Part 7

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Fez émergea une bonne demi-heure plus tard. Tout était flou, au sens propre comme au figuré. Il y voyait mal et ne savait absolument pas où il se trouvait. Une seconde, il pensa être retourné en prison et fut pris d'une panique qui l'amena à bouger un peu trop rapidement. Douleur intense. Il avait l'impression qu'un camion lui était passé dessus. Ses côtes le lançaient terriblement, sa tête semblait peser une tonne et il sentait le sang tambouriner dans son œil droit. Des images lui vinrent à l'esprit, Mouse, Ashtray, Sacramento, Rue.

Rue. Il la reconnut de dos. Elle portait un débardeur marron et un baggy. Ses cheveux relevés en chignon laissaient apparaître sa nuque et ses omoplates saillantes.

Il parvint à murmurer son prénom et Rue se retourna, fonça vers lui et s'allongea sur le sol pour lui faire face.

"Hey, contente de t'entendre, dit-elle d'une voix douce. T'as chargé mec..."

Il pouffa ce qui lui fit un mal de chien. Rue n'était pas du genre à enjoliver les choses.

"Tu peux bouger? Tu veux essayer de te lever? J'ai pas osé..."

Fez fit un signe de la tête. Il voulait se relever, oui, mais il n'y arriverait pas seul. Rue comprit. Elle plaça son bras sur son épaule pour qu'il prenne appui sur elle et l'aida ainsi à se soulever. Elle l'amena jusqu'à son lit où il s'assit péniblement. Il reprenait ses esprits petit à petit. Il vit le sac noir ouvert sur la table.

"Merde.

- Ouaip...

- Putain c'est l'enfer...

- Ouaip...

- Je suis désolé Rue... Il avait du mal à articuler. La douleur se lisait sur son visage. Je voulais pas que tu sois mêlée à ça...

- C'est quoi ce bordel Fez ? C'est un putain d'arsenal qu'il y a dans ce sac !

- Je sais...

- ...

- Disons que les choses ont un peu dégénérées pendant mon absence.

- Ah oui, ça c'est clair !"

Depuis sa sortie de prison, Fez se sentait pris au piège. Ashtray était méconnaissable. Il avait l'impression d'avoir retrouvé un inconnu dans le corps du garçon qu'il avait laissé. Mouse était devenu son mentor et, désormais, il voyait grand. Il n'était plus question de payer les factures en dealant quelques pilules aux lycéens du coin, il voulait plus. Plus d'argent, plus de pouvoir. Il parlait de régner sur la ville, de prendre sa revanche sur la société et autres conneries dans le genre. Fez tentait de le faire revenir à la raison, de lui parler de la prison, de sa brutalité mais rien ne semblait effrayer Ashtray.

Cette après-midi là, Fez trouva Ashtray, Mouse et ses hommes en train de discuter du meilleur endroit où planquer les kalachnikov qu'ils venaient tout juste de se procurer. C'est Ashtray qui balança le nom de Rue. Devant Mouse il dit "Elle a un appart à Sacramento. On pourrait les y laisser sans se faire remarquer."  Mouse se tourna vers Fez avec un sourire diabolique et Ashtray ajouta : "Elle a confiance en toi Fez, elle le ferait pour toi".

Quelques heures plus tard, le sac d'armes était chargé dans la voiture. Fez était totalement impuissant mais dans un dernier geste désespéré, il tenta de faire échouer l'opération en menaçant Mouse d'un des pistolets de l'arsenal. Il se trouva seul contre quatre et, sans la volonté de tirer, il fut rapidement mis à terre et remercié à coups de poings et de battes de baseball. "Comme ça aussi tu vas nous aider à la convaincre" avaient-ils ri.

"Je sais pas quoi faire Rue...

- Moi non plus...

- Il faudrait au moins planquer tout ça quelque part. Et on va réfléchir à une solution.

- Mais pourquoi ils amènent ça ici?

- Pour étendre le marché...

- Putain...

- ...

- Où tu veux que je mette ça ? Dans un putain de placard ?

- Je sais pas...

- Merde Fez, je peux pas gérer ça maintenant...

- ...

- J'ai besoin d'un peu d'aide là !"

"Moi aussi" pensa-t-il. Il se contenta de baisser la tête ce qui sembla énerver Rue. Elle ouvrit le placard à balai et sortit tout ce qu'il contenait : aspirateur, saut, serpillère, table à repasser, cartons vides, sacs plastiques, produits ménagers divers. Elle laissa tout ça au milieu de l'appartement et balança le sac dans le placard. "Voilà!" cria-t-elle plus fort que ce qu'elle voulait.

Fez prit sa tête entre ses mains et sentit une douleur profonde remonter de son ventre. Rue se précipita vers lui.

"Pardon Fez... Je sais que c'est pas toi... Vu ta tête... Je sais que tu voulais pas ça... Pardon."

Elle s'agenouilla devant lui en tentant de capter son regard.

"Allonge toi un peu. J'appelle les secours si ça va pas.

- Non...

 - Tu veux un peu d'eau ?

- T'as pas des trucs pour la douleur ?

- Non... mais je peux... je sais où en trouver."

D'un coup, tout devint noir. Quand il se réveilla de nouveau, Rue lui avait préparé un verre d'eau et des anti-douleurs. Des trucs forts qui le firent planer avant de s'endormir. 

Euphoria : LibertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant