Chapitre 10

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Le camp s'éveillait peu à peu tandis que Martin le remontait pour aller se coucher. Les soldats quittaient leurs tentes, un air encore endormi sur le visage et allaient s'asseoir autour des feux que certains s'employaient déjà à rallumer. La plupart tenaient leurs piques à la main et leurs boucliers accrochés dans le dos mais beaucoup d'autres sortaient sans même porter leur épées à la ceinture ; depuis trois semaines qu'il ne se passait strictement rien ils n'en voyaient plus l'utilité. L'atmosphère était à l'attente et rien ne prédisait que ça allait changer. Les troupes occupaient leurs journées à remplir les petites tâches quotidiennes que leur assignait les officiers et lorsqu'il n'y avait plus rien à faire les hommes passaient le temps en discutant, en jouant aux dés ou en nettoyant leur matériel. Karod un soldat de sa section, avait un jour plaisanté en disant qu'ils étaient sans doute devenus l'armée la mieux briquée et la plus étincelante que le royaume ait jamais connu et que c'était sûrement parce que ceux d'en face étaient trop éblouis par leurs armures si bien lustrées qu'ils n'osaient pas les attaquer. Martin avait bien rit à cette blague mais quand son camarade la raconta à des soldats d'une autre section, plus vieux, ils n'esquissèrent même pas un sourire et lui avaient répondu que si eux mêmes n'attaquaient pas ceux d'en face c'était peut être parce qu'ils brillaient encore plus fort.
C'est sûrement à partir de ce moment que Martin avait commencé à se poser des questions.
En s'engageant dans l'armée il n'avait pas imaginer un seul instant qu'il passerait ses journées à chercher des choses à faire pour tuer le temps. Depuis qu'il avait pris les armes et revêtis les couleurs des troupes d'Andalir, il y a 4 mois, il avait passé plus de temps à vider les latrines qu'à s'entraîner. Il n'était pas spécialement épris d'une envie débordante de se battre, mais il commençait à se montrer plus disposé à l'appel du champ de bataille à mesure que passaient les jours, ne serait-ce que pour briser la monotonie de sa vie de jeune recrue.

Le vent était quelque peu retombé et avec lui le froid mordant de la nuit lorsque Martin arriva près de sa tente. Il leva les yeux au ciel et à son grand étonnement il y découvrit beaucoup moins de nuages qu'à l'accoutumée ; une belle journée s'annonçait, ou du moins il n'y aurait ni brouillard, ni pluie et cela constituait déjà en soi un changement bienvenu.
Alors qu'il s'apprêtait à soulever la toile pour y entrer, un jeune homme, les yeux encore embrumés par le sommeil mais un air jovial sur le visage, en sorti au même moment. Les deux soldats, que la fatigue rendaient moins alertes se percutèrent dans un bruit de feraille.
- Aïe ! Hé fait attention mon vieux ! S'exclama le soldat en se frottant l'épaule.
- Salut Karod, dit simplement Martin.
Le jeune homme releva la tête et son visage s'éclaircit lorsqu'il reconnu son camarade.
- Oh Martin c'est toi ?! S'cuse moi je t'avais pas reconnu. Alors, comment était ta garde ? Tout en parlant il avançait à reculons, s'éloigant de plus en plus de Martin, visiblement il était attendu quelque part ou avait quelque chose d'urgent à faire.
- Pas banal, répondit le jeune homme en pensant avoir choisit les mots adéquats.
- Pas banal ?! Impossible il y a rien de plus ennuyeux qu'un tour de garde.
En le regardant reculer, Martin ne pu s'empêcher de sourire. Karod était de 3 ans son aîné mais son visage était animé du même air espiègle que celui d'un enfant d'une dizaine d'années. Les cheveux chatains ainsi qu'une moustache et une barbe naissante d'une teinte plus foncée, il venait d'Andalir et arborait les mêmes couleurs que celles de Martin. Comme lui, il était originaire d'un bourg de la région mais ne s'était pas engagé pour les mêmes raisons. Il soutenait qu'une fois la guerre gagnée contre les Coroziens il reviendrai chez lui acclamé, qu'alors peut être tout ceux qui l'avait traité de fainéant et de bon à rien s'en mordraient les doigts et qu'en plus de ça, d'où que tu viennes, les héros plaisent aux filles.
- Pas cette fois-ci crois moi ! Dit Martin en restant volontairement évasif.
Karod haussa les sourcils avec étonnement et inclina la tête incrédule.
- Bon là je dois filer, dit-il alors qu'il était déjà loin d'une bonne demi-douzaine de mètres, mais à mon retour tu me racontes tout d'accord ?
Martin hocha la tête en souriant et salua Karod de la main alors qu'il se retournait et partait carrément en courant. Il le regarda s'éloigner en projetant des gerbes de boue, disparaissant bientôt derrière les panaches de fumée que les braséros tout juste ravivés faisaient s'élever entre les tentes et dans les allés du camp.
À ce moment la fatigue saisit Martin avec la force d'une pierre qui s'abattait sur sa tête et le poussa à rabattre la toile pour aller retrouver sa couchette : pour l'heure, il souhaitait seulement allait s'allonger et ne rien faire d'autre que dormir.

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