Euphoria : Liberté

Part 5

Rue se réveilla difficilement et fuma un joint avant de se rendre à son premier cours. Elle n'avait lié aucune amitié à Sacramento et n'était pas enchantée par l'idée de se retrouver dans un amphithéâtre plein d'étudiants avec lesquels elle n'avait rien en commun. Auprès de sa mère, de Gia, de Fez et de toutes les personnes qui lui posaient la question, elle prétendait aimer l'université. Elle récitait ce qu'elle apprenait en cours et faisait mine de se passionner pour les sujets dont elle parlait. Elle était consciente de sa chance d'y avoir été acceptée, de pouvoir continuer d'étudier, des portes qu'un diplôme ouvraient mais, honnêtement, elle s'en foutait. Tout ce qu'elle aimait dans cette vie à Sacramento, c'était son appartement, sa liberté de faire ce qu'elle voulait et de rester stone sans que personne ne vienne la perturber.

Le campus était animé et semblait danser autour de Rue. Les élèves de première année étaient facilement reconnaissables à leur air complètement perdu. Elle les ignora consciencieusement et fonça vers la salle d'accueil des deuxièmes années. Elle devait encore régler quelques points de paperasse avant de rentrer en cours.

Elle se trouva face à un étudiant en costume qui la toisait. Il devait avoir deux ou trois ans de plus qu'elle, c'était un de ces mecs destinés à faire carrière dans la finance ou à manager des équipes sans savoir rien faire.

"Nom ?

- Rue Bennet.

- Année et spécialité ?

- Socio, deuxième année."

Il pianota sur le clavier de son Macbook.

"Je ne te trouve pas.

- Comment ça ?

- Tu n'es pas dans la liste.

- Heu... T'as dû te tromper...

- Non, je ne me trompe pas. Tu n'es pas sur les registres. Il faut que tu ailles voir le secrétariat général."

Rue aurait aimé avoir cette assurance dans la voix. Elle ne voulait pas cet air pédant, mais elle se demandait ce que ça faisait d'être aussi sûr de soi.

Elle prit la direction du bâtiment administratif en lui faisant un doigt d'honneur qu'il ne vit pas. Là-bas on lui fit la même réponse : elle n'était pas sur les listes des étudiants de deuxième année. Malgré les effets de la Marijuana sur son cerveau, elle sentit son coeur taper dans sa poitrine. "Merde" pensa-t-elle.

Elle patienta plus d'une demi-heure et démarra la phase descendante de son trip. Elle n'arrivait toutefois pas à réfléchir à ce qui avait pu se passer, tout ce qu'elle pouvait faire c'était s'imaginer boucler ses valises et rentrer chez sa mère avec une pancarte de défaite autour du cou.

Madame Landerman du département des admissions la fit enfin entrer dans son bureau. C'était une pièce austère, poussiéreuse, à l'image de son occupante aux lunettes papillonnantes et au chignon tiré. Elle lui expliqua qu'elle avait échoué aux examens de fin de semestre et qu'elle n'avait donc pas tous les crédits nécessaires pour passer en deuxième année. Rue écarquilla les yeux.

"Comment avez-vous pu manquer cette information ? demanda la secrétaire.

- Ca veut dire que je suis virée ?

- Non, ça veut dire que vous devez repasser vos crédits. Vous redoublez un semestre.

- Mais je peux rester ? Et ma bourse ?

- La bourse est maintenue. C'est une deuxième chance Rue. A vous de la saisir."

Son ton était sec et précis. Elle ne faisait pas de sentiments et pas d'exception.

"Je dois faire quoi maintenant ?

- Il faut repasser vos examens pour accéder à la deuxième année. Comme vous avez manquez la session d'août, la prochaine session est désormais en décembre. D'ici là, vous pouvez suivre les cours de deuxième année mais vous devrez passer les examens de première et de deuxième année en même temps. Ou alors vous redoublez carrément et vous utilisez vos trois mois pour ne travailler que les cours de première année. C'est à vous de voir."

Elle avala sa salive. Soit elle travaillait en double pendant trois mois, soit elle revoyait simplement ce qu'elle avait raté l'année dernière. Le burn-out ou le néant. Elle décida de ne pas décider aujourd'hui. Il était déjà onze heures, elle rentra à l'appartement avec la ferme idée de prendre la kétamine qu'elle avait acheté le week-end précédent.