Cœur Obscur [Tome 2]

| Chapitre 13 |

Une profonde inspiration, incertaine, mal assurée et douloureuse m'oblige à soulever le buste. Je recule d'un pas, refusant de croire en cette absurdité, en ce mensonge. Mais la tempête, jusqu'ici silencieuse, flatte déjà vicieusement mon échine. Elle me tombe dessus et m'emporte avec elle, ni plus ni moins. Sans que je n'aie le temps d'inspirer une nouvelle goulée d'air, sans que je n'aie le temps d'hurler la détresse féroce qui s'effondre sur moi. Impuissant, je ne peux lutter contre elle. Alors elle m'avale, me secoue et réveille des souvenirs cauchemardesques que je n'arrive pas à oublier. Elle me les fait revivre inlassablement, maîtresse de mon malheur. D'une cruauté impérissable.

Le bourdonnement dans mes oreilles m'emplit, les battements de mon cœur deviennent fous et la terreur, fidèle amie, paralyse tous les muscles de mon corps. Elle glace d'effroi mon âme, raidissant la moindre parcelle de mon être. Je ne sais plus comment combattre contre elle, comment la faire cesser ce mal et ce puissant mal-être qui m'étouffe de sa poigne intransigeante et mauvaise. Je subis. Aussi sûrement que je subis les violents assauts de mon loup, en proie à une peur sauvage et à un désir de fuir. Et paradoxalement, en proie à une envie de combattre jusqu'à la mort et d'accomplir notre vengeance.

Sous mon ouïe saturée, au-delà de mes souvenirs, je perçois des cris et des appellations. Essoufflé, haletant, je tourne la tête vers le groupe sur le muret de la propriété. Une coupe courte, noire, gueule contre moi au loin et se hâte de descendre. Avec elle, une tête blonde et une autre, rousse, la suit à la même allure.

Je ne réagis pas lorsque Cora me pousse brutalement. Lorsqu'elle se précipite vers Aleksander en croyant avoir enfin affaire au vrai. Et je ne réagis pas plus que cela quand, soudainement, sous mes yeux, le corps de Carl est violemment projeté sur le côté, laissant apparaître derrière lui une vampire en colère.

Déconnecté de la réalité, les sons ne sont plus que lointains autour de moi. Ma poitrine se soulève une fois encore, en manque d'oxygène. Mais tout, tout me vient et me sature de plus belle dès qu'une poigne brutale m'agrippe et m'inflige le même châtiment que Carl. Butant violemment contre l'arbre, la douleur, bienvenue, me réveille. Et comme l'aurait sans doute fait un fou, je m'accroche à elle pour rester conscient des événements déclenchés, de ce qui se passe. Pour essayer de m'extirper de la tempête sourde dans un stupide espoir.

En appui contre la balançoire, je me retourne en toute hâte. Néanmoins, sans que je ne puisse faire un seul mouvement, mon torse est plaqué contre le siège de cette dernière, ma tignasse est tirée vers l'arrière et des canines se plantent dans ma gorge la seconde suivante sans vergogne. Mes yeux s'écarquillent et ma bouche, elle, s'ouvre en grand pour hurler. De douleur et de plaisir.

La souffrance irradie de l'endroit mordue jusqu'à se répandre à l'intérieur de mon être tandis que je perçois clairement mon sang s'écouler pour glisser dans la trachée de la vampire. Le plaisir, coupable, s'enroule autour de cette sensation et amène à accélérer les battements de mon corps, à augmenter l'afflux de mon activité sanguine. Bientôt, ma tête me tourne et je sens avec horreur mon corps se détendre afin d'accueillir ces deux sensations féroces. Je m'entends gémir. Je me sens prendre feu. Je me vois accepter ce traitement.

Les yeux vitreux, je peine à distinguer les formes s'enfuyant tant bien que mal avec un Aleksander aux jambes tremblantes pendant que je sers de repas. Mon bras tombe à terre, mes paupières s'affaissent. Brusquement, avec une délicatesse proche de zéro, les canines sont retirées de ma gorge et me font fortement grimacer. De douleur et de manque.

Une vague de puissance se superpose à celle de McKenna. Faible, je glisse de la balançoire et appuie de justesse mes paumes sur la terre pour ne pas m'effondrer. Avec difficulté, je pivote la tête et bats des paupières à plusieurs reprises afin de revenir à moi.