Partie 8 - Les rêves.

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Alice ? Pourquoi t'es habillée comme ça ? C'est plutôt les garçons qui s'habillent ainsi d'habitude, tu sais.

Guillaume...

Attends, pourquoi tu pleures ?! Je voulais pas te faire de la peine, hein...

Je ne me sens pas bien... Je ne me sens pas bien dans mon corps. Pourquoi je suis née comme ça ?

Il se réveilla en sursaut en repensant à ce moment qu'il avait complètement occulté de sa mémoire. Pourquoi je suis née comme ça. Il se rappelait maintenant des crises de plus en plus répétées de la petite fille, à mesure qu'elle grandissait. Le nombre de fois qu'il l'avait retrouvée en pleurs alors qu'elle essayait de se cacher, afin de ne pas inquiéter sa famille. Jamais il n'avait compris ce qu'elle voulait lui faire comprendre par ces mots et aujourd'hui encore, il n'y comprenait rien. Il repensa alors aux mots de la petite fille juste avant son départ : Je ne veux pas partir, mais j'y suis obligée. Pourquoi lui avait-elle dit ça ? Il revoyait à présent son ami Claude lui dire un jour assis au pied de son lit, des cartons jonchant le sol de sa chambre : Tu sais, si on part, c'est pour elle. Y'a qu'à Paris qu'ils sauront faire quelque chose. Elle est malade. Et par malade, je veux dire qu'elle a mal. Elle souffre. Il était resté silencieux, les mots bloqués au fond de lui. Alice, malade ? Mais qu'est-ce qu'elle pouvait bien avoir ? Pour lui, elle avait tout à fait l'air en bonne santé. Il n'avait pas compris, déjà à cette époque, et il n'avait pas cherché non plus à en savoir plus. De toute façon, il avait l'intuition que Claude ne lui aurait rien dit. Peut-être pour protéger sa sœur, allez savoir. Sa sœur, c'était tout pour lui. Mais Alice était aussi tout pour lui et Claude le savait. Il aurait dû insister pour comprendre ce qu'elle avait avant qu'elle ne disparaisse à jamais. Il sortit de ses réflexions en sentant du mouvement à ses côtés et il se rappela alors d'Aurélien. Il se tourna vers lui et quand il entendit un petit sanglot dans la pénombre, il se dépêcha d'allumer la lumière de sa lampe de chevet. Il se pencha ensuite vers lui et fut surpris de voir qu'il avait les larmes aux yeux bien qu'il paraissait profondément endormi :

« Non... Ne me laisse pas seul, je t'en supplie... Viens avec moi, j'ai tellement peur... l'entendit-il murmurer dans son sommeil et il fronça les sourcils, confus.

— Aurél ? De quoi tu rêves ? murmura-t-il en se penchant vers le garçon endormi à ses côtés et il posa sa main doucement sur ses cheveux.

— Je ne pourrai jamais... revenir... Pas tout à fait... Et... Arrête... Je ne veux pas... Plus longtemps, plus longtemps... »

Il fronça les sourcils de plus belle en l'entendant divaguer, lui semblant qu'il parlait tout à coup d'autre chose. Qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Sans réfléchir, il se pencha vers le plus jeune et déposa un long baiser sur son cuir chevelu, par-dessus sa tempe droite. Il se figea en se rendant compte de ce qu'il était en train de faire et se redressa sur le matelas, le cœur battant à mille à l'heure dans sa poitrine. Aurélien s'était tu. Est-ce qu'il l'avait réveillé en l'embrassant ainsi ? Mais non, il n'en avait pas l'impression. Il pouvait entendre le souffle régulier du plus jeune passer entre ses lèvres, comme lorsqu'il l'avait observé dormir dans ce taxi la première fois qu'il l'avait rencontré et qu'il l'avait ramené chez lui.

« Mais qu'est-ce que je fais, bordel ? » marmonna-t-il dans sa barbe, se mettant à paniquer devant son geste.

Il recula précipitamment sa main de la chevelure du plus jeune et se retourna dans le lit, afin de s'empêcher de faire un autre geste déplacé. Encore une fois... il avait agi avec lui comme il aurait agi avec elle. Alice. Il avait cherché à le calmer de la seule manière qu'il connaissait pour la calmer quand elle faisait des cauchemars le soir et qu'il s'en rendait compte en passant à côté de la porte de sa chambre. Après s'être lavé les dents et rejoignant la chambre de Claude, dormant pour la soirée – ou même la semaine durant les grandes vacances – chez son meilleur ami. Il l'entendait pleurer dans son sommeil et il s'introduisait alors dans sa chambre, venant se coucher à ses côtés un bref instant. Le plus souvent, Alice ne dormait pas, réveillée par son cauchemar, et il lui demandait de quoi elle avait bien pu rêver pour être aussi terrifiée. Jamais celle-ci ne lui avait parlé de ses rêves au final, se rendit-il compte soudain, et il finissait toujours par la calmer en caressant son visage avec douceur ou bien en déposant des baisers sur ses cheveux, comme il venait de le faire avec Aurélien. Ça commençait vraiment à devenir n'importe quoi cette fascination qu'il avait pour le plus jeune. Presque... sordide. Il ferma les yeux fortement à cette pensée, tentant de se rendormir et de faire taire son esprit. Cet esprit... malade.

Fiction OrelxGringe - Je te connais. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant