| Chapitre 9 |

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C'est la merde.

La supra méga merde.

La mâchoire serrée, ma main se raffermit autour du volant tandis que la seconde change de vitesse à mesure que mon pied appuie sur le champignon. Suzie roule largement au-dessus des vitesses recommandées sur l'autoroute et ne se soucie que très peu des klaxons qui l'accompagnent dans sa fuite. Tout ce qui l'intéresse en ce moment même est de mettre un maximum de distance entre la précédente ville et elle, quitte à se perdre et à ne plus savoir s'arrêter. Quitte à ce que plus aucune goutte d'essence ne puisse la pousser.

Mon loup trépigne nerveusement, à l'orée de la surface. C'est tel que mes ongles ne ressemblent plus qu'à des griffes acérées. Mon regard n'a plus rien d'humain, lui aussi. Pourtant, en dépit de ce que j'aurais pu croire, il ne me bombarde pas de l'intérieur afin de prendre le contrôle. Non, il reste simplement en pleine conscience et d'une alerte que je n'apprécie pas et qui ne faiblit pas non plus. Le sujet « chasseur » est un sujet sensible pour lui, pour moi, pour nous. Et ces derniers temps, on l'a visiblement un peu trop entendu.

Je braque brusquement le volant à gauche afin d'éviter une voiture. La flèche ne cesse de grimper, aussi sûrement que mon angoisse est en train de le faire.

Putain.

Où est-ce que j'ai pu me tromper ? Lequel de mes calculs étaient faux ? Ce n'est pas logique, rien de tout cela ne l'est. J'ai eu des mois, voire des années supplémentaires pour connaître Christophe jusqu'au bout des ongles. Je le connais à un point tel que je savais quel était son putain de type de sous-vêtement. Cet homme, ce chien, n'était qu'un foutu larbin au service des Hayes. Il l'a toujours été malgré le fait qu'il soutenait l'inverse même dans ses derniers instants. Je n'ai pas pu me tromper, certainement pas sur ça.

Mais le doute s'est déjà immiscé en moi comme l'aurait fait le plus doux des poisons. Ce message a tout changé en un quart de seconde, avec une violence insoupçonnée. Si bien que le temps d'un bref moment, je suis redevenu un petit garçon effrayé sous les yeux de la pire personne en ce monde. Devant ce putain de connard qui me colle au cul comme une sangsue assoiffée de sang. Et je déteste ça, pire je ne le supporte pas.

Tout en naturel, comme si cette annonce n'était qu'une broutille, le grand Alpha de Neptune est confortablement installé à l'arrière de Suzie. Les sons de son Candy Crush troublent mon désir de retrouver un semblant de tranquillité, autant que son foutu sifflement. À travers le rétroviseur, je le vois lever son regard onyx sur le miroir.

Avec hâte, je me dépêche de me concentrer sur la route.

- Je te sens un peu tendu, lance-t-il.

- Il n'y a qu'un putain de taré comme toi qui serait capable d'être tranquille en sachant que des putains de chasseurs sont éventuellement à ton cul, je grogne.

- Pas faux.

Le sourire dans le son de sa voix me fait rouler des yeux. Et dire que ce type est à la tête de l'une des plus grandes et des plus dangereuses troupes. Il a beau en avoir les capacités, intellectuellement c'est clairement à revoir.

Le plus vite serait le mieux.

- J'adore ton langage fleuri, ronronne-t-il. Je me demande si c'est la même chose au lit. Ou peut-être que tu n'es pas du genre à parler. Peut-être que tu préfères t'agripper et grogner ton plaisir. Hm ?

Bruyamment, je soupire et ne prends pas la peine de répondre au risque de déclencher une quelconque discussion connotée avec l'ébène. Peu importe si c'est uniquement dans le but de détourner mes pensées du message. Au lieu de quoi, je passe sans doute pour la millième fois une main dans mes cheveux teints et ignore le saut ridicule que vient de faire mon cœur. Comme un traître, mon esprit me rappelle que trop bien la "vision" qu'a eue Isaac. Plutôt crever, oui.

Cœur Obscur [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant