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Ꭿlors qu'il poursuivait sa route, l'esprit aussi vide que l'était son âme et le regard aussi sombre que l'était sa malédiction, état dans lequel il était resté figé depuis un temps qui ne se comptait plus, il eu soudainement, pour la première fois depuis ce qui devait être un siècle ou deux, la sensation que quelque chose vivait autour de lui. Ou quelqu'un. Ce fut comme si le monde, jusque maintenant complètement gelé, venait de se remettre en route. Il redressa alors son visage et leva les yeux, geste qui lui fit ressentir une petite douleur causé par le temps durant lequel il n'avait pas esquissé un seul mouvement si ce n'est de poser un pied devant l'autre, pas après pas.

Devant lui, un autre humain, a priori légèrement plus jeune que l'était l'homme maudit. Une dizaine de mètres devait les séparés.

Pour le moins âgé aux cheveux rose, ce n'était pas tous les jours qu'on croisait un homme (ou même une femme) marchant sans regarder devant lui, dont toute la route qu'il semblait avoir emprunter et se situait donc derrière lui n'était plus qu'un amas de natures mortes. Des arbres asséchés, maigres et tombant en miettes. Un sol jaunâtre voir brun paraissant complètement infertile. Quelques oiseaux tombés du ciel, dénués de vie dont le nombre ne faisait qu'augmenter lorsqu'on tentait de voir au plus loin du chemin utiliser par l'homme sombre qui lui faisait face. Cette même vision dépourvue de toute beauté s'étalait sur environ trois ou quatre mètres autour de l'individu. Individu qui lui même n'était pas une vision particulièrement appréciable, plus de part ce qu'il dégageait que par son physique qui était en fait plaisant, à bien y regarder. Des cheveux, mi-long, d'un noir ébène aussi profond que l'était ses pupilles, et un visage aux traits affiné mais restant masculin. Ce jeune ne savait pas trop comment réagir, alors que de son coté, l'homme maudit observait lui aussi son vis-à-vis.

Pour le plus âgé, ce n'était plus tout les jours qu'il croisait la route d'un humain, quel qu'il soit. Ses yeux, à la vue de cet être qui lui était semblable, semblèrent comme reprendre vie. Mais toujours aucune émotions ne transparaissaient du noiraud. Il restait de marbre, le seul changement remarquable étant son visage regardant désormais face à lui au lieu d'être constamment penché vers le sol, ainsi que la récente nouvelle lueur de vie qui émanait de son regard. Pourtant, même si sa malédiction continuait de faire de l'effet, ce dernier au fil du temps avait, et de manière disproportionné, énormément diminué. A un tel point qu'il était normal de se demander si la vie avait encore une quelconque importance aux yeux de l'homme aux cheveux noir. Mais, aussi faible soit-elle, il lui en accordait encore suffisamment pour qu'un petit cercle autour de lui continuait de faire périr tout ce qui avait le malheur de vivre sur son passage. Cela ne restait pas comparable aux centaines de kilomètres de vie qu'il détruisait autour de lui il y a encore un demi-siècle.

Si la situation était restée la même aujourd'hui, le jeune homme à l'écharpe quadrillée et blanche qui lui faisait face serait mort avant même qu'ils n'aient pu se voir.

Pourquoi cela avait-il changé déjà ? Il est vrai qu'avec les siècles, sa capacité à voir la vie comme un cadeau, quelque chose d'une importance au-dessus de tout, avait commencé à diminuer, mais de façon si faible que c'était à peine si sa malédiction perdait ne serait-ce qu'un kilomètre d'ampleur tout les cinq ans. Il n'avait jamais réussi à se débarrasser de la si grande estime qu'il avait pour la vie jusqu'à un moment en particulier. Mais quel était-il, déjà ? Et pourquoi le fait de revoir pour la première fois un humain depuis si longtemps lui faisait se poser cette question. Soudain, ça lui revenu. Comment avait-il pu oublier ? Comment avait-il pu l'oublier, elle. Non. Il ne l'avait pas oublié. Il avait fait exprès de la rayer de son esprit car même l'éternité ne pouvait pas guérir son cœur brisé.

Mais c'était là la troisième ironie de sa solitaire existence.

Il se remémora les tragiques évènements d'il y a environ cinquante ans.

L'éternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant