Insolence

19

Du haut de la montagne, mon père pointe l'horizon du doigt en souriant.

- Les nuages reflètent parfaitement la couleur rosé du soleil, c'est relaxant tu ne trouves pas ?

Son regard est si beau. Il semble si paisible.

- J'aimerais tellement que tu sois encore là. Tu m'aiderais tellement à y voir plus clair, dis-je sans le quitter des yeux.

Il croise ses jambes en indien et frotte ses cuisses avec la paume de ses mains.

- Tu n'as besoin de personne Ivy. L'important, c'est de regarder l'horizon et de ne plus penser aux autres. Parfois, il faut penser à soi avant tout le reste. Parce qu'à force de se préoccuper des autres ma chérie, on se perds. Qu'est-ce que tu veux, toi ?

- Je veux être heureuse. Je veux vivre. Je veux...

Je regarde l'horizon devant moi et le rose qui fait briller les nuages. La douce lueur orangée commence à se mêler au rose et ma gorge se sert.

- Qu'est-ce que je dois faire papa ?

Sa main chaude recouvre la mienne et je ferme les yeux. Tout est noir et les oiseaux cessent de chanter.

- Aimer Ivy, résonne la voix de mon père en écho.

Je me réveille en sursaut et regarde autour de moi. Les larmes coulent le long de mes joues et j'ai un mal de gorge affreux. J'ai encore quelques vapeurs d'alcool qui circulent en moi. Cela faisait un grand moment que je n'avais pas rêvé à mon père de cette manière. Il était tellement beau et serein. La chambre est plongé dans le noir et ça me prend un petit moment pour me rappeler que je suis dans une des chambres d'amis chez Allan. Lors du trajet, je me suis endormie dans la voiture et il a dû me transporter jusqu'ici. En me levant du lit, je m'aperçois que je porte une nuisette en satin blanche. Le tissu frôle ma peau et je frissonne. J'ai besoin de réconfort. Cette fois, je ne veux pas effacer mon rêve en suppliant un homme de me faire oublier. Je veux simplement qu'on me prend dans ses bras et qu'on m'endorme pour que je revois mon père encore une fois. Je marche dans la vaste demeure d'Allan jusqu'aux grandes portes noires. En les ouvrant, je le vois étendu sur le dos dans son lit. Je m'approche doucement en serrant mes bras pour essayer de combattre mon frissonnement. Allan s'assoit dans son lit et passe la main dans ses cheveux blonds désordonnés.

- Tu as fais un cauchemar ? chuchote sa voix grave.

- Je peux te demander un service ? Je ne veux pas de question, je veux seulement un oui ou un non.

Il hoche la tête et je frotte mes bras pour chasser ma chair de poule.

- Peux-tu me prendre dans tes bras et me bercer pour que je m'endorme, s'il te plaît.

Je vois dans la pénombre, un sourire attendrit se dessiner sur ses lèvres. Il repousse la couverture à côté de lui et me fait signe avec son doigt de m'approcher. Je piétine quelques secondes en me demandant si c'est bien une bonne idée de demander à un homme visiblement obsédé par moi de simplement me bercer pour dormir.

- Allez, viens, murmure-t-il doucement.

Je m'approche du lit et me couche en fœtus, dos à lui. Il remonte la couverture sur mon corps frigorifié et m'entoure de son bras pour m'approcher de son corps chaud et réconfortant. Doucement, il nous balance et enfouie son nez dans mes cheveux.

- Merci, chuchote-je pendant que d'autres larmes menacent de s'enfuir.

Cette nuit, malgré les efforts que je mets pour penser à l'horizon, aux lueurs roses et orangées, mon père ne revient pas dans mes rêves. Je demeure seule sur le rocher, à contempler la beauté des reflets sur les nuages.