De lune et de sang

Chapitre 4

– Tenez-vous bien sinon la photographie ne fonctionnera pas !

– Mais mère, Victoria me tire les cheveux !

– Mensonges !

– Elizabeth pourriez-vous occupez de vos sœurs ?

– Bien sûr père.

– Mais Lizzie...

– Victoria tiens-toi bien !

– D'accord Lizzie...

– Attention on ne bouge plus !

Le flash aveugla Elizabeth l'espace d'un instant. La jeune femme ne bougeait plus, est-ce que la photographie avait fonctionné ? Au bout d'un moment qui lui sembla une éternité, le photographe annonça :

– C'est parfait ! Merci à vous, vous pouvez bouger Mrs Cray.

– Bonté Divine enfin ! Edward pourquoi nous avoir infligé une telle chose ?

– Vous verrez Margaret quand vous verrez le résultat, vous serez étonnée.

– Tout de même, investir de l'argent dans telle frivolité.

– C'est l'avenir Margaret, vous verrez bientôt tout le monde fera de même. Et elles ne seront plus seulement réservées aux classes bourgeoises ou aux photographies post-mortem.

– Si vous le dites.

Elizabeth leva les yeux au ciel, sa mère avait toujours quelque chose à redire, elle détestait la modernité... On était pourtant en 1845.

– Pouvons-nous aller jouer maintenant mère ? demanda Victoria.

– Ou faire une lecture ? supplia Dorothea

– Il en est hors de question, nous, nous allons immédiatement au bal organisé par les Stevenson et vous le savez très bien mesdemoiselles. Nous ne nous sommes pas habillés uniquement pour la photographie, qui est encore une idée saugrenue de votre père, c'est Lucy qui vous fera la lecture avant de vous coucher.

– Oh non, nous voulions que cela soit vous ou Lizzie qui nous fassiez la lecture, pas une simple domestique ! pesta Dorothea.

– Cela suffit ! Trancha Mr Cray, vous obéirez à Lucy ce soir et je ne veux aucun mouvement d'humeur. Si j'apprends que vous lui avait fait du tort il vous en cuira jeunes filles.

– Bien père. Dirent en cœur les deux sœurs.

Elizabeth était peinée pour ses deux petites sœurs, elle aurait sincèrement préféré elle aussi rester au manoir ce soir pour s'occuper d'elles. Elle détestait les bals. Mais elle avait 25 ans et était considérée par beaucoup comme une « vieille fille » et sa mère voulait absolument lui dégoter un mari. Elle l'emmenait donc à tous les bals de la saison. Pour son père c'était une bonne occasion de voir ses amis et de se vanter de sa magnifique usine de papier. La mère d'Elizabeth voulait un riche mariage pour sa fille. La famille Cray n'était pas à plaindre mais sa mère avait toujours eu des goûts de luxe, donc avec un gendre aristocrate... Ou au moins un autre bourgeois elle serait satisfaite. Elle avait tout misé sur la toilette de sa fille. Elizabeth portait un corset qui lui enserrait sa taille sous sa robe à crinoline. Celle-ci était dans des tons blanc et vert pastel qui faisaient ressortir le joli vert de ses yeux. Ses très longs cheveux blond vénitien étaient attachés en lourdes tresses, elles-mêmes enroulées en un lourd chignon orné de rubans. « Un vrai épouvantail » se disait-elle.

– La voiture est annoncée, pressez-vous donc ! Nous allons être en retard à cause de vous Edward. Quelle idée cette photographie ! rouspéta Mrs Cray.

Elizabeth laissa échapper un soupir et se tourna vers son père. Celui-ci lui fit un clin d'œil, la jeune femme sourit. Son père ne savait que trop bien que sa fille aînée n'était pas prête à se marier, elle préférait lire des romans fantastiques, peindre et se promener le long des chemins de la propriété été comme hiver en écrivant des poèmes.