La poutre de fer

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Chifuyu s'élança derrière la ligne de départ, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine. Tous les joueurs s'étaient précipités en même temps, Chifuyu slalomait entre eux, sans ralentir la cadence. Il se frayait un chemin, assourdit par la peur qui battait ses tempes, il ne voyait pas les autres participants se mouvoir autours de lui, son attention était entièrement focalisée sur la poutre de fer, au fond de la pièce, qui était suspendue entre deux murs. C'était là qu'il fallait aller, la poutre avait l'air particulièrement solide, elle résisterait facilement au poids de plusieurs joueurs.
Chifuyu pouvait sentir Baji derrière lui, à travers la mêlée de pas qui foulaient le sol, son souffle lui parvenait, il pouvait presque sentir son regard sur son dos.
Le jeune homme finit par atteindre son but. La poutre était en hauteur, elle était peinte de bleu, elle était large et construite de façon à pouvoir s'accrocher à ses plaques de fer. Mais il était bien trop petit pour l'atteindre, même en sautant.
— Merde comment on l'atteint, demanda Chifuyu en paniquant.
Il n'y avait aucune construction assez proche de la poutre pour monter dessus. C'était sûrement fait exprès. Non, c'était là qu'il fallait aller pour avoir le plus de chance de gagner, Chifuyu devait trouver un moyen d'accéder à cette putain de poutre, il ne reste plus qu'une minute, il fallait qu'il se dépêche.
Le jeune homme regarda autour de lui avec panique et son regard tomba sur des joueurs qu'il reconnut, à quelques mètres de lui. C'était le groupe dans lequel se trouvait Senju. Il y avait ses frères, Izana, le garçon qui était devant Chifuyu dans la file, Rindo, et un autre garçon qui lui ressemblait, qui devait donc être son frère.
Izana était en équilibre sur le garçon que Chifuyu ne connaissait pas, un garçon avec d'épais cheveux noir et une cicatrice qui barrière son visage en diagonale. Il le voyait toujours avec Izana maintenant qu'il y pensait. Le jeune homme regarda avec attention Izana sauter des épaules du garçon, et saisir le bas de la poutre, sans aucune difficulté. Izana se hissa facilement sur la poutre, comme si c'était aussi simple que de monter une marche. Il monta dessus avec des gestes souples, habiles, et s'assit confortablement sur une plaque de fer. Senju monta à son tour sur les épaules du garçon, elle sauta dans le vide et Izana la rattrapa, avant de la hisser à son tour sur la poutre.
   Chifuyu se tourna aussitôt vers Baji, mais il n'eut pas besoin de dire quoi que ce soit. Baji le souleva vivement et le fit s'assoir sur ses épaules. Chifuyu s'appuya fermement sur ses mains et fit de son mieux pour se mettre debout. Il n'était pas très lourd, ça ne devait pas être compliqué de le porter, mais il n'arrivait pas à se stabiliser parfaitement. La peur et le manque d'équilibre le déconcentraient, mais il n'avait pas le temps de se poser de question. Ni même de faire d'erreur.
   Le jeune homme se força à arrêter de penser, il lâcha les mains de Baji et sauta dans les airs. Pendant un instant, il crut vraiment qu'il allait rater la poutre, le temps se suspendit, le bruit autour de lui s'évanouit, un dernier battement de cœur vint assourdir son esprit, et Chifuyu écarquilla les yeux.
Ses mains percutèrent le fer de la poutre, elles se refermèrent aussitôt sur les planches métalliques entrecroisées, et Chifuyu se balança dans les airs, le souffle coupé. Il avait attrapé la poutre.
Le monde se remit à tourner autour de lui, les bruits de course, les cris retentirent de nouveau, comme si on avait brusquement remis le son de la scène. Comme si le temps reprenait son rythme effréné, que tout se remettait en marche, et que Chifuyu pouvait de nouveau ressentir.
   Il se cramponna avec force à la poutre, en se forçant à ne pas regarder le vide en dessous de lui, et fit une traction pour venir monter à califourchon sur la poutre. Essoufflé, il réussit son entreprise, en remerciant tous les dieux qu'il connaissait pour lui avoir donner assez de force pour faire ça.
