soleil !
Aucun bruit ne se fit entendre. Pas un souffle, pas un grincement de semelle sur les graviers, pas de corps en mouvement. Personne n'avait bougé. Baji couvrait toujours fermement Chifuyu, et les deux jeunes hommes étaient trop terrifiés pour avancer.
La poupée tourna sa tête, et Chifuyu se crispa, se préparant à entendre une nouvelle série de coup de feu. Mais il n'y eut aucune détonation. La poupée tourna sa tête.
— Faut qu'on bouge, murmura immédiatement Baji.
— Je peux pas.
— Il reste que trois minutes. Si tu bouges pas tu vas mourir, dit Baji d'un air mal assuré.
Attention, dit la poupée.
Baji se leva d'un coup et tira brutalement Chifuyu pour le forcer à l'imiter. Le jeune homme émit un gémissement de douleur mais se laissa faire. Il se força à ne pas regarder autour de lui pour se concentrer sur Baji qui s'était mis devant lui, en tenant sa main dans la sienne, et trottina derrière lui en tremblant.
— Un, deux, trois, soleil !
Chifuyu se figea en même temps que Baji, sa main broyait la sienne, et son corps n'était qu'à quelques centimètres du sien, si bien que le souffle de Chifuyu devait s'échouer sur la nuque de Baji. La poupée tourna sa grande tête vers les joueurs et les fixa longuement. Baji et lui étaient les seuls à avoir bouger. La poupée s'arrêta un instant sur Baji. Chifuyu disparaissait derrière sa carrure plus imposante que la sienne. Ses tremblements n'étaient pas détectables.
— Attention.
Baji reprit immédiatement sa course et Chifuyu s'empressa de le suivre. Mais cette fois-ci, d'autres participants avancèrent, du coin de l'oeil, Chifuyu put voir le garçon au cheveux blanc, celui qui lui avait demandé de se pousser dans le dortoir, se précipiter entre les cadavres, suivit de l'autre garçon, celui avec une cicatrice sur le visage.
— Un, deux, trois, soleil !
Les joueurs se figèrent instantanément. La poupée se tourna vers eux. Il y eut un « bang », puis un autre. Chifuyu sursauta en les entendant, et déglutit difficilement.
— Elle peut pas te voir bouger, tu ne vas pas mourir t'inquiète pas, murmura Baji.
   — Mais toi elle te verra, dit Chifuyu en serrant sa main avec tant de force que ça en devenait douloureux.
   — T'inquiète pas pour moi.
Attention.
Les joueurs se remit en route. Un garçon au cheveux mauves passa devant Chifuyu, un air apeuré sur le visage, suivit d'un autre, qui portait des lunettes tachées de sang et un autre blond.
Un, deux, trois, soleil !
Chifuyu s'arrêta de nouveau. À présent, tous les joueurs s'étaient déplacés. Mais de ce que Chifuyu pouvait voir, Takemichi n'était pas là. Il devait être dans son dos... Il le devait forcément. Un coup de feu retentit soudainement et le joueur aux cheveux mauves s'écroula au sol, mettant à découvert les garçons qui se cachait derrière lui. D'autres coups de feu retentirent et Chifuyu ferma étroitement les yeux pour essayer de calmer sa panique.
— Tu vois Mikey, demanda discrètement Baji.
Chifuyu tourna légèrement la tête sur sa droite et ouvrit les yeux. Une fille avec une mèche brune qui cachait un œil, un garçon avec des tatouages sur les mains, un autre avec des mèches blondes et violettes, un avec une cicatrice sur les lèvres.
Chifuyu tourna la tête sur sa gauche. Son regard tomba immédiatement sur un garçon qui devait faire au moins une tête de plus. Ses cheveux noires étaient rasés sur les côtés, et ramenés en une tresse noire. Il l'avait déjà vu. Et Mikey se tenait juste derrière lui. Une fille blonde se tenait aussi derrière lui.
— Il est là-bas, murmura Chifuyu à Baji. À gauche. Je crois qu'un autre garçon les protège. Il y a une fille avec eux. Elle ressemble à Mikey donc ça doit être sa sœur.
— Attention.
La poupée pivota vers son arbre et Baji en profita pour jeter un coup d'œil à Mikey. Il ne perdit pas de temps et reprit sa course, et Chifuyu s'empressa de trottiner derrière lui.
Un, deux, trois, soleil !
De nouveaux joueurs se firent éliminer. Chifuyu jeta un coup d'œil au chronomètre. Une minute trente. Il fallait accélérer le pas.
— On a plus le temps, dit-il en réfléchissant rapidement. On peut pas courir rapidement si je reste derrière toi. Je te freine parce que tu vas lentement pour me protéger.
Attention.
— Reste derrière moi, ordonna Baji.
   — Un...
— Quoi qu'il arrive arrête toi quand elle dit « deux » et ne prête pas attention aux autres, même à Mikey. Ne trébuche pas sur les corps des autres, regarde où tu vas et adopte une position simple, déclara Chifuyu avant de s'élancer pour contourner Baji. Fais attention t'as failli marcher sur un bras. Et surtout ne meurs pas !
Il n'avait pas le choix. S'il courait derrière lui, il risquait de ne pas réussir à s'arrêter à temps et de le faire tomber. Et donc de le faire bouger. Le jeune homme se précipita aussi vite qu'il put, en se forçant à ne plus penser aux autres, et seulement à sa course, et laissa Baji seul.
Un, deux, trois, soleil !
Chifuyu freina un peu trop tard. Il manqua de percuter un garçon aux cheveux roses mais réussit tout de même à s'arrêter avant que la poupée ne le voit. Il souffla longuement pour calmer son cœur qui s'affolait dans sa poitrine, il fallait à tout prix qu'il se détende et qu'il arrive à agir correctement. Il n'était plus très loin de la ligne d'arrivée. Il n'y avait pas de temps à perdre.
Attention.
Le jeune homme reprit aussitôt sa course et dépassa le garçon aux cheveux roses. Allez plus que quelques mètres, plus que quelques mètres, plus que quelques mètres...
Un, deux, trois...
Une main se referma soudain sur les cheveux de Chifuyu, le jeune homme poussa une exclamation de peur, alors qu'il était brutalement tiré en arrière. Il tomba au sol, sa tête heurtant violemment le sable dur, et un homme de grande taille passa au-dessus de lui.
— Soleil !
   — Désolé mais ce sera moi le premier, déclara l'homme alors que la poupée se tournait.
Chifuyu le regarda avec ahurissement. Il venait vraiment de se faire jeter au sol par un homme qui voulait juste... qui voulait juste être le premier ?! Qu'est-ce qu'il y gagnait ? Le jeune homme fronça les sourcils avec frustration, et ne prêta pas attention au coups de feu qui retentissaient. Cet homme mériterait que Chifuyu le pousse au dernier moment, juste devant les yeux de la poupée. A cause de lui il était passé à deux doigt de se prendre une balle en pleine tête.
En étant jeter ainsi au sol, Chifuyu aurait put se faire tuer.
— Attention.
Le jeune homme se releva d'un bond et se précipita vers la ligne d'arrivée, qui n'était qu'à quelques mètres. Chifuyu accéléra la cadence sans réfléchir, il devait terminer cette épreuve maintenant.
— Un...
Chifuyu pressa encore plus le pas. Il ne voulait pas être scanner une seule fois de plus. Il devait y arriver.
— Deux...
Allez, juste quelques pas, il ne pouvait plus s'arrêter maintenant !
Trois...
La ligne approchait, elle était presque là, Chifuyu pouvait le faire, il le pouvait vraiment !
— Soleil !
Le jeune homme plongea en avant, le temps se figea pendant quelques secondes, la poupée tourna lentement sa tête, et...
Chifuyu tomba brutalement au sol. Il roula sur lui-même alors qu'un coup de feu retentissait, il vit du sang voler haut dans les airs, sa vue se brouilla, les pierres s'enfoncèrent dans sa peau, son souffle se coupa, puis plus rien.

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Hey ;)
Oui j'ai posté une heure plus tôt, mais je me suis dit que ça serait plus pratique et j'avais pas envie d'attendre dix-neuf heures !
Alors oui, ce chapitre est plus court que les autres, mais vous inquiétez pas le prochain est plus long !
Alors, qu'est-ce que vous en avez pensé ?! Et qui est-ce que vous avez reconnu pour l'instant ? Et quel personnage vous attendez avec impatience ?!
J'attends vos retours 🙃

Squid Game - Le fil rouge Où les histoires vivent. Découvrez maintenant