Who is it?

Chapitre 10

Depuis mes premiers jets en tant qu'escorte, j'avais pu observer l'étrange ballet des VIP et des personnalités publiques au sein de l'agence, et j'avais été témoin de nombreux manèges absurdes. Lorsque nous avions à traiter avec des fortunes célèbres, il n'était pas rare de découvrir l'identité de la personne qu'une fois sur place: ces dernières employaient des noms d'emprunt et se créeaient de fausses identités afin de rester invisibles sur les registres. Seul Miguel ou les responsables étaient mis au parfum, c'était également pour cela que nous ne nous inquiétions guère des intentions de nos clients, Miguel veillait au grain, il ne nous enverrait pas au casse-pipe. Ma seule crainte tenait en la découverte du client en chaire et en os, se retrouver face au vrai visage de quelqu'un n'est pas toujours chose simple, je l'avais découvert au fil du temps. Par chance, je n'étais pas encore tombée de bien haut - si l'on omettait bien-sûr ma rencontre avec Michael- mais ce soir là, face au sourire charmeur et aux yeux bruns étrangement familiers de son aîné, j'eus un mal fou à ne pas écarquiller les yeux et béer de stupeur. Douchée, je fixais la main qu'il me tendait toujours en tentant de rassembler mes esprits. Je tendis la mienne pour lui offrir une poignée de main solide qui parut légèrement le déstabiliser, mais son sourire joviale ne quitta pas ses lèvres. Un léger pli fit tressauter son sourcil, rien de plus.

-Ollie Dangton, m'annonçais-je en lui adressant un sourire. Enchantée de faire votre connaissance.

-De même, dit-il en se reculant pour me présenter la banquette de laquelle il venait de se lever. Après vous.

Je rejoins la place qu'il m'indiquait en époussetant distraitement ma robe, remerciant silencieusement la climatisation tournant à plein régime au-dessus de nos têtes. Il faisait très chaud au dehors, mais mon anxiété croissante n'arrangeait rien à mon état. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi cette personne en particulier m'angoissait à ce point, mais lorsqu'il vint s'asseoir sur la banquette qui me faisait face et que la bague autour de son annulaire réfléchit la lumière tamisée, je me souvins d'un article que j'avais pu lire brièvement dans l'un des jet privés que j'avais emprunté à Miguel. "Il est marié et il a deux enfants putain!", m'écriais-je mentalement en croisant les jambes. Je ne savais pas grand chose de Jermaine Jackson, simplement qu'il n'avait pas rompu son contrat avec la Motown, qu'il était marié à Hazel Gordy, et qu'ils avaient eu deux enfants ensemble. J'avais le vague souvenir de Michael m'expliquant le caractère volage de ses frères en tournée, leur attrait pour les femmes et même pour leurs fans, mais j'avais été bien loin de les imaginer compromettre leurs mariages respectifs avec une femme comme moi. Je n'avais rien d'une fan, d'une admiratrice, j'étais une prostituée. Comment pouvait-il faire une chose pareille à sa femme?

-Mon manager m'à affirmé que votre agence est habituée à recevoir des demandes de personnalités, dit-il en tendant la main vers une coupe de champagne qu'il glissa sous mon nez.

-Oui, c'est le cas, dis-je en tâchant de ne pas laisser entrevoir mon trouble.

Visiblement, mon hésitation semblait l'avoir fait tiquer, à très mauvais titre, car ma surprise n'avait absolument rien à voir avec son statut de célébrité. Il se trompait lourdement, et je tâchais de rester ouverte et naturelle, comme je l'avais toujours été. Mais j'eus soudain la vision brève d'une femme entourée de deux petits enfants, et mon estomac se noua. La soirée allait être longue.

-Si vous saviez le nombre d'hommes et de femmes célèbres qui viennent traiter avec nous, soupirais-je. Devoir se cacher à ce point, c'est affligeant.

-Que voulez-vous dire?, interrogea-t-il intéressé.

-Que le commerce sexuel reste trop tabou, répondis-je en haussant les épaules. S'il était plus démocratisé, je suppose que beaucoup verraient une épine leur être ôtée du pied.