   Mais comment allait-il faire monter Baji ?!
   Même en se penchant vers lui, Chifuyu ne pouvait pas l'attraper, l'espace entre eux était trop grand. Il ne restait plus que trente secondes, il fallait absolument que Baji ne soit plus sur le sol.
   — Merde, dit Chifuyu en paniquant de nouveau. Baji faut trouver un moyen pour que tu montes !
   Baji regarda rapidement autour de lui, et Chifuyu l'imita. Mais il avait beau chercher, il ne trouvait aucune solution. Tant pis, il fallait tenter le tout pour le tout.
   Chifuyu changea de position, il cala ses jambes entre deux planches d'acier, de façon à ce qu'il puisse se laisser basculer en avant sans tomber au sol. Le jeune homme se balança dans le vide, la tête en bas, uniquement retenu par ses jambes, et tendit ses bras à Baji.
   — Saute et attrape mes mains !
   — Mais après comment je monte sur la poutre ?!
   — J'en sais rien mais saute, cria Chifuyu en regardant le temps qu'il restait.
   Dix secondes. Si Baji était encore au sol dans dix secondes, il allait se faire tuer avant de comprendre ce qui lui arrivait. Son allié prit autant de recul que possible, avant de s'élancer à toute vitesse. Baji sauta avec puissance du sol, et Chifuyu parvint à rattraper ses avants-bras, juste avant que le compte à rebours n'atteigne sa fin.
   — Les trois minutes sont écoulés, fit la voix féminine. Vous devez à présent rester en suspension au-dessus du sol pour une durée de trente minutes, sinon, vous serez éliminés.
   C'était juste, Baji avait faillit y rester. Même si Chifuyu n'allait pas pouvoir tenir longtemps dans cette position, il avait déjà un peu plus de temps pour réfléchir. En revanche, des joueurs se trouvaient toujours au sol, ils n'avaient pas dû trouver de place sur les installations de l'air de jeu. Chifuyu vit les hommes masqués s'avancer vers eux, tels des automates, et lever leur arme vers eux.
   Il ferma étroitement les yeux, refusant d'assister une nouvelle fois à ce spectacle. Ses mains serrèrent les avant-bras de Baji si fort que ses ongles s'enfoncèrent à travers le tissu de sa veste, mais Baji ne dit rien, serrant lui-même avec force les bras de Chifuyu.
   — Non s'il vous plaît, je suis désolé, je vais payer mes dettes je vous le promets, s'écria un joueur d'une voix terrorisée.
   Un coup de feu retentit et un bruit de corps qui tombe au sol se fit entendre. D'autres gémissements, suivit de coup de feu retentirent pendant une minute, chaque détonation faisait sursauter les joueurs encore en vie, et le sang giclait dans les airs, comme si les hommes masqués visaient des parties du corps précises pour faire saigner le plus possible les joueurs qui avaient perdus.
   — Chifuyu... je vais pas tenir comme ça, dit Baji avec difficulté.
   Le jeune homme garda les yeux fermés et resserra sa prise sur Baji.
   — Moi je peux tenir, je ne te laisserais pas mourir.
   Dans cette position, ses jambes le faisaient horriblement souffrir, ses bras le tiraillaient, et le sang montait à sa tête, mais Chifuyu refusait de lâcher Baji. Il devait le protéger, il ne voulait pas perdre son allié le plus important, alors il allait tenir. Il allait tenir, même si pour ça il devait souffrir pendant une demi-heure, même si son corps ne s'en remettrait peut-être pas, il allait tenir et garder Baji en vie.
   — Chifuyu lâche moi, ordonna Baji alors que les coups de feu cessaient momentanément.
   — Non je ne te lâcherais pas !
   — Mais je ne vais pas mourir, s'exclama Baji.
   Chifuyu ouvrit ses yeux et regarda le visage de Baji, en-dessous du sien. Ses yeux brillaient de détermination et de courage, il n'avait réellement pas l'intention de mourir.
   — Aide-moi à monter sur toi, dit-il en plongeant son regard dans le sien.
   — Comment ça ?
   — Il faut que j'arrive à attraper la poutre pour qu'on change de position, et pour ça il faut que je m'aide de ton corps, expliqua Baji.
   Chifuyu ne comprenait pas vraiment comment il comptait faire, mais il n'avait pas d'autre solution à proposer alors il hocha la tête. Prudemment, le jeune homme lâcha sa prise sur les bras de son allié, qui lui maintint ses mains autour de ses bras.
   — Comment tu vas faire, demanda Chifuyu en essayant de comprendre.
   — C'est comme de l'escalade, mais juste avec les bras. Je monte sur toi et toi tu me portes et tu me tires pour m'aider. J'ai déjà essayé, ça devrait pas être très différent sur toi. Je vais y arriver t'inquiète pas, assura Baji avec concentration.
   Il commença à grimper sur Chifuyu, progressant lentement sur lui, utilisant ses bras comme prise. Chifuyu avait du mal à voir comment Baji pouvait faire ça, ça demandait beaucoup de force dans les bras. Il l'aida tout de même du mieux qu'il pouvait, en tirant son torse vers lui. Sans savoir comment c'était possible, Chifuyu sentit Baji attraper son torse et enrouler ses bras autour, alors que son ventre cognait sa tête.
   — Désolé c'est un peu bizarre, dit Baji avec gêne.
   — On s'en fou attrape la poutre, dit Chifuyu.
   Heureusement que son visage était déjà rougi par la montée du sang dans sa tête, sinon, Baji aurait vu que lui aussi était vraiment mal à l'aise.
   — Vous faites le soixante-neuf à l'envers, lança un joueur à leur droite.
   Chifuyu tourna vivement la tête vers la personne qui avait osé dire ça. Il s'agissait du frère de Senju, celui avec les cheveux roses. Il était suspendus à la poutre comme un koala serait accroché à son bout de bambou, les jambes et les bras entourant les plaques de métal, la tête rejetée en arrière pour les regarder. En fait, ce n'était pas le seul à les regarder. En balayant la pièce du regard, Chifuyu se rendit compte que plusieurs joueurs, ainsi que des masqués, les fixaient avec incrédulité. Même Kazutora les fixait, le pauvre ne devait pas comprendre ce qu'ils étaient en train de faire.
   Takemichi et Hinata, qui s'étaient accrochés à une échelle en bois, posée horizontalement entre deux constructions, les dévisageaient avec surprise, et un joueur près d'eux, ricanait silencieusement.
   Évidemment, vu leur position, ça devait être assez étrange à regarder. Chifuyu était littéralement devenu un mur d'escalade pour Baji, il avait l'impression d'être une sorte d'objet sur lequel son allié s'amusait à grimper.
   — Hé ça doit être drôle de faire ça, continua le frère de Senju. Rin tu veux pas qu'on essaye ?
   — Ta gueule, dit Rindo, qui devait se trouver juste derrière lui.
   — L'écoute pas, dit Baji. Il fait ça pour nous déconcentrer.
   — Oui je sais. Mais bouge tu commences à vraiment me faire super mal, dit Chifuyu en détachant son regard du frère de Senju, qui le fixait toujours.
   Le jeune homme leva les yeux vers Baji et le vit attraper la poutre, avant d'enfin pouvoir se détacher de lui. Chifuyu soupira de soulagement et parvint à se relever tant bien que mal, pour attraper à son tour la poutre, et pouvoir se coller contre. Il avait épuisé beaucoup d'énergie pour tenir Baji, et son allié lui avait fait vraiment mal en utilisant ainsi son corps, mais peu importait, il était en vie et c'était l'essentiel. Chifuyu sentait qu'il n'avait presque plus de force. Et il restait encore vingt-cinq minutes à tenir. Il n'allait jamais y arriver...
   Le jeune homme adopta la position du frère de Senju, c'était sûrement la meilleure option. Mieux valait rester coller horizontalement, et enrouler bras et jambes autour des plaques de métal, pour éviter de trop subir l'attraction du sol. Baji imita Chifuyu, il se mit dans un sens différents du sien, pour approcher sa tête de la sienne, et les deux garçons s'immobilisèrent.
   Chifuyu ferma les yeux, et cala sa tête contre l'un de ses bras, comme pour s'endormir. Il ne devait pas penser à la douleur. Kazutora lui avait dit de faire abstraction des autres joueurs et de s'occuper l'esprit, il fallait que le jeune homme se force à suivre ses conseils.
Bon... alors... allez pense à quelque chose, pense à quelque chose d'autre que ce jeu Chi...
   L'argent. Évidemment. C'était le sujet qui obnubilait tout le monde ici, Chifuyu n'y faisait pas exception. C'est presque naturellement qu'il se mit à y penser. S'il gagnait ce jeu, qu'est-ce qu'il pourrait bien faire de tout l'argent dont il disposerait ? Rembourser ses dettes évidemment, mais il fallait voir plus grand. Il pourrait voyager, vivre luxueusement, disposer de tout ce-
   — Hé toi là, cria soudain quelqu'un.
   Chifuyu garda les yeux fermés pour se forcer à rester concentrer sur sa pensée, et ne pas laisser son esprit se focaliser sur le jeu. Donc l'argent. Il pourrait reprendre les études, c'était très important, et aussi reprendre le travail. Il aimerait avoir une animalerie, avec tout l'argent qu'il aurait, il pourrait être sûr de mener à bien son projet et-
   — Hé le schtroumpf, je te parle, cria la voix.
   Malgré ses efforts pour l'ignorer, Chifuyu ne pouvait pas empêcher la voix de lui parvenir. Il ouvrit donc les yeux, sans pour autant se déconcentrer, et chercha du regard le garçon qui venait de parler. Il était accroché à une barre en fer, entouré d'autres joueurs. La barre était bien trop fine pour supporter leur poids, elle se courbait lentement vers le sol, et les participants dessus auraient beau se cramponner à la barre, si elle continuait comme ça ils finiraient au sol.
   — On est trop ici alors dégage, ordonna le garçon d'un ton sévère.
   — Ce mec...
   Chifuyu plissa les yeux.
   — J'ai failli mourir à cause de lui au premier jeu, dit-il lentement.
   Oui c'était bien lui. Son regard fou, ses cheveux en bataille, les tatouages qui dépassaient de ses vêtements, Chifuyu reconnaissait tous ces éléments. C'était l'homme qui l'avait poussé au sol lors de Un, deux, trois, soleil, juste pour passer devant lui.
   — Tu le connais, demanda Baji.
   — Non, il m'avait juste poussé au sol pour être le premier à arriver près de la poupée.
   Chifuyu regarda avec indifférence l'homme s'agiter sur sa barre, essayant de frapper les autres joueurs près de lui. Cet homme était fou, il essayait vraiment de tuer les autres participants ?!
   — Aller dégagez, s'écria-t-il avec colère.
   — C'est à toi de partir, t'es le plus lourd, s'écria un garçon aux cheveux couleur pêche.
   — Hein ?! J'vais vous buter bande de-
   — Taiju laisse-les tranquille, s'exclama une fille près de lui.
   — Si tu veux pas t'en prendre une je te conseille de la fermer.
   — Sinon quoi, tu vas la frapper, demanda calmement un garçon aux cheveux violets. Désolé mais je ne peux pas te laisser l'approcher.
   Chifuyu détourna ses yeux, pour arrêter de regarder la scène qui se déroulait à l'autre bout de la salle, et rejeta sa tête en arrière.
   — T'occupe pas d'eux, dit-il à Baji. Regarde ailleurs et ignore-les.
   — Tu as rai-
   Un bruit de coup retentit, suivit d'un cri strident. Chifuyu tourna vivement la tête et vit avec horreur que l'homme, Taiju, venait de pousser un garçon au sol, pour alléger le poids de la barre.
   — NAHOYA, s'écria un autre garçon d'une voix effrayée.
   Il se laissa tomber au sol, pour rejoindre le garçon qui venait de tomber et l'aider à se relever. Il s'agissait de deux jumeaux, parfaitement identiques, Chifuyu ne les avait jamais remarqué jusqu'à présent.
   — Les gars remontez tout de suite, cria quelqu'un avec panique.
