Part 10

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Rue remarqua le bouquet de fleurs qui trempait dans un verre haut. Elles semblaient avoir été téléportées sur cette table, pas du tout à leur place, dans la pénombre de son appartement. Elle savait que Fez avait toujours eu une affection particulière pour les plantes, c'était un côté qu'elle aimait chez lui, cette capacité à s'intéresser à des choses auxquelles on ne s'attendait pas. Elle sourit et enfouit son nez dedans.

Il y avait une enveloppe posée à côté. Elle appela Fez avant de l'ouvrir mais il n'était pas là. Son cœur se mit à battre un peu fort, elle hésita à lire. Cette semaine, pour la première fois depuis longtemps, elle s'était sentie bien. En s'occupant de Fez, elle avait une utilité, un but qui la poussait à se lever le matin. Les premiers jours, il pouvait à peine parler et elle restait juste à côté de lui, elle l'écoutait respirer, elle prenait son pouls parfois. Presque dix ans auparavant, elle faisait la même chose pour son père et elle avait l'impression qu'il fallait qu'elle savoure chaque moment, que tout cela avait une durée limitée et que bientôt, comme d'habitude, la vie allait lui arracher un être aimé.

La veille, ils avaient regardé un film sur son ordinateur. Elle s'était allongée à côté de lui et, comme elle n'était pas vraiment intéressée par l'intrigue, elle l'avait observé discrètement. La lumière bleue de l'écran se reflétait sur son visage et il semblait absorbé par l'histoire. A chaque scène un peu trop gore, il mettait ses mains devant la bouche et à chaque gag il riait comme un enfant. Fez, malgré son passé difficile, avait gardé cette pureté, ces réactions sans filtre, vraies. Elle aurait aimé être comme ça, mais peu de choses la touchaient désormais. Elle avait construit une telle carapace qu'elle avait l'impression que rien ne l'atteignait, ni le bon ni le mauvais. Pourtant, à ce moment-là, elle s'était sentie désarmée par le naturel de Fez et pour la première fois depuis longtemps, elle avait apprécié l'instant présent.

Elle déplia le mot dans l'enveloppe.

"Rue, joyeux anniversaire.

Merci d'avoir pris soin de moi cette semaine. Tu sais à quel point tu comptes pour moi, depuis toujours...

Je crois en toi. Je sais que c'est pas facile, je sais que tu doutes de tout mais moi je ne doute pas de toi.

Je suis désolé d'avoir été celui qui t'a fait plonger dans ce cycle infernal mais je voudrais plutôt que tu te rappelles de moi comme de quelqu'un qui t'aime et qui voulait t'aider. Je sais que je n'ai pas grand chose à offrir mais tu auras eu toute mon amitié et tout mon coeur.

Fez"

Rue s'assit. Elle tourna la tête vers le placard à balai, il était entrouvert. Elle s'y précipita, le sac d'armes n'y était plus.

Euphoria : LibertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant