Chapitre 2 : Mon enfance dans un centre de rééducation

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Pendant mon enfance, à l'âge de quatre ans, je suis allée dans un centre de rééducation qui s'appelle Kerpape. C'est un centre de séjour et de soins pour les personnes handicapées.

Au tout début, j'y suis allée exclusivement pour ma rééducation et au fil du temps, je suis allée en hôpital de jour pour pouvoir aller à l'école maternelle. Ma première journée, je ne voulais pas y aller, je pleurais, j'avais peur, car je ne connaissais personne. En plus, les murs étaient tout blancs, cela faisait peur.

J'étais en fauteuil manuel jusqu'à l'âge de six ans où mon ergothérapeute m'a fait essayer un fauteuil électrique. Au début, je ne l'utilisais qu'une demi-journée. Puis, au fil des semaines, je l'avais pendant toute la journée. C'était trop bien que je puisse aller partout avec mon bolide. Je faisais même des courses de fauteuil avec mes amis !

Un an plus tard, j'ai eu mon fauteuil électrique personnel que mes parents avaient acheté avec des aides de la MDA (Maison Départementale de l'Autonomie) bien sûr. Enfin, je rentrais avec à la maison, ce qui était plus pratique pour circuler et pour mon autonomie. Mon fauteuil coûte mille huit cent quatre-vingt-neuf euros.

Aussi, pendant cette année-là, j'ai découvert le football fauteuil. Il se pratique avec un pare-chocs devant le fauteuil. Un match c'est quatre contre quatre, vingt minutes chaque mi-temps, et les règles sont un peu différentes du football valide. J'ai débuté en initiation puis j'ai joué contre des gens plus âgés que moi. Je n'avais pas peur. J'étais là pour montrer au coach que j'avais ma place dans l'équipe et pour gagner ! Quand je joue au football fauteuil, je suis dans ma bulle. Ça me permet de vider tout ce qu'il y a de négatif dans ma tête et de penser à autre chose. Je regardais avec mon père l'équipe de France à la télévision : c'était trop bien ! Aujourd'hui, le football est devenu ma deuxième passion.

Deux ans plus tard, j'étais trop fatiguée pour rentrer chez moi tous les soirs. Mes parents ont donc décidé de me mettre en pensionnat. Je n'étais pas d'accord, mais je n'avais pas le choix : c'était eux qui décidaient. Quand je suis arrivée à l'internat, j'ai fait la connaissance d'une aide-soignante qui m'a présenté ma chambre. Elle était grande, cela me rappelait ma naissance. J'allais la partager avec une fille qui se prénommait Léa, qui me rejoindrait dans plusieurs heures. En fin de matinée, je l'ai rencontrée : cheveux châtains, taille moyenne, huit ans, toujours bien habillée avec des vêtements coquets. Elle avait l'air d'être sympathique. Je me disais dans ma tête que j'espérais qu'elle serait mon amie. Au fil du temps, nous sommes devenues amies. Mes premières nuits étaient très compliquées. Je me sentais seule. Je pleurais. Mais au fur et à mesure, je me suis fait à ne plus revenir tous les soirs à mon domicile. Je vous dirai même que je ne voulais pas partir, car j'étais trop bien avec les amies. Heureusement qu'il y avait les téléphones portables pour rester en contact les week-ends. Mes journées rimaient avec l'école, la rééducation et le retour au service. J'étais en primaire, mais en classe adaptée à cause de la rééducation et de mon handicap. Puis une auxiliaire de vie scolaire en classe nous aidait.

Pendant ma dernière année de primaire, j'ai été absente durant quelques semaines, car j'ai eu plusieurs interventions médicales.

Dans un premier temps, les médecins m'ont fait des injections de toxines botuliques dans les glandes salivaires pour permettre une diminution de mon bavage, ça sert à détendre les muscles trop raides. Mais cela n'a pas fonctionné sur moi. À ce moment-là, ils m'ont fait respirer du Méopa. C'est un produit pour que je ressente moins la douleur des aiguilles. L'opération s'est déroulée à Rennes. Mon père m'accompagnait. Avant qu'ils m'emmènent au bloc opératoire, je stressais beaucoup, car je craignais que cela me fasse mal. Mais mon papa me rassurait avec des caresses et des mots gentils.

Dans un deuxième temps, je me suis fait opérer des tendons d'Achille pour les raccourcir. Cela me permettait de permettre de rester debout plus longtemps. Ma marche était facilitée grâce à un déambulateur. Cela s'est déroulé à l'hôpital du Scorff à Lorient en ambulatoire. J'y suis allée toute seule, car ma mère ne voulait pas m'accompagner et mon père travaillait. Pendant l'attente dans ma chambre avec les murs blancs, la solitude s'est installée. Je pensais à mon papa qui aurait voulu être à mes côtés. Après le bloc, j'étais dans les vapes à cause de l'anesthésie. Pour que l'intervention fonctionne, il fallait immobiliser mes pieds avec des plâtres pendant six semaines. Mais après ces semaines, j'avais des attelles jour et nuit, afin que mes pieds restent droits.

En fin d'année de primaire, alors que j'étais en classe de CM2, mon instituteur m'a demandé à me rencontrer après les cours. À ce moment-là, je me suis dit :

¾ Est-ce que j'ai fait une bêtise ? Va-t-il me punir ?

J'étais stressée, j'avais peur. Mais en fait, il voulait me voir pour m'annoncer que j'avais les capacités de passer en sixième l'année suivante. J'étais tellement contente, j'avais hâte de le dire à mon père. Il sera fier de moi avais-je pensé.

Le week-end d'après, tandis que je rentrais à la maison, je me suis précipitée vers mon père pour lui annoncer la bonne nouvelle. Il m'a prise dans ses bras en me disant, comme je l'avais prédit :

¾ Je suis fier de toi, ma fille ! Je savais que tu en étais capable, je n'avais aucun doute.

Le collège à Kerpape est un peu adapté aux personnes en situation de handicap. Nous avons moins d'heures de cours que les autres personnes valides à cause de la rééducation. Mais autrement c'est le même programme pour tout le monde.

Malgré ces opérations, j'ai réussi à passer en sixième, j'étais fière de moi, et mon père aussi.

Ma vie pas comme les autresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant