L'Etincelle { Noël }

7 Décembre

Grincheux est de retour. De par ma demande ou d'une nouvelle menace de Priyanka, je l'ignore. Quoiqu'il en soit, il s'avance vers moi, café dans une main, l'autre dans la poche de son trench. Même s'il n'a clairement pas l'allure d'un homme dangereux, je ne peux m'empêcher de me sentir toute petite et menacée. Les mardis sont souvent très calmes, il n'y a donc que nous deux dans cette petite boutique, perdue dans une rue déserte. Qui plus est, l'arrière-boutique est assez grande pour loger un homme, elle l'est probablement aussi pour cacher un corps. Le mien.

Et sans vouloir sous-estimer Laurent, je le vois mal réussir à battre par K.O un homme d'un mètre quatre-vingt, possédant probablement plus de force que de neurones.

_ Qu'est-ce que vous me vouliez donc ? demande-t-il.

_ Bonjour !

_ Oui, bonjour, je vous écoute.

Si je ne l'avais pas déjà rencontré deux fois, je penserais simplement qu'il n'est pas du matin. Il semble juste n'être en accord avec aucun moment de la journée.

_ Bien, je me suis vraiment sentie insultée et blessée par vos accusations d'escroquerie.

_ Ah.

Tandis qu'il prend une gorgée de son café, son regard ne me quitte pas. Je me surprends à observer s'il lui arrive de cligner des yeux. Leurs battements doivent probablement être aussi fréquents que ceux de son cœur.

_ Vous m'avez demandé de venir pour qu'on se regarde dans le blanc des yeux ? Je vous ai manqué ?

_ Vous êtes toujours aussi agaçant ?

_ Et vous ?

Je suis à deux doigts de lui demander de déguerpir, quand mes esprits s'éclaircissent. Je me suis donné une mission, il ne tient qu'à moi de la réaliser. Et un peu à lui.

_ Bref. Je veux vous proposer un marché. Vous avez dit que vous vouliez comprendre mon « truc », alors je vais le faire. Je me donne pour objectif de vous confectionner votre bougie avant le réveillon de Noël.

_ Qu'est-ce qui vous fait croire que j'ai quelque chose à réparer ?

_ Vous n'avez rien de mieux à faire que de venir répandre votre mauvaise humeur ici, sans que personne ne vous ai rien demandé.

_ Je vous ai déjà expliqué que...

_ De plus, on a tous quelque chose en nous de brisé.

_ Ou pas.

_ Pas grave, l'Etincelle peut aussi convenir aux gens 100% heureux.

Ce n'est pas son cas, je peux le ressentir. Cet homme a quelque chose en lui qui ne va pas, qui ne va plus. J'ignore s'il sait lui-même d'où vient la source. Parvient-il ne serait-ce qu'à ressentir son mal être ?

_ Si vous commenciez par me dire votre nom ? je demande.

_ Noël.

Je me fige instantanément. « Noël » ? Comme la fête ? Comme « Joyeux Noël » ? Plutôt ironique quand on voit le niveau de joie sur le visage de mon interlocuteur.

_ C'est un gag ? je ricane.

Son regard me confirme que ses parents ont juste beaucoup d'humour.

Ce comique de situation m'empêche de garder mon calme. Alors que Noël est synonyme de bonheur, partage, chaleur et positivité, son homonyme humain semble en être l'exact opposé.