Partie 16 - Les cicatrices.

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« Aurél, tiens, je t'ai trouvé des vêtements. »

Il resta figé dans l'entrebâillement de la porte en ouvrant cette dernière, tombant sur le plus jeune torse nu dans la chambre où il l'avait amené un peu plus tôt. Il l'avait laissé cinq minutes, même pas, le temps d'aller demander des vêtements secs à la personne chez qui la soirée avait lieu. Il en avait aussi profité pour expliquer ce qu'il s'était passé à Claude en l'appelant et ce dernier lui avait dit qu'il arrivait immédiatement, avec des habits propres pour son frère. Claude lui avait dit Je compte sur toi, Guillaume. Ne me déçois pas. Puis avait raccroché aussitôt. Il n'avait pas compris. Mais après tout, ne comprenait-il jamais les sous-entendus de Claude ? Aurélien se tourna vers lui alors qu'il était en train de se regarder dans la glace de la penderie face à lui, son tee-shirt à manches longues trempé à ses pieds, et il le vit écarquiller les yeux en voyant que c'était lui qui venait de rentrer dans la chambre.  Le plus jeune eut alors un geste inattendu : il plaça ses bras devant sa poitrine, avant de se tourner sur le côté et il resta bouche-bée devant sa réaction. Mais c'était trop tard. Il les avait vues. Les deux petites cicatrices qu'il avait sur le torse.

« Aurél... balbutia-t-il, la gorge sèche, et le plus jeune recula quand il chercha à l'approcher.

— Non ! Reste où tu es !

— Mais... Aurél, je ne veux pas...

— Ne me regarde pas, Guillaume ! Ne me regarde pas ! »

Il sentit son cœur se briser dans sa poitrine en l'entendant lui demander ça et il secoua la tête, s'approchant de lui encore une fois :

« Mais si, au contraire ! Je te vois, Aurél. Je te vois, enfin ! J'ai compris !

— Non...! »

Aurélien essaya de le repousser, mais en vain vu qu'il gardait ses bras autour de sa poitrine, et il l'attira à lui, l'entraînant avec lui par terre. Il comprenait tout. Tout. Les peurs inexpliquées d'Aurélien, les sous-entendus incompréhensibles de Claude, ses propres parallèles qui le rendaient fou. Même la phrase de Claude qu'il avait essayé de retourner dans tous les sens pour la comprendre depuis une semaine déjà : Alice, c'est le passé. Aurél, le présent. Bien sûr, bien sûr qu'il avait raison. Et il comprenait maintenant à quel point.

« Tu es Alice, murmura-t-il à l'oreille du plus jeune et il le sentit  secouer la tête vivement dans son cou. Si. Tu es elle... enfin dans le bon corps. N'est-ce pas ? »

Pourquoi je suis née comme ça ? Je ne me sens pas bien dans mon corps, Guillaume.

Enfin, il comprenait ce qu'Alice avait voulu lui faire comprendre près d'une décennie plus tôt. Cette phrase qu'il n'avait jamais, jamais comprise. Elle ne se sentait pas bien dans son corps parce qu'elle avait l'apparence d'une fille. Alors qu'au fond... elle se sentait garçon. Elle se sentait Aurélien. Celui-ci s'effondra en larmes contre lui et il le serra contre son torse, déposant des dizaines de petits baisers sur son cuir chevelu pour le rassurer.

« C'est pour ça que ton frère me disait que j'étais vraiment aveugle. Parce que depuis le départ... la réponse, je l'avais devant moi. C'était toi. Pour ça qu'il n'avait pas l'air plus peiné que ça par le fait qu'Alice n'était plus là. Parce qu'il t'avait toi. Pour ça que tu avais peur que je te déteste. Parce que tu pensais que je ne pouvais pas comprendre. Pas t'aimer ainsi de même.

— Et... alors...? entendit-il Aurélien demander à travers ses sanglots, sa voix étouffée par son tee-shirt. Tu... comprends... pour de vrai ? Tu... ne me détestes pas...? Même si je ne suis plus... la fille que tu connaissais...? Et que je t'ai... menti...? Je n'ai fait que ça depuis le début... Te mentir...

— Tu avais peur, mon cœur. Peur, dit-il dans son oreille et il se détacha un instant d'Aurélien pour prendre son visage dans ses mains. Et non, bien sûr que non que je te déteste pas. Au contraire.

— Je n'avais jamais prévu de venir te parler, dit précipitamment Aurélien alors qu'il était sur le point de lui dire quelque chose de très important à ses yeux. C'était un pur hasard, je te jure. Moi, tout ce que je voulais... C'était pouvoir te revoir. Même de loin. Même une seule fois. Je ne savais pas si tu vivais encore ici. Je ne savais même pas à quoi tu ressemblais, je n'aurais jamais pu le faire exprès.

— Eh, je te crois... dit-il en souriant à Aurélien d'un air rassurant en le voyant se mettre à paniquer. Pourquoi tu paniques comme ça ? Est-ce que tu le sais au moins à quel point je t'aime ?

— Non... C'est la fille que j'étais avant que tu aimes... Et déjà à l'époque... Je n'étais pas assez. Je n'étais pas à la hauteur pour toi. Tu mérites tellement mieux, Guillaume. Tellement mieux que moi. »

Il secoua la tête en entendant le plus jeune lui dire cela et vit en un flash devant ses yeux passer le visage baigné de larmes d'Alice un jour où elle lui avait dit ces mots exacts, à la virgule près.

Je ne suis pas assez, Guillaume...!! Tu mérites mieux. Tellement mieux...!!

Il n'avait pas compris pourquoi elle lui avait crié cela au sortir d'une crise, une nuit, alors qu'il tentait de la réconfortait. Et maintenant, il comprenait. Elle avait peur d'être un fardeau pour lui. De ne pas être à la hauteur. Qu'il ne puisse pas répondre à ses sentiments s'il comprenait son secret. Comme elle se trompait.

« Non. Quand je dis que je t'aime... Je parle à Alice, bien sûr. Mais surtout à toi, Aurél. C'est toi que j'aime aujourd'hui. Alice n'existe plus, toi oui. C'est de toi que je suis tombé amoureux ces dernières semaines, jour après jour, sans vraiment oser me l'avouer. Et non, enchaîna-t-il rapidement en le voyant ouvrir la bouche comme pour rétorquer quelque chose. Je t'aurais aimé même si je n'avais jamais appris que tu étais Alice. Que tu étais en réalité la petite fille de qui j'étais amoureux dans mon enfance. Mais soyons honnêtes, si je t'aime et que j'ai autant éprouvé d'attraction pour toi dès le départ... C'est parce que tu l'es. Tu n'as pas changé, tu es toujours le même à l'intérieur. Hein, tu ne crois pas ? »

Aurélien hocha la tête doucement et il vint glisser sa main dans ses cheveux pour lui mettre une mèche derrière l'oreille :

« Tu as toujours été assez pour moi. T'es même tout. Tu es celui que j'ai attendu toute ma vie et je ne veux plus jamais te perdre. Tu m'entends, mon petit prince ? »

Aurélien le regarda d'un air larmoyant quand il lui dit ça, puis il le vit hocher la tête vivement. Ce dernier se blottit ensuite de nouveau contre lui et il le serra fortement, un poids qu'il ne s'était pas rendu compte avoir sur les épaules envolé. Il en avait mis du temps à comprendre. Mais c'était la plus belle résolution qu'il aurait jamais pu trouver à ce secret. Il se sentait à présent entier, la dernière pièce du puzzle qu'était Aurélien enfin en sa possession.

***

Allez, princesse...! Monte sur mes épaules ! On va aller tuer du dragon !

Je ne suis pas une princesse, d'abord, Guillaume ! Je suis un prince ! Combien de fois je dois te le répéter ?! Tu comprends vraiment rien !

Ok, ok, comme tu veux ! Ne t'énerve pas... Alors, mon petit prince ?! Prêt à pourfendre le méchant dragon ?!

Oui !! En avant !! T'es le meilleur, Guillaume.

Fiction OrelxGringe - Je te connais. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant