Tam-tam au village

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Bonne Lecture 😘

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         La fête du village de Kër Maam Rab attirait tous les habitants et même des curieux venus des localités environnantes. Tous les travaux étaient suspendus. On ne vivait que pour le tam-tam. La place était assiégée depuis longtemps par une foule immense, élégante et colorée. Pas un seul banc de libre. Tous les notables et leurs épouses se pavanaient aux premières loges de la tribune officielle. On distinguait le chef de village, Souleymane Diagne, avec ses nombreuses médailles, superbement installé dans un fauteuil long comme son nom ; à ses côtés, son épouse couverte de bijoux, tenant avec art un large éventail ; l'instituteur Assane Fall, maigre comme un balai, coiffé d'un grand chapeau ridicule enfoncé jusqu'aux lunettes ; le cordonnier Barka, les cheveux grisonnants, couvert de gris-gris que l'on devinait sous son caftan serré et, à ses côtés, le marabout en personne qui ne dédaignait pas les jeux du plaisir et de la chair, le regard vif, drapé d'un grand boubou multicolore raide de gomme qui occupait au moins trois places. Il y avait aussi le bijoutier, Mactar, l'air songeur, le crâne dégarni, vêtu d'un somptueux habit finement brodé ; sa femme se tenait à sa droite, chétive, mais encore bien dans sa peau, arborant un magnifique collier et de superbes boucles d'oreilles qui ne passaient pas inaperçus, ce que du reste elle ne permettait pas, se levant constamment pour saluer de gauche à droite.

       Tout autour, mais bien en vue de tous, en face de la tribune officielle, les jeunes filles du village qui avaient ainsi occupé les places stratégiques rivalisaient de toilette sous l'œil charmé et conquis des garçons qui ne savaient plus où donner de la tête devant tant d'atours. C'était l'occasion rêvée pour toutes sortes de relations et de contacts qui pourraient donner lieu à d'éventuelles fiançailles et peut être même aboutir à des mariages. C'est pourquoi, les femmes prenaient grand soin à la toilette de leurs filles qui leur coûtait une petite fortune, en les exhortant à s'exhiber le plus possible pour attirer ces pauvres messieurs si faciles à tenter et à séduire.

      Sous la chaleur torride, les joueurs de tam-tam, le torse nu, les muscles saillants, ruisselaient de sueur, ce qui avivait davantage l'éclat d'ébène de leur corps. Tandis que les uns alternaient pas de danses et mimiques, les autres battaient le tam-tam avec fougue, sans répit, sous l'œil amusé de la foule et sous les applaudissements nourris des filles jacassantes comme des pies. Une femme aux rondeurs respectables, bien au milieu du cercle des tam-tams, se mit à esquisser des pas savants et graciles, labourant le sol de ses pieds et déchirant l'air de ses gestes, imprimant ainsi dans l'espace une architecture que le rythme portait à sa plénitude. Une autre ne tarda pas à la rejoindre et puis survint encore une autre et encore et encore... et ce fut bientôt un concert de figures changeantes et de formes fugitives.

      Battant des mains en cadence, la foule soutenait l'exactitude des mouvements et la justesse des pas, dans l'espace, libérés.
L'instituteur ajusta son chapeau. Le chef de village, les poumons gonflés de satisfaction, embrassa du regard la foule. Le bijoutier regarda sa femme, de biais, mais fouilla du regard les spectatrices s'il ne s'y trouvait pas l'objet qui occupait toutes ses pensées.