   Les deux garçons n'eurent pas le temps de réagir. Un homme masqué, un triangle sur le visage, s'avança lentement vers eux, pointant son pistolet sur le front de celui qui avait des cheveux de couleur pêche.
— Non s'il vous plaît tirez pas, cria le garçon aux cheveux bleus.
— Il m'a poussé ! Vous avez bien vu qu'il m'avait poussé !
   — NON NE-
   L'homme tira deux fois, visant parfaitement les fronts des deux joueurs. Leur tête se rejeta en arrière avec violence, avant que leurs corps ne tombent au sol. Inerte.
   — SOUYA, hurla un garçon avec horreur. Taiju, t-t-tu viens de les... de les... de-de...
   — Hakkai ferme là, dit Taiju avec agacement. Sinon t'es le prochain.
   — Whaou, comment il les a flingué, s'exclama Sanzu d'un air émerveillé.
   — Tu rirais moins si t'étais à sa place, lança sèchement Izana.
   — Regardez tout le sang qu'il y a ! Y'en a partout !
— On s'en fou concentre toi, dit le frère de Rindo.
   — Si tu l'ouvres encore une fois Sanzu je te jette au sol, menaça Rindo pour le faire taire. Tu fais trop de bruit ça m'énerve.
   — Désolé Rindo, s'excusa platement Sanzu.
   Chifuyu regarda longuement les corps des deux jumeaux qui venaient de se faire tuer. Taiju n'avait pas hésité une seule seconde à les pousser pour ne pas tomber. Combien d'autres joueurs étaient capables d'agir de la sorte ?
   La mort des deux jumeaux dû perturber les autres candidats, ou alors ils ne pouvaient simplement plus tenir, car certains lâchèrent soudain leur prise, pour lamentablement tomber au sol. Chifuyu tourna vivement la tête, alors que de nouveaux coups de feu retentissaient.
   — Chifuyu, appela Baji à voix basse. Emma a failli tomber.
   Le jeune homme chercha du regard sa coéquipière. En effet, elle ne se tenait plus à aucune construction, elle devait probablement tenir verticalement au-dessus du sol, uniquement à l'aide de ses bras devaient tenir une barre de fer. Elle avait dû la lâcher, car à présent, Draken la tenait contre lui d'un bras pour l'empêcher de tomber au sol.
   — Draken l'a rattrapé de justesse, dit Baji d'une voix tremblante.
   — T'en occupe pas, il faut que tu oublies les autres, je t'ai dit de-
   — Je la connais depuis que j'ai cinq ans, coupa Baji.
   Chifuyu soupira. Il ne fallait pas que Baji se déconcentre, l'épreuve était déjà assez dur comme ça, s'il se mettait à s'inquiéter pour les autres, ça allait lui causer des problèmes.
   — Draken la tiens, il va pas la lâcher t'inquiète pas, dit alors le jeune homme.
Baji ne répondit pas. Son visage était toujours tourné vers Emma, qui essayait tant bien que mal de ne pas glisser contre Draken. À côté, Takemichi et Hinata avaient aussi l'air en difficulté. Leur visage était tiré, signe que leur position était douloureuse. Hinata n'arrêtait pas de bouger sur la barre, ce qui déstabilisait tout le monde, et Takemichi alternait sa prise sur la barre avec son bras droit et gauche.
Seul Mikey était parfaitement immobile, il était recroquevillé autour de la barre qu'il tenait, sa tête cachée dans ses bras, on aurait presque dit qu'il dormait.
C'était le seul à avoir parfaitement comprit l'attitude qu'il fallait adopter. C'était justement ce qu'avait demandé Chifuyu, depuis le début de l'épreuve, Mikey n'avait pas regardé une seule fois les autres joueurs, même lorsque certains étaient tombés au sol.
   Chifuyu se décala sur la poutre du mieux qu'il put, de sorte à pouvoir approcher sa tête juste à côté de Baji.
   Il colla sa tête contre celle de son équipier, et murmura :
   — Fais confiance à ton équipe Baji. Aucun de nous ne mourra aujourd'hui.
   Baji ne réagit pas.
   Oh merde, pourquoi est-ce que personne n'écoutait jamais ce qu'il disait ? Chifuyu se pliait en quatre pour trouver des solutions et pour le protéger, il donnait des consignes claires à son équipe, à quoi est-ce que ça servait si c'était pour que personne ne les suive ? Rester concentrer sur soi, oublier les autres pendant trente minutes, juste trente minutes, c'était vraiment trop demander ?
   Le jeune homme soupira de frustration et donna un puissant coup de tête à Baji pour lui rappeler sa présence.
   — Ça va pas, s'exclama Baji en écartant sa tête de la sienne.
   — Arrête de prêter attention aux autres joueurs, cria Chifuyu. Tu veux mourir ou quoi ? La moindre faute d'inattention, le moindre sursaut un peu trop brusque et tu tombes au sol, et si tu crois qu'une fois par terre tu peux t'en tirer t'es complètement à côté de la plaque ! Je te signale qu'il y a des personnes qui tiennent à toi et qui veulent que tu vives, alors arrête de te préoccuper des autres et bats-toi pour ta vie parce qu'il y a que ça qui compte !
   Baji le dévisagea sans répondre. Ça ne fit qu'énerver un peu plus Chifuyu. Pourquoi est-ce que personne ne comprenait ce qu'il disait ?Ce n'était que le troisième jour, mais il n'en pouvait déjà plus. Il avait peur, voir des personnes mourir autour de lui l'effrayait, alors il se battait pour garder en vie ses alliés, et personne ne faisait aucun effort ! Est-ce qu'ils comprenaient qu'une main mortelle attendait de les rattraper au sol, que leur vie pouvait voler en éclat au moindre faux pas, que si chacun ne se concentrait pas, tous allaient mourir ?
— Arrête de me regarder comme ça, s'énerva Chifuyu.
Sa voix tremblait, elle trahissait la panique qui prenait le dessus sur ses émotions, le sentiment de dépassement qui le prenait. Une lueur de détresse ombrageait ses iris turquoises, ses yeux brillaient, Chifuyu sentait que la situation échappait à son contrôle, il était sur le point de craquer. S'il ne pouvait plus contrôler la situation, tout allait mal tourner, et tous finiraient par se faire tuer. Il devait garder le contrôle, il devait forcer ses alliés... ses amis à se battre pour leur vie. Chifuyu devait les pousser à survivre.
Baji détacha prudemment un de ses bras qui tenait la poutre, son regard sombre était ancré  dans celui de Chifuyu, il ne semblait plus voir que lui.
Baji posa lentement sa main de libre sur la joue de Chifuyu, il la passa lentement dessus, faisant légèrement frissonner le jeune homme, et la laissa trouver son chemin dans ses cheveux blonds, pour venir les caresser dans un geste rassurant.
Baji ne dit rien, il déposa simplement son front contre celui de Chifuyu et ferma les yeux, sans cesser ses caresses. Il le força à se calmer, à fermer les yeux et à s'enfermer dans une bulle rien qu'avec lui. Le jeune homme laissa Baji le guider, apaiser sa panique, lui faire retrouver son calme, l'emmener dans une douce sphère, où le temps se suspendait.
Le bruit des quelques corps qui tombaient, les cris des participants qui voyaient tomber leurs amis sous leurs yeux, les pas silencieux des masqués, qui filaient sur le sol vers leur proie, tel des serpents qui glissaient habilement vers leur festin, tous ces bruits s'évanouirent.
Chifuyu ferma les yeux et laissa Baji l'emporter dans un endroit qui leur appartenait, un endroit rassurant, loin de la mort qui habitait la pièce de jeu. Un endroit doux, blanc, où le sang ne pouvait plus venir couler sur les murs. Un endroit chaud, rassurant, dans lequel aucuns sons ne brisaient le silence, où seule la respiration de Chifuyu, mêlée à la mélodie du souffle de Baji, s'accordait avec le silence. Un endroit hors du temps, où toutes émotions disparaissaient, effacées par la sérénité du vide.
Une unique sensation venait encore bercer Chifuyu, les doigts de Baji qui cherchaient leur chemin dans ses mèches blondes, sa paume, chaude, qui s'était posée sur la partie rasée de ses cheveux, avec douceur, comme s'il ne voulait pas abîmer le jeune homme. Comme s'il était un être fragile, qu'un geste trop vif briserait, comme la porcelaine d'une tasse éclaterait en morceaux sous un coup violent.
La douceur dont faisait preuve Baji était irréelle, jamais Chifuyu n'aurait pu le croire capable de tels gestes, il avait presque l'air d'être un autre homme.
— Ça va mieux, murmura Baji au bout d'un moment qui semblait être une éternité.
Chifuyu rouvrit lentement les yeux, quittant l'espace rassurant qu'avait créé le contact de Baji, et hocha la tête. Baji lui sourit légèrement et rompit leur contact pour reprendre sa position initiale. Il resta tout de même près de Chifuyu, si près que le jeune homme pouvait sentir la chaleur émaner de son corps, et venir se mélanger à sa propre chaleur.
Il se sentait bien mieux, beaucoup plus calme que quelques minutes plus tôt. L'impression d'être dépassé par la situation s'était un peu atténuée, il pouvait réfléchir plus calmement.
   Ses membres le tiraillaient horriblement, Chifuyu n'arrivait pas à y faire abstraction. Ce que lui avait dit de faire Kazutora, de ne plus penser qu'à lui, était impossible. Au-delà de s'inquiéter de la survie de son équipe, et de vouloir protéger Baji, il ne pouvait pas faire abstraction des personnes qui tombaient autour de lui. Kazutora devait sûrement être indifférent à un tel spectacle, mais Chifuyu en était incapable.
   Il n'était mentalement pas encore assez fort, cette situation nouvelle était trop effrayante pour lui et il ne pouvait pas s'y adapter aussi facilement. Chifuyu, et son équipe, n'étaient pas encore en mesure d'ignorer les personnes qui mouraient autour d'eux, c'était trop leur demander pour l'instant.
   La seule chose que Chifuyu pouvait vraiment faire, c'était essayé d'ignorer la douleur de son corps meurtri par sa paralysie forcée, et rester calme.
   — Il reste combien de temps, demanda le jeune homme en essayant de remuer ses membres engourdis.
   — Il reste dix minutes, dit Baji en regardant un écran qui affichait le temps qu'il restait.
   — Je ne sais pas si je vais pouvoir tenir, murmura douloureusement Chifuyu.
   — T'as intérêt à tenir, menaça Baji. Sinon je vais te chercher moi-même au paradis pour te ramener dans cet enfer.
   — Qu'est-ce qui te dit que j'irais au paradis ?
   — Un mec comme toi va forcément au paradis, répliqua simplement Baji. Ça se voit que t'es un ange.
   — Pense ce que tu veux. Mais t'es à côté de la plaque.
   — Bien s... Chifuyu.
   L'intonation de sa voix avait soudainement changée.
   — Le sol se rapproche.
   — Hein ?!
   — Je t'assure que le sol se rapproche !
   Chifuyu se pencha du mieux qu'il put sur le côté et regarda le sol. Il était effectivement en train de lentement se rapprocher. Le jeune homme releva vivement et regarda la poutre sans comprendre, avant d'écarquiller les yeux avec horreur. Une fissure était apparue entre les pieds de Baji, et la tête de Sanzu, qui était un peu plus loin sur la poutre.
   — Putain Baji on est en train de tomber !

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Hey, voilà pour le nouveau chapitre !
Les choses deviennent corsés pour Baji et Chifuyu, ils sont dans un état critique les pauvres...
Et oui, Nahoya et Souya sont morts... On les aura presque pas vu mais pour ma défense, j'ai déjà développé énormément de personnage dans Squid Game, j'ai pris ceux qui me paraissaient les plus intéressants et j'ai décidé de délaisser les Kawata, j'espère que vous m'en voulez pas...

On espère que le Bajifuyu va survivre à cette épreuve et que Emma ne va pas tomber au sol !

*Sanzu et Rindo ce sont des icônes dans cette fic, je les aime beaucoup trop*

J'attends vos retours avec impatience :)

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