Chapitre 48 - Funérailles, donjon et dragon

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Le noir était sa couleur, elle le savait, mais n'eut pas le cœur à s'admirer dans le miroir ce matin-là.

Sa mère était morte. Elle s'était vidée de son sang, huit jours plus tôt, sur le trottoir d'en face. C'est Gold qui l'avait trouvée en repartant du Manoir Mills vers les trois heures du matin. Il avait appelé les urgences pour la forme et Regina avait prévenu la police dans la foulée. L'arme du crime encore plantée dans les entrailles de la défunte, les empreintes retrouvées sur le couteau avaient suffit à étayer le discours rapporté par Regina et Rumple. Le lendemain, Victoria était arrêtée et mise en examen. Des heures d'interrogatoire furent nécessaires à faire avouer la dragonne. Lorsqu'elle eut finalement tout conté de la scène macabre qui l'avait opposée à Cora Mills, elle fut immédiatement incarcérée en maison d'arrêt dans l'attente de son procès et de l'expertise psychiatrique réclamée par son avocate. Ironiquement, la gardienne cruelle passait de l'autre côté des barreaux, le dragon devenait finalement prisonnier du donjon.

Elle descendit les marches, dans sa robe noire, le minois caché derrière son large chapeau en feutre ébène.

Elle avait tout juste atteint le rez-de-chaussée qu'un petit être vint lui enserrer la taille.

« Tu es trop belle Gina ! », affirma-t-il de sa voix si réconfortante.

Elle le regarda, les yeux tendres et l'air adouci, alors que d'un geste familier, elle lui caressa doucement les cheveux.
Elle le confia ensuite à la baby-sitter qu'elle avait engagée en début de semaine, puis elle partit pour le cimetière, l'esprit ailleurs, perdu quelque part, loin d'ici, enlisé dans de sombres pensées.

Elle n'aimait pas les enterrements. Personne n'aimait ça. Personne de sensé tout du moins. Regina faisait plus que les déprécier, en réalité, elle les exécrait au plus haut point. En relativisant ou en prenant sur soi, on pouvait voir l'enterrement comme un dernier salut, une ultime révérence ou un suprême hommage. Après tout, lorsque le défunt a dépassé les quatre-vingts ans, il est plus facile de le pleurer sans s'abandonner complètement à la neurasthénie. Cependant, quand on a affaire à une mort prématurée, voir la vie qu'on chérissait tant se faire faucher par surprise et voler sans vergogne en direction des Enfers, c'est tout de même plus compliqué à digérer.

Des enterrements, la jeune femme en avait vécu quelques-uns, tous plus douloureux les uns que les autres. Elle avait douze ans à peine lorsqu'on avait enterré son grand-père, treize lorsque ce fut au tour de sa grand-mère. Elle avait pleuré comme une madeleine, des litres et des litres d'eau salée, sans se douter une seconde que les prochaines pertes seraient bien plus déchirantes. Elle avait vingt-cinq ans lorsque Henry succomba à son cancer. En dehors de la perte de son père, elle perdit son seul parent, ou du moins, le seul qu'elle considérait comme tel. Quelques jours après la cérémonie, elle avait fait un test de grossesse et la seconde barre qui était apparue l'avait aidé à traverser le deuil de son regretté papa. Toutefois, le sort décide parfois de s'acharner et huit mois plus tard, le drame eut lieu. Le drame de sa vie, celui qui ne lui laisserait plus une minute de répit pour des années à venir. Et justement, dix ans plus tard, maintenant qu'elle allait mieux, que son mal s'était mué de plaie béante en cicatrice récente, voilà que c'était au tour de sa mère de s'en aller.

Évidemment, cette perte ne serait pas la plus déchirante de son existence, elle en avait bien conscience. Mais cela ne rendait pas la mort de Cora moins déstabilisante pour autant. Son trouble face à ce deuil était largement nourri par la relation malsaine qu'elle avait toujours entretenu avec sa mère. Il faut également préciser que la mort, ou Victoria de son second prénom, avait frappé la sexagénaire soudainement, sans que personne ne s'y attende. Rajoutez à cela le fait que la meurtrière soit liée de près à la fille de la victime et que cette même fille était, au moment de l'assassinat, en train de conspirer avec l'amant de la défunte contre la défunte elle-même, et vous obtenez une situation suffisamment alambiquée pour vous perturber l'esprit un bon bout de temps.
Après tout, Cora Mills était un personnage compliqué, rien de plus normal que sa mort le soit tout autant.

De l'autre côté des barreauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant