Chapitre 4- Il le faut bien...

77 9 20
                                    

Rhéa tenta de mieux s'immerger dans les cours pour le reste de l'après-midi. Elle se retint de songer trop longtemps à l'enveloppe dans son sac et au 'nettoyage express', comme elle l'avait nommé. Bien sûr, ce fut loin d'être simple mais elle s'y forçait pour faire divaguer ses pensées angoissantes.

Le chemin du retour fut plus ou moins calme, si l'on faisait abstraction à sa deuxième chute de la journée.
Quand elle tourna au coin de la rue, elle fut percutée par quelqu'un qui faisait la même chose, dans la direction opposée. Le hic, c'est qu'il marchait tellement vite qu'il courrait presque. Rhéa fut projetée à terre par l'impact. Elle aurait voulu hurler à cette personne de regarder où elle allait (elle était un peu sur les nerfs, ça se comprend), mais sa voix se bloqua dans sa gorge en découvrant le jeune homme d'une vingtaine d'années debout devant elle. Il avait l'air embarrassé et elle vit dans ses yeux bleus comme l'océan qu'il était terriblement désolé. En bafouillant quelques mots d'excuse, il lui tendit la main pour l'aider à se relever.

- Vraiment désolé ! Tu t'es blessée ?

Il la tenait encore pour s'assurer qu'elle parvenait à rester debout. Rhéa, encore un peu sous l'effet de la colère, secoua la tête. Mais l'homme lacha aussitôt sa main, comme s'il s'était brûlé. Il observa Rhéa avec stupéfaction, avant de dire, en se frottant la main :

- Encore désolé. Je suis en retard pour un rendez-vous important. Je ne faisais pas attention.

- Ce n'est pas grave.

- Alors passe un bon après-midi, repondit-il en continuant de la regarder comme s'il sondait son âme.

Puis il s'éloigna en lui jetant un dernier regard troublé.
Rhéa continua son chemin. Quel personnage étrange...
On aurait presque dit qu'il avait eu mal en la touchant.
Elle était tellement plongée dans ces réflexions, qu'elle ne s'aperçut pas que la racine qui l'avait presque faite tomber le matin s'était volatilisée.

De retour chez elle, elle omit de raconter ce qui s'était passé, aussi bien dans la rue qu'en classe, en espérant qu'Hėra ferait de même. Car si celle-ci n'avait pas fait le chemin du retour avec sa soeur, elle était présente dans la classe pendant l'épisode du vase.

Enfermée dans sa chambre, Rhéa contempla longuement l'enveloppe entre ses mains. Que faire ? L'ouvrir ?
Évidemment ! Ou elle pourrait simplement la donner à sa mère.

'Lis la dans un endroit tranquille.'
'Lis-la'
Et pas 'Donne-la à tes parents'.

Elle tendit les doigts pour l'ouvrir...

- Rhéa ! Viens goûter ! appela Olivia Ambers depuis la cuisine.

En bas, sa mère lui demanda si sa journée s'était bien passée. Une question basique, commune. À laquelle la réponse fut affirmative. Cependant, Olivia scruta avec inquiétude l'expression de sa fille, dans l'attente d'une élaboration...
Rhéa fit mine de ne pas le remarquer et décida de discuter d'autre chose, jusqu'à ce qu'Héra pénètre dans la pièce. La mère des jumelles leur annonça alors :

- Les filles, votre père et moi n'irons pas en voyage, pour ces vacances. Nous avons pris quelques semaines de repos.

À cette nouvelle, les deux soeurs s'illuminèrent.

- Laïna reste même si on sera là. Mais elle passera plus de temps chez elle, avec ses parents.

Laïna était leur jeune fille au pair depuis quelques mois. Elle faisait presque partie de la famille et tous l'adoraient.
La nouvelle sembla réjouir Héra mais Rhéa releva la pointe d'appréhension dans la voix de sa mère. Elle aimait bien Laïna mais Olivia l'avait mentionnée avec un ton quoique tourmenté.
La jeune fille au pair en question rentra alors du lycée, passa dans la chambre d'ami (elle y séjournait quand elle était là) et retourna au rez-de-chaussée.

