Chapitre 5

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Le jeune homme resta quelques minutes à scruter le paysage devant lui en se frictionnant les mains et en tapant le plancher de ses pieds afin de faire descendre le sang dans ses extrémités que le froid engourdissait peu à peu.
Il se demanda quand est ce qu'allait arriver la sentinelle avec qui il devait faire équipe. Les tours de gardes devaient toujours s'effectuer par deux, c'était la règle : "deux paires d'yeux et d'oreilles valent toujours mieux qu'une", leur répétait souvent leurs officiers. Le soldat avec qui il allait passer le reste de la nuit ne devrait plus tarder à présent.
Sans crier gare une bourrasque de vent s'engouffra dans la tour. Frappé de plein fouet, le garçon courba l'échine et fut parcouru d'un frisson de la tête aux pieds.
Il se mit de nouveau à trépigner sur place et à se frotter les mains entre elles pour se réchauffer un peu.
Bon sang ce qu'il avait froid ! La chaleur de son lit lui manquait terriblement et il aurait donné beaucoup pour s'asseoir en face d'un bon feu de camp.
- À force de taper des pieds tu vas finir par passer à travers les planches mon gars.
Le jeune garçon sursauta et se retourna brusquement.
Un homme se tenait dans l'ombre, en haut de l'échelle, les bras croisés, il ne l'avait même pas entendu monter.
- Ah... Hmm... Salut, dit-il d'une voix mal assurée qui parvenait mal à camoufler son embarras. Je ne vous avez pas entendu.
Sa surprise s'effaçant peu à peu, le garçon trouva que l'homme en face de lui était particulièrement grand et ce ne fut que lorsqu'il s'avança à la lumière de la lune qu'il s'en rendit compte dans un brusque sursaut.
Il le dépassait d'au moins deux têtes et il était facilement deux fois plus large.
Son visage parcheminé, couturé par les affres du temps et des éléments, semblait commun aux hommes qui passent la plupart de leur temps au grand air et pour qui le vent, le froid et les intempéries sont monnaie courante, pourtant il y avait chez lui quelque chose de plus sauvage encore. Sa barbe hirsute lui descendait jusqu'en bas du cou et il lui manquait une touffe de cheveux à un endroit où une vilaine cicatrice parcourait son crâne. Ses traits tirés, les fines entailles de son visage et ses petits yeux aussi sombres que le plumage d'un corbeau témoignaient quand à eux d'un soldat aguérit par les combats, les batailles et les épreuves de la vie. Il n'était pas difficile de comprendre que cet homme était un vétéran accomplit, forgé par les rudesses de la guerre.
- Tu trembles comme une feuille, dit l'homme d'une voix grave et profonde. Il ballaya du regard l'intérieur de la tour et s'arrêta sur le bouclier et la lance posés dans un coin. T'aurais mieux fait d'emporter un mantel ou une couverture bien chaude plutôt que tout ce barda, ça t'aurait était plus utile. À ce poste il n'y a besoin que de ses yeux et de ses oreilles, et pour les garder ouverts il vaut mieux ne pas être mort de froid.
- Je... bredouilla le garçon, mais il ne trouva rien à redire. L'homme avait raison il s'était emprésé de s'encombrer d'un équipement inutile au lieu de penser à prendre les choses essentiels à un poste ou il fallait observer et attendre pendant plusieurs heures dans le froid. Il se sentit encore un peu plus bête et le rouge lui monta aux joues, si tant est que cela fusse encore possible tant elles étaient glaçées.
- Du nouveau ? demanda le vétéran en passant devant le garçon pour scruter la plaine brumeuse.
- Rien à signaler, s'empressa de répondre celui-ci, heureux de changer de sujet. Il s'écarta pour laisser passer le colosse et s'aperçu, abasourdi, qu'il lui arrivait à peine au dessus du torse.
- Mouais, comme depuis qu'on est arrivé dans ce foutu trou à rat. Il fixa les petites lumières qui dansaient joyeusement derrière le brouillard comme pour les narguer ; inatégnables et pourtant si proches. Ces salauds là n'ont pas fini de nous faire chier, lança le colosse, un air indéchiffrable sur le visage.

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