Chapitre 4

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-Mrs Sunflower est demandée en cuisine, scanda Shanty en se retenant de rire avec peine.

-Je vous ai demandé d'arrêter de m'appeler comme ça, grognai-je en me levant du sofa sur lequel je somnolais.

-Sinon quoi?, lança Cynthia en relevant le nez de son magasine. Tu vas nous faire la tête comme tu le fais déjà depuis deux mois?

Je les ignorai en filant dans le long couloir menant aux cuisine d'un pas rapide et l'écho de pas pressés dans mon dos me fit froncer les sourcils. J'aperçus la tresse de Lizzy lorsqu'elle fila sur ma droite pour passer ses mains autour de mon bras et un sourire surexcité étendit ses larges lèvres rouges. Avec ses tâches de rousseur, elle ressemblait à une petite fille surexcitée.

-On n'est que toutes les deux!, dit-elle en sautillant presque.

-Finement observé, grommelai-je.

-Aller, dis-moi qui est ce mystérieux garçon, ronronna-t-elle en se pressant contre moi. Je ne le répèterais à personne, promis.

-Oui, tu ne diras rien, dis-je en tournant dans la cuisine.

-Rien du tout!

-Parce-que je ne compte toujours pas te dire qui est ce "mystérieux garçon", complétai-je en imitant des guillemets avec mes doigts. Lâchez moi avec ça, vous m'épuisez.

Elle fit la moue en m'écoutant parler avec le cuisiner, mais elle ne relâcha pas son étreinte pour autant. Depuis la réception du bouquet, toutes les filles de la maison me tournaient sans cesse autour pour me tirer les vers du nez, sans succès. Si les Jackson avaient tenu à garder leur identité secrète, c'était pour une bonne raison. Les hommes les plus fortunés faisant appel à nos services empruntaient des identités aléatoires afin d'effacer toute trace de leur passage sur les registres, il allait de soi que des célébrités internationales ne tenaient pas à voir leurs noms exposés un jour au vu et au su du monde entier. En outre, nous n'avions fait que discuter, et dévoiler leur passage dans l'agence ferait avaler n'importe-quel absurdité en total décalage avec la vérité des faits. Malheureusement, les filles mouraient d'envie de connaître le nom et l'identité de celui avec qui j'avais passé la soirée à Las Vegas, et elles n'avaient de cesse de me harceler avec ce sujet là tous les jours. Certaines tentaient d'entrer dans mes bonnes grâces pour me faire baisser ma garde, d'autres finissaient par s'agacer et me réprimander, certaines y allaient franco en m'interrogeant directement, mais je ne fléchissais pas. Le souvenir de Michael si importuné par ceux qui avaient trahi sa confiance était un moyen efficace de ne pas perdre mon aplomb. L'imaginer déçu une nouvelle fois me tordait le coeur, il ne méritait pas ça.
J'avais donc sciemment évité le sujet des Jackson pendant de longues semaines, en revanche, je m'intéressais un peu plus a leur quotidien. Trois mois après leur premier passage à Las Vegas, ils y étaient retournés, toujours dans la même salle. Nous n'y étions plus évidemment, mais le savoir de nouveau là-bas m'avait fait sourire. Leur tournée s'était ensuite dirigée vers New-York où ils avaient donné un concert, et le prochain ne devait avoir lieu qu'un mois plus tard, en Jamaïque. Pour ma part, j'étais rentrée à San Diego avec Miguel et les filles. J'étais ravie de retrouver la maison dans laquelle nous vivions et ma chambre jonchée de bouquins et de notes placardées sur les murs. Une fois de retour, je m'étais ruée sur la petite étagère surmontant mon tourne disque afin de parcourir les rayons de vinyles qui la jonchaient. Entre plusieurs albums de Stevie Wonder, des Ramones et de Marvin Gaye, je dénichais une pochette d'un vert foncé profond dont le dos était recouvert d'une photo rectangulaire représentant un Michael Jackson au visage plus juvénile habillé d'une chemise bleue canard et d'un gilet de laine sans manches à motifs. Son sourire éclatant m'arracha une moue attendrie et lorsque je retournais la pochette pour en admirer l'image de couverture, mon sourire s'élargit à la vue de sa posture sérieuse, juché sur une chaise haute, une guitare acoustique en équilibre sur sa cuisse relevée. Son regard perdu au loin paraissait profond, mais j'y dénotais une certaine mélancolie similaire à celle qui habitait ses yeux lorsqu'il m'avait relaté son passé solitaire.
Dorénavant, leurs passages dans des émissions de télévision et les journaux divers qui relataient leurs déplacements attiraient d'avantage mon attention, et je ne pouvais m'empêcher de songer à la chance que j'avais eue: le monde entier avait une vision biaisée du caractère des cinq garçons, en particulier de Michael Jackson.

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