| Chapitre 10 |

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Un pantalon de costume bordeaux sur les hanches, j'agite mon popotin en rythme avec la musique et chante les paroles en balançant la tête.

You better shape up, cause I need a man and my heart is set on you ~

Épuisé par avance, Carl me lorgne du coin de l'œil. Il enfile une chemise blanche sur un torse, ma foi, très flatteur pour un vieux de son âge. La coupe de son costume épouse son corps durement travaillé par les années et le met indéniablement en valeur. Il n'y a pas à dire : il a été et sera toujours un très bel homme. Ce soir, il va faire de sacrés ravages. Comme il a en toujours fait.

Nullement gêné de sentir et de voir son regard sur moi, ça ne me motive que de plus belle et donne plus de puissance à ma voix. À force, je réussis à récolter un sourire guidé par un soupir amusé parmi mes ondulations d'épaules ridicules.

You're the one that I want, ooh ooh, honey !

Frappant dans mes mains, je hausse à plusieurs reprises les sourcils dans sa direction. Son rictus s'agrandit. Puis, me prenant par surprise, il écarte sensiblement les bras comme un danseur d'Elvis Presley et esquisse un jeu de jambes.

Il me pointe ensuite du doigt et s'y met à son tour.

If you're filled with affection, you're too shy to convey...

J'en ris et applaudis dans des sifflements admiratifs d'une foule en délire. Tous deux à moitié habillés pour la célèbre soirée de la prêtresse vampire, on s'amuse comme des idiots. Nous nous dandinons comme de jolies dindes élégantes sous des projecteurs imaginaires comme si le temps ne nous pressait pas. Comme si mon double ne s'amusait pas à nos dépends. À mes dépends. Comme si, finalement, nous avions toute la vie devant nous.

La blessure au niveau de mon ventre n'est fort heureusement plus là, auquel cas il m'aurait été impossible de jouer les stars des années 80. Mon loup, quant à lui, reste aussi sage qu'observateur de cette scène sortie tout droit d'un rêve venu d'un temps révolu.

Tout était bien lorsqu'il n'y avait que nous deux.

Tout aurait été bien si je n'avais pas été Jasper le Magnifique.

— Allez mon vieux, secoue-moi ce gros cul pour ce beau Simon !

Sa réaction ne se fait pas attendre. Comme si un sniper pointait son petit point rouge sur son front, il s'immobilise et perd son sourire dans la seconde. Sourire qui est remplacé par une moue renfrognée. Si délicieusement prévisible ~

La vie est dure dans le bayou. Les arbres ne sont pas des Simon. Et les crocodiles encore moins.

Pauvre Carl.

— Jasper ?

— Oui, Carl adoré que j'aime de touuuuut mon cœur ? dis-je en ouvrant grand les bras.

— Ferme là. C'est compris ?

Je ricane et lève les deux mains en l'air une fois la surprise passée. Si je m'attendais à le voir réagir aussi vivement ? Pas le moins du monde.

Comme c'est intéressant.

— Oh, ronronné-je. Tout doux le loup, tout doux. Est-ce de ma faute si tu n'es pas discret ?

— Jasper, prononce-t-il lentement.

Il me pointe à nouveau du doigt, cette fois-ci accusateur, plisse les paupières puis soupire dans un abandon significatif. Il ne peut et ne pourra rien contre moi de toute manière.

Cœur Obscur [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant