Martin fut réveillé par les bruits de bottes des soldats devant sa tente. Il en déduit qu'il ne devait pas être loin de midi au vu du passage incessant des hommes qui semblaient tous converger lentement vers un même point ; sans doute la baraque ou l'on servait les repas et qui se trouvait pile dans la direction que tout ce beau monde empruntait.
Il se frotta les yeux puis ramena ses mains sous sa nuque afin d'observer un moment l'intérieur de la tente. Il y faisait sombre même en plein jour, seul un fin bandeau de lumière s'étirait sous la toile tendu à l'endroit ou rentraient et sortaient les hommes ; bandeau de lumière de temps en temps haché par l'ombre des pieds d'un soldat qui longeait la tente d'un peu trop près.
Deux rangs de cinq couchettes, semblables en tous points, à celle sur laquelle était allongé Martin, se faisaient face. Lui avait pris celle du milieu de la rangée Est de la tente. Malheureusement il s'était vite aperçu que ça n'avait pas été un bon choix car la nuit il lui était impossible de s'endormir avant une bonne demi-heure à cause des ronflements de ses compagnons qui provenaient de toute part. De gauche comme de droite il n'y avait jamais de répis et il avait très vite regretté de s'être placé au milieu.
Au pied de chaque couchette se trouvait un sac de jute dans lesquels les soldats mettaient leurs affaires personnelles. Par ailleurs, les dix paillasses et le rack de lances et de boucliers qui était placé juste à côté de l'entrée, étaient les seuls mobiliers qui agrémentaient la tente. Toutefois, si l'intérieur de cette dernière était simplement meublé, l'odeur qui y régnait était quand à elle bien plus riche en composition. C'était un mélange de toile cirée rendu humide par les pluies de la région, de terre boueuse, de vieux cuir et de transpiration rance.
Martin replaca ses mains un peu plus haut à l'arrière de sa tête, dans une position plus confortable, et se mit à repenser à sa première nuit dans cette tente, sur cette même couchette ; il avait pleuré. En silence bien sûr pour que personne ne l'entende mais il avait bel et bien pleuré. Cette nuit là, roulé dans sa couverture il s'était demandé ce qu'il faisait ici et si il n'avait pas fait une grave erreur en s'engageant. Il était beaucoup plus jeune que la plupart des hommes qui composait sa section et il s'était senti tout à coup oppréssé, tiraillé par ses appréhensions. Étrangement, le fait d'avoir choisit une profession qui le précipitait au devant la mort l'avait sur le coup beaucoup moins effrayé que le fait d'être si loin de chez lui, entouré d'hommes plus vieux aux mines hagards et aux allures de rustres, dans un endroit qu'il ne connaissait pas. Aujourd'hui, Martin se sentait bien bête d'avoir sangloté de la sorte et les doutes qu'il avait eu concernant sa propre capacité à surmonter toutes ces nouveautés s'étaient vite transformé en une perpléxité grandissante au sujet des combats à venir ; car malgré l'attente qui paraissait interminable il savait que l'heure des batailles approchait et que bientôt il devrait se battre. Il repensa alors aux propos de Jordel : "plus l'attente est longue plus le combat est rude".
Bien que Martin suscpectait qu'il ait dit cela dans l'unique but de lui faire peur, une part de lui savait que c'était vrai. Il se battrait bientôt, c'était inévitable. Parfois, lorsqu'il y réfléchissait trop, il sentait une vague d'angoisse et de peur l'envahir au point de lui serrer le coeur et de lui filer des crampes d'estomac. Le fait de camper sur ses positions depuis trois semaines lui faisait presque oublier ce qui l'attendait. Le temps l'avait rendu désinvolte à la fatalité qui le guettait et il en omettait parfois l'inévitable. Pourtant la réalité avait toujours était là et quelques fois, comme ici, elle le rattrapait brusquement pour le frapper avec la force et la froideur d'une lame de fond : il allait très certainement mourir.
Après tout, il n'était qu'un adolescent fraîchement engagé qui n'avait jamais ne serai-ce qu'entendu l'écho d'une bataille au loin. Il n'y connaissait rien à la guerre, il n'avait aucune expérience du champ de bataille et il se savait médiocre combattant. Quelle chance avait-il de s'en sortir lorsque les premiers combats éclateraient ? Il n'était qu'une petite recrue sans importance qui n'était là que pour ajouter un pic et un bouclier à une phalange de soldats. Il était sacrifiable et il le savait, peut être même serait-il un des premiers à tomber ; cette idée le fit rougir de honte et son coeur bondit dans sa poitrine, mué par un soudain sentiment de peur.
À ce moment un bruit de toile que l'on écarte avec hâte suivit d'un écran de lumière tira Martin de ses sombres pensées. Il cligna des yeux et entendit la voix enjoué de Karod avant de le voir.
- Alors le dormeur ça y est t'es réveillé ? Allez debout, on va manger un morceau je meurs de faim. Rejoins moi dehors, je t'attends.
Karod disparu aussi vite qu'il avait surgit mais pour s'assurer que Martin ne se rendorme pas il laissa la toile bien écartée derrière lui ; alors, pour la deuxième fois de la journée, le jeune homme s'assit sur sa couchette et sans se presser, s'habilla.
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Chroniques
ParanormalLes tambours de guerre résonnent, les armées s'assemblent et les batailles s'annoncent. Dans un royaume qui s'apprête à se déchirer, Martin un jeune soldat inexpérimenté, se retrouve pris au coeur d'une guerre qui le changera à tout jamais.