Le mardi 4 août 2004, mon frère Nathan venait de naître. Il était tout mignon dans les bras de ma mère. Je voulais le prendre contre moi pour lui faire des caresses et des bisous. Mon père me mettait, sur les genoux, mon petit frère. J'étais heureuse d'avoir un bébé dans mes bras et de devenir grande sœur. Je me disais dans ma tête que j'aimerais avoir des enfants, quand je serais adulte. Nathan était tout sage quand je le caressais. Il me faisait un sourire, c'était trop chou !
Quelques jours plus tard, mes parents et mon petit frère rentraient à la maison. J'étais toute contente que nous soyons tous réunis en famille. Ma mère et mon père ne dormaient pas beaucoup, car ils se levaient pour donner le biberon ou changer Nathan. Moi aussi, je l'entendais pleurer. Cela m'empêchait de dormir. Mais je pouvais me reposer, en faisant la sieste l'après-midi à Kerpape. J'étais heureuse de rentrer le soir à mon domicile, pour retrouver mon petit chou de frère ! Chaque semaine, il grandissait au fur et à mesure du temps.
Quand mon frère eut un an et demi, il a commencé à marcher. Mes parents et moi étions fiers de le voir circuler debout dans toute la maison. Nathan voulait jouer avec la manette de mon fauteuil électrique. Je me mettais à quatre pattes pour jouer aux voitures ou au Playmobil avec lui. C'était amusant !
Au moment où je suis rentrée à l'internat, je le voyais moins souvent, seulement le week-end. Je pleurais les lundis matin, lorsque le taxi arrivait. Je ne voulais pas me séparer de mon frère. Mais je l'avais au téléphone, quand mes parents m'appelaient. Entendre sa voix me remontait le moral.
Lorsque mon frère eut six ans, j'en avais onze. Nous allions avec notre père nous promener dans les bois, tous à vélo. Moi-même, j'avais un tricycle adapté à mon handicap. C'était amusant et rigolo de rouler ensemble, en famille ! Nous allions aussi jusqu'au Bono, ville dans le Morbihan, moi en fauteuil, mon père et mon frère à vélo. Nous arrivions chez notre grand-mère, car elle habitait dans cette ville. Elle nous servait des boissons et une part de gâteau, pour recouvrer des forces pour notre retour. J'adorais partager des moments comme ceux-là avec mon père et Nathan.
Souvent, avec mon frère, nous allions faire les magasins ou voir des films au cinéma, en tête-à-tête. J'étais dans mon fauteuil, et Nathan montait derrière moi. Nous circulions sur la voie cyclable. J'adorais la vitesse avec lui. Mon bolide peut aller jusqu'à dix kilomètres par heure. Puisque mon père travaillait beaucoup, et que ma mère ne voulait jamais nous accompagner, nous étions obligés de nous débrouiller tous seuls, pour nous occuper, et ne pas nous ennuyer. J'aimais passer du temps avec mon frère. Nous rigolions bien ensemble !
Un jour, mon père faisait les courses et ma mère et moi étions sur Le Bon Coin. Quand soudain, nous avons senti une odeur de brûlé, venant de l'étage. Nous avons immédiatement interpellé mon frère, pour sortir. Lorsque nous fûmes à l'extérieur de la maison, je voyais des étincelles et de la fumée jaillir de la fenêtre. Les voisins avaient déjà appelé les pompiers. En attendant, ils nous invitaient chez eux, pour patienter. Je stressais beaucoup et me demandais si nous allions pouvoir retourner à notre domicile. Quelques minutes plus tard, mon père est arrivé en colère contre Nathan. Il s'est dirigé vers mon frère et lui a dit :
¾ Mais, qu'as-tu fait pour qu'il y ait le feu ?
¾ J'ai essayé d'allumer le briquet à côté de ma télévision où il y avait des câbles.
¾ Tu es inconscient ? On ne joue pas à ce genre de chose à ton âge, c'est pour les adultes. Pourquoi as-tu pris mon briquet ?
¾ Je voulais savoir comment cela fonctionnait. Je ne pouvais pas avoir connaissance que ça allait mettre le feu dans ma chambre. Je suis vraiment désolé, papa !
Il s'est dirigé vers son père en pleurant. Mon père l'a pris dans ses bras puis lui a dit :
¾ Nathan, tu as fait une grosse bêtise. Avec ta mère, nous allons devoir appeler les services sociaux pour te mettre en famille d'accueil, car nous n'arrivons plus à te gérer avec toutes les bêtises que tu as faites précédemment.
En fin de matinée, un pompier est allé voir mes parents et leur a exprimé ses condoléances :
¾ J'ai le regret de vous annoncer que l'étage de votre maison ne pourra pas être habité pendant un long moment, pour faire les travaux qui se doivent.
Mon père, énervé, a remercié nos voisins, puis nous sommes partis à un hôtel près de la gare. En attendant de trouver un appartement accessible pour moi, pas trop cher, afin de pouvoir payer les travaux. Le soir même, Nathan a été placé en famille d'accueil, car il faisait beaucoup de conneries et mes parents n'arrivaient pas à le gérer. C'était mieux pour tout le monde ! J'étais soulagée de cette décision. Fâché, je ne voulais plus voir mon frère, je craignais qu'il recommence la même chose. Le lendemain, je suis retournée à Kerpape. J'étais mieux et en sécurité là-bas loin de lui.
Quelques semaines plus tard, nous voilà dans un nouvel appartement, pour une durée indéterminée, le temps de la fin des travaux. Je partageais ma chambre avec mon frère quand il rentrait le week-end. Je n'étais pas ravie, mais je n'avais pas le choix. Depuis cet incendie, je me refermais sur moi-même et commençais à ressentir des difficultés pour dormir.
À partir de cet incident, mon frère et moi nous sommes éloignés l'un de l'autre. Nous ne nous parlions presque plus.
Quand j'ai quitté la maison familiale, avec Nathan, nous ne nous voyions plus, excepté pour les grandes occasions.
À l'heure d'aujourd'hui, nous ne sommes pas beaucoup en contact, juste quelques messages de temps en temps. Mais c'est très rare. Mon frère me manque beaucoup, bien qu'il ne veuille plus me parler. J'espère qu'un jour Nathan reviendra vers moi. Je serai toujours là pour lui s'il a besoin de sa sœur !
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Ma vie pas comme les autres
Non-FictionPersonne en situation d'handicap, qu'est-ce que cela vous évoque ? Une personne à mobilité réduite se baladant simplement en fauteuil ? Ce n'est assurément pas ce qui peut définir le quotidien des personnes telle que moi même dans cette situation. ...