Chapitre 11

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Michael désirait ardemment rattraper le temps perdu, il se mit donc à discuter avec un entrain évident pour me rapporter les étapes de la dernière année écoulée. Pour ma part, je l'écoutais attentivement en sentant mon esprit se perdre dans les détails de son visage: ses grands yeux d'enfant qui s'écarquillaient ou se plissaient selon ce qu'il m'expliquait, ses mains fines qu'il secouait avec vigueur, donnant le ton à son récit, et ses lèvres charnues qui s'agitaient, s'étiraient en un sourire lorsqu'il me rapportait des nuits avec ses frères, se tordant sous une grimace contrite lors des passages concernant les foules et les problèmes de sécurité. Perchée sur le canapé tout près de lui, les mains de chaque côté de mes genoux, je pus respirer son parfum agréable à l'envi et me nourrir de son rire, bien trop heureuse de le retrouver pour réfréner mon besoin pressant d'emmagasiner un maximum de ses mimiques et du son de sa voix. A  présent que nous nous connaissions mieux, Michael échangeait différemment, en opposée même avec son apparente timidité lorsqu'il était interviewé pour la télévision. Il parlait sans discontinuer en faisant de grands gestes et en ponctuant ses phrases de rires ou d'envolées de sourcils consternés, et sa façon de se tordre les lèvres me faisait ricaner sous cape. Il avait un visage très expressif, mais j'avais la sensation de le découvrir seulement ce soir là. Il s'interrompit soudain au milieu d'une explication poussée sur sa façon de se préparer avant une représentation, ses mains retombèrent contre ses cuisses et il pencha la tête de côté en soulevant ses sourcils noirs.

-Tu m'écoutes?, interrogea-t-il avec l'ombre d'un sourire dans la voix.

-Hein?, marmonnais-je sous son regard amusé. Bien-sûr! Tu disais que tu préfères boire de l'eau chaude avant de monter sur scène, pour tes cordes vocales.

-Tu as l'air complètement ailleurs, rit-il en se penchant vers mon visage. Tu es fatiguée?

-Je...

-Ou c'est juste moi qui te rend cotonneuse?, me coupa-t-il avec un sourire qui s'élargit.

Oui, Michael état différent des autres fois où j'avais pu partager un moment avec lui. Me voir le détailler, totalement perdue, semblait lui faire plaisir et sa façon d'arquer les sourcils lorsque je sentis mes joues s'échauffer en était la preuve indéniable. Je ne savais pas exactement ce qui avait pu le changer, de façon très infime, certes, mais bel et bien évidente.

-Je suis comme d'habitude, maugréais-je en clignant des yeux.  Qu'est-ce...

-Je t'assure que non, sourit-il en approchant toujours son visage du mien.

"Ses yeux sont magnifiques" fut la seule pensée que j'eus en soutenant son regard qu'il avait planté dans le mien. Ses longs cils remuaient lentement sous le mouvement léger de ses yeux qui fouillaient mon regard, et le sourire amusé qu'il m'offrait fit bondir mon coeur dans ma poitrine. De mémoire, je n'avais jamais vu un homme avec un si joli sourire et aucun d'entre eux ne m'avait fait me sentir si bien et ne m'avait tant donné envie de jouer avec le feu. Mais le pouvais-je réellement? Malgré notre proximité et notre bonne entente, nos mondes restaient fondamentalement différents. J'avais la sensation d'être un pigeon crotté face à une blanche colombe, mais sa manière de m'observer et, à présent, d'approcher son visage du mien veillait à brouiller chacune de mes pensées le concernant. A quoi jouait-il? Allait-il réellement faire ce que je le soupçonnais de vouloir faire? Avec moi, qui plus était? Combien de femmes avait-il pu embrasser au cours de sa vie de jeune adolescent? Et le temps qui semblait ralentir ne jouait certainement pas en ma faveur, le nombre de questions qui dansaient dans mon esprit embrumé m'intimait à une immobilité presque totale, et j'eus la sensation que l'on venait d'allumer un feu de joie dans mon coeur lorsque je le vis fermer lentement les yeux et continuer de plonger vers mon visage, enfonçant mes mains dans le coussin du sofa sur lequel nous nous tenions, me demandant à quoi pouvait ressembler la texture de ses lèvres, leur façon de se mouvoir, leur goût, et lorsque son souffle vint se heurter contre mon visage, je sentis une chaleur cuisante enserrer mon estomac et exploser derrière mon nombril, compressant mes poumons dans une boite en acier. Comment pouvait-il avoir un tel effet sur moi? Comment réussissait-il à...

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