       Penda n'est pas encore de la fête. Elle préfère sans doute ses vaches. Bizarre tout de même ! Une fille qui n'aime pas les fêtes, qui n'aime pas les bijoux ! C'est suspect tout cela, pensa-t-il. Revoyant en mémoire la jeune fille, il eut soudain envie de tout planter, femme et tam-tam et d'aller illico presto chez la Peulh au jeu de hanches sublime. Il lui suffirait d'un prétexte quelconque. Depuis quand diable, avec son épouse, en fallait-il pour sortir ? Ce serait mieux tout de même, car il ne pouvait s'absenter ainsi au milieu de la fête sans raison. Mais quel prétexte inventer ? Il fallait, pensa-t-il, que son épouse n'y vit que du feu sans en deviner la flamme qui l'inspirait. Il en repertoria une demi douzaine qu'il jugea inacceptable tant opérait en lui, en véritable censeur, un sentiment trouble de culpabilité qui le disposait à croire que tout prétexte serait déjà déjouer. Il croyait qu'on le voyait tel qu'il se voyait lui-même : transi d'amour. Et, comme cela se passe généralement quand on se sent fautif et s'en cache, il se sentit gauche et embarrassé, si mal à l'aise, croyant que tout le monde devinait son secret et lisait en lui comme un miroir.

      Le bijoutier luttait contre sa tourmente. N'y tenant plus, il se décida pour la millième fois à dire à sa femme un texte jamais prêt, un prétexte quoi, qui serait valable aux yeux de son épouse qui semblait soupçonner quelque chose. Décidément, cela ne sortait pas.
Il le fallait pourtant. Il le fallait, car son désir de voir la Peulh l'exigeait. Il aurait voulu partir sans avoir à s'expliquer - s'expliquer- sur ses raisons. Sa femme, il ne la craignait certes pas.
Mais se voir dans son regard l'indisposait grandement. Il avait peur de commettre des écarts de langage en public. Il se tenait sur sa garde de peur d'être regardé, de peur de se découvrir dans le regard de cette bonne épouse qui l'avait tant soutenu, en toutes circonstances. Il se demandait comment il avait pu tomber aussi bêtement amoureux. À son âge. Et encore pour une fille si jeune. Que diront les gens quand cela se saura ? Ils diront : << Honte à toi, Mactar ! Honte à toi ! >> Et ma réputation et mon honneur seront ternis à jamais. Ma pauvre femme en mourra de chagrin. Mais comment le sauront-ils ? Pourquoi me faut-il un prétexte ? Il me suffit de partir sans en rendre compte. Qui pensera que je vais voir la Peulh ? Personne ne me verra, car tout le monde est ici à la fête. Décidément, il n'y a rien à craindre. Ne serait-il pas plus sage de rester ici tranquillement avec ma femme au lieu de me jeter dans les aventures de gamins ? Non. Non et non, il me faut partir et il est temps de le faire, sinon je ne le pourrais plus. Je vais compter jusqu'à dix et je pars. Un... deux... trois... >>.

      Voilà où en était Mactar. Il compta jusqu'à dix, lentement. Mais il ne se leva pas. Il recommença, en vain. Il mit la main dans la poche, en sortit un mouchoir et, ostensiblement, s'épongea le front en poussant un grand soupir de manière à provoquer une réaction de son épouse.

_ Ce qu'il peut faire chaud ici ! Dit le bijoutier avec une certaine emphase dans la voix.

Il faisait certes chaud, mais la femme n'émit aucun commentaire. Elle se contenta d'approuver d'un signe de tête, ne prêtant toute son attention qu'à l'envie que suscitaient ses beaux bijoux que toutes les femmes lorgnaient sans vergogne.

_ J'aurais dû mettre des habits plus légers au lieu de ce grand boubou tout plein de gomme dans lequel j'étouffe. Quelle chaleur !

_ J'ai un éventail, si tu veux...

_ Non, ce n'est pas la peine, cela ne servirait à rien, je préfère aller me changer.

       L'épouse regarda le mari, le considéra un moment. Depuis ce matin son comportement lui semblait fort étrange. Elle se contenta de soupirer avec lassitude, puis dirigea à nouveau son regard sur les danseuses. Le bijoutier se leva, dit quelques mots à sa femme, se fraya difficilement un passage, s'engouffra dans la foule et disparut.















Dis donc le bijoutier est près à tout pour notre belle Peulh 🥰

Est-ce que la Peulh va accepter ses avances ??

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À bientôt, je vous aime tous ❤️

Bizuuuuuuuu💋

Penda La PeulhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant