4. Kachina & Aquene

122 24 2
                                    

J’avise une place non loin d’un vieux pick-up bleu fané, qui ressemble à s’y méprendre à la description que m’en a fait ma grand-mère Kachina. Aussitôt le pied dehors, j’entends le claquement d’une portière et la personne faire le tour de son véhicule.
Je m’avance jusqu’au niveau de mon coffre et tombe aussitôt sur une femme amérindienne d’une cinquantaine d’années passées aux traits fins et quelque peu ridés avec un air indéniablement familier au mien.
Dans un premier temps, je me fige tout comme elle. Le choc se peint tout de suite sur son doux minois tandis qu’elle me dévisage alors que j’en fais de même.

— Grand-mère Kachina ? l’interrogé-je malgré le fait évident que je ne me trompe pas.
— Tala, souffle-t-elle en retour en sortant de cet état abasourdi faisant les derniers pas jusqu’à moi précipitamment.

Elle me prend aussitôt dans ses bras et me serre tellement fort contre elle en laissant échapper quelques sanglots étouffés. Je me laisse emporter moi-même par ce sentiment puissant qui se propage dans mon être à son contact, complètement submergée par l’émotion de ces retrouvailles avec ma famille. Je sens aussitôt ce lien spécial se renforcer à ce simple premier contact. À cette étreinte maternelle qui est une véritable bouffée d’oxygène pour moi.
Une renaissance.

— Tu ressembles tellement à ta mère. Tu sens même comme elle, cette touche si particulière de vanille, dévoile-t-elle en humant mon cou.

Le bout de son nez froid, posé là, me chatouille et me tire un rire. J’imagine combien je dois la chambouler et lui rappeler la perte de son unique fille.

— Je suis tellement heureuse de vous rencontrer enfin, lui révélé-je, émue.
— Ma fille, ne me vouvoie pas. Je suis ta grand-mère, alors pas de ça chez nous. Je t’ai assez reprise au téléphone pourtant, déclare-t-elle en me souriant et tenant mon visage en coupe entre ses petites mains fortes et rugueuses, détonnant avec son gabarit plutôt fin.
— C’est vrai. Aquene ne s’est pas jointe à toi, m’étonné-je en constatant l’absence de mon arrière-grand-mère qui, au téléphone la veille, était pressée de venir me chercher avec sa fille.
— Elle a longuement râlé que je ne la prenne pas avec moi, tu sais, mais elle était si heureuse et hâtive de te voir qu’elle n’a pas beaucoup dormi cette nuit. Ce matin encore, elle s’endormait debout face à la cafetière. J’ai dû hausser le ton pour qu’elle capitule et retourne se reposer avant ton arrivée. Tu t’apercevras vite qu’elle est aussi têtue qu’une mule, me confie-t-elle avec un sourire en coin.

Je regarde, encore étourdie à cause de cette rencontre qui a enfin lieu tandis que je l’ai rêvée des centaines de fois depuis mon enfance, ma grand-mère si ravissante converser avec moi d’une manière totalement innée.

─ Comment s’est passée ton trajet jusqu’ici ? s’enquiert-elle tout à coup en détaillant mes traits de ses yeux pétillants aussi noirs que les miens.
— Longue, épuisante, mais tout de même plaisante, lui avoué-je. J’ai traversé de superbes paysages et je dois dire qu’en arrivant ici, je ne m’imaginais pas cette région aussi magnifique. Elle n’est pas du tout connue de là où je viens. Ou très peu.
— Et tu n’as encore rien vu. Le coin où l’on habite l’est d’autant plus. Et si elle reste aussi méconnue nous en sommes plus que ravie. Allons-y avant que ma mère me sermonne de prendre trop de temps à te garder éloignée d’elle.
— Bien sûr, acquiescé-je en hochant la tête.

Je me dirige vers ma portière quand un emblème présent sur le casino retient mon attention.

─ S’agit-il de l’emblème de la tribu ? demandé-je en désignant du menton l’enseigne de l’établissement derrière nous alors que je me tourne et ouvre ma portière.

Ce dernier est représenté sous la forme d’un capteur de mauvais rêve qui compte une dizaine de plumes dans les tons bleutés pendant au bas du cercle noir et rouge. L’intérieur du cercle étant composé de trois croissants de lune sous fond noir sur la moitié du bas. Celle du haut étant coupée en deux parties et sous fond blanc, affichant pour l’une, un parchemin déroulé devant l’emblème même en miniature et un loup assis semblant veiller sur elle, pour l’autre, l’état de Snowy Wood entouré d’une banderole où l’écriture « Isha tribe of Snowy Wood » est inscrite.

Isha (Sous Contrat D'édition "Bookmark" )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant