Who is it?

Chapitre 12

A ce stade, je sais pertinemment qu'une question brûle les lèvres de tout le monde. A quoi pouvaient bien ressembler les concerts des Jacksons? Et en cet instant, cachée en coulisses, mon épaule contre celle de Diana, je ne voyais qu'une seule qualification possible pour ce qui se jouait devant moi: c'était une véritable tempête. Tout était explosif, vif, entraînant, même les spots lumineux crachaient des gerbes de couleurs destinées à rendre les cinq garçons plus rapides, en dehors du temps, inhumains. La musique hurlait à travers les enceintes gigantesques, la foule ne cessait de s'époumoner sur chacun des gestes des artistes, à tel point que le son avait été considérablement monté afin de couvrir leurs cris enjoués. Tout était grandiose, digne des plus grands shows de funk, de blues, de disco, et je peinais à croire que j'avais en face de moi des garçons d'à peu près mon âge. Je n'avais eu la chance de les voir jouer qu'une seule fois, lors du soir de notre première rencontre, mais tout avait été plus bref, plus calme compte tenu du club dans lequel ils jouaient. A présent sur une scène véritable, ils se lâchaient tous sans retenue, et les voir jouer était un véritable plaisir. Randy était en charge des percussions et du synthétiseur, il virevoltait entre ses instruments tout en servant de choriste, glissant ses mains contre les épaules de Marlon qui accompagnait Michael en dansant comme un diable. Il donnait l'impulsion à Jackie, moins agité certes, mais dont la voix sublimait celle de son petit frère. Tito était impressionnant, il œuvrait comme choriste lui aussi, mais son habileté à jouer de la guitare me fit béer d'admiration, il ne fit aucune fausse note tout en chantant et en se calant sur les chorégraphies de ses frères; j'étais consciente que leurs répétitions s'étaient chargées d'imprimer les pas dans leurs esprits, mais les voir véritablement à l'œuvre était totalement différent des suppositions que j'avais pu me faire. Pourtant, en dépit de leur talent sans détours, celui qui capta toute mon attention, ce fut Michael. Il ressemblait à une fusée prête à exploser dans l'atmosphère puis à se reconstituer pour reprendre son envol et exploser de nouveau. Il ne cessait absolument jamais de se mouvoir, sa voix haut perchée suivait le rythme sans jamais écorcher une seule note, et il ruisselait tant la chaleur des projecteurs et les différentes chorégraphies étaient intenses. Pis, il ajoutait des pas supplémentaires entre les passages dansés, sautillant sur un pied, tournoyant plus vite qu'une toupie, ondulant du bassin. Il était partout à la fois, et lorsque la survitaminée Keep On Dancing laissa la place à la tendresse de Ben, je sentis le public souffler, se détendre, comme sil avait été lui aussi sur scène avec Michael. Il avait cette présence hors du commun  qui portait le public en le tenant au creux de ses mains et du bout des lèvres. J'eus malgré moi un léger rire lorsque retentirent les premières notes de Sugar Daddy, Randy lança un coup d'oeil furtif vers Marlon et Michael qui lui répondirent par des levers d'yeux au ciel  irrésistibles. Ce fut ensuite le tour de I Wanna Be Where You Are, puis de I'll Be There, une version raccourcie donc, puisque Jermaine n'était plus dans le groupe.

-Mais dis-moi, tu connais Jermaine, alors?, lança soudain Diana en tournant le nez vers moi.

-Personnellement?, répondis-je en arquant les sourcils. Non, absolument pas. Pourquoi?

-Il était avec toi hier soir, dit-elle en frappant dans ses mains lorsque la mélodie de I Want You Back retentit dans la salle. J'ai trouvé Michael très tendu d'ailleurs.

-Ah, oui, nous ne nous étions pas parlés depuis un petit moment, marmonnais-je.

Je ne savais pas ce que Michael avait pu dire à Diana, ni même si ses frères s'étaient déjà chargés de lui parler de moi. Elle connaissait à présent la nature de ma profession, et si elle ne semblait rien avoir à redire à ce sujet là, rien ne m'assurait qu'elle pouvait être au courant de la façon dont nous nous étions rencontrés, ni de nos rencontres surprises et de la nature même de notre relation. Mais d'ailleurs, le savais-je moi-même? Quel genre de relation entretenions-nous exactement?