- Coucou tout le monde ! Besoin d'aide pour manger ?

Les jumelles rigolèrent et Olivia se fendit en un sourire.

- Pour ça, il faudrait d'abord refaire des pancakes. Les filles se sont transformées en ogres...

- Maman! s'indigna Héra. Viens Laï, on va le faire!

Héra adorait cuisiner, et ses pancakes étaient des merveilles pour les papilles. De leur côté, Rhéa et sa mère se préparaient du dîner.
Pendant qu'Héra s'affairait avec la poêle, Laïna s'esquiva pour rejoindre Olivia, et lui chuchota quelque chose à l'oreille, en croyant Rhéa trop occupée à découper ses carottes. Celle-ci avait malgré tout perçu son mouvement. Elle n'entendit rien, cependant, de leur échange. Elle remarqua seulement sa mère secouer la tête et les vit échanger un regard songeur.

Une demie heure plus tard, Gabriel Ambers rentra à son tour d'une entrevue avec un collègue. Il avait un comportement insolite et n'arrivait apparemment pas à le cacher comme sa femme. Maintenant qu'elle y pensait, Rhéa réalisa qu'ils étaient comme ça depuis une bonne semaine. Depuis leur dispute.

Il y a une semaine, Olivia et Gabriel s'étaient disputés sur un sujet inconnu. Ils avaient tenté de tout faire paraître normal et s'étaient calmés depuis, mais il y avait maintenant comme un lourd secret entre eux. Un secret qui les rattachait mais qui les éloignait en même temps, comme quand on ne sait pas comment réagir à une situation.

(Une semaine plus tôt)

- On ne peux pas la laisser partir !

- Tu l'as entendu. Nous n'avons pas le choix ! Sinon, ils viendront eux-mêmes et on ne sera jamais en paix.

- On ne sera plus jamais en paix et tu le sais ! Ça va changer nos vies ! Qu'on la laisse partir ou non.

Olivia se prit la tête entre les mains. Elle était dépassée par la tournure des événements, tout comme son mari.

- Qu'est-ce qu'on fait alors ?

- Je ne sais pas...

- Il faut quand même connaître son avis... c'est sa vie. Adeona a dit que le choix devait venir de sa part. Et si elle dit oui ? Je ne veux pas la perdre !

- On ne la perdra pas ! s'emporta Gabriel.

- Et si elle dit oui ? Olivia répéta sa question.

- Si elle le veut, on ne peut rien faire...

- C'est une enfant ! Elle ne sait pas encore ce qu'elle veut.

L'énervement commençait à prendre le dessus sur les deux adultes. Son mari tenta du mieux qu'il put de la calmer.
Il l'entoura de ses bras.

- Peut-être que ce serait mieux pour elle.

On aurait dit qu'il essayait de se convaincre lui-même. En réalité, il bouillonnait de rage à ce qu'on la lui enlève... qu'elle aille chez des monstres, chez des fous. Car c'était comme ça qu'il les voyait. Parmi ces deux parents, c'était le père, même si ça ne se voyait pas, qui était le plus furieux envers cette situation.
Il souffla doucement pour évacuer ce trop plein de colère.

- Elle pourra revenir pour les vacances. Et Adeona nous a garanti que si elle le voulait, elle pourrait revenir.

- Et tu la crois ?

- Il le faut bien...

•~♾~•

Qui est donc cette Corayline Adeona ? Que veut-elle à notre petite Rhéa ?
Qu'a-t-elle dit aux Ambers pour qu'ils s'énervent et s'inquiètent autant ?
Vous le saurez dans quelques chapitres.😋
N'hésitez pas à commenter et voter si ce chapitre vous a plu.😉

L'InfinieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant