| Chapitre 16 |

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Silencieusement, mon regard sonde le visage du jeune guérisseur de la meute. Dans des gestes calmes et maîtrisés, il observe les fioles de la sacoche étendue sur la table du salon de Reyes et les effleure. Un petit bol, carré, reçoit quelques gouttes ici et là de telle ou telle fiole. Son bonjour sec, son regard ennuyé et sa façon dont il se comporte avec moi me restent en travers de la gorge. À moins que ce soit l'accumulation de cette sortie qui, au final, ne m'a fait aucun bien et n'a pas le moins du monde apaisé mon loup.

Agacé, en état d'alerte, il tourne en rond au fond de mon être. Si bien que je sais qu'il attend qu'une seule chose : une faille. Une seule et toute petite faille pour me prendre en traître et sortir au grand jour après m'avoir bombardé avec violence. L'odeur de Lincoln dans les parages ne le tranquillise pas, pour une fois. Et moi non plus. J'ai les nerfs. Plus qu'à raison. Parce qu'ici, dans ce cas de figure, je suis celui à être en faute. Je suis celui à avoir fait le choix de m'en aller.

Seul bémol : je suis temporairement de retour grâce à la merveilleuse idée de Carl, si ce n'est de Lincoln. Et ça n'aurait jamais dû se produire. Je ne le ressens que trop bien.

Son petit joujou entre les mains, Oliver revient vers moi et pose le bol à côté de ma cuisse. Assis sur l'îlot central, je suis bien plus grand que lui. Si bien que je suis obligé de me pencher pour qu'il accède à ma gorge. Il trempe un fin tissu dans le liquide transparent et se met à tamponner l'endroit où la belle McKenna m'a mordue. Il n'y a certes peut-être plus aucune trace, Annette a malgré tout insisté pour désinfecter et retirer jusqu'aux moindres phéromones, ou je ne sais quoi, laisser sur ma peau.

Je continue de l'observer, ayant parfaitement bien senti la sécheresse de ses actions envers moi. Mais il ne me regarde pas et se contente simplement de faire ce qu'il a à faire.

— Il reste quelque chose ?

De retour dans la cuisine, Annette abandonne ses trouvailles à proximité et s'approche.

— Non, il a bien rejeté et éliminé les effets de la morsure. Comme toujours. Jasper a une bonne capacité de régénération.

Oliver recule, remonte ses lunettes sur son nez en trompette avant d'aller jeter son tissu.

— Il est bon pour repartir. Puis pour nous revenir quand il aura un nouveau problème, conclut-il.

Les yeux clairs d'Annette se détachent de lui pour venir sur moi un court instant.

Nullement blessé de ce commentaire, mes iris fixent désormais la cheminée éteinte au bout de la pièce.

— Oliver, appelle l'aînée.

Sourd, ce dernier referme les fioles utilisées et les range. Annette s'avance. Cependant, à peine eut-il fermé sa sacoche qu'il pivote dans ma direction.

— Et bien sûr, comme tu es Jasper, les portes te seront toujours ouvertes. Comme c'est pratique, déclare-t-il, les lèvres serrées. La prochaine fois, Annette, inutile de m'appeler : il vaut mieux qu'il passe par toi que par moi.

Mon loup claque des mâchoires. Je me redresse dans une brève inspiration et roule doucement des épaules.

— À dans deux mois, voire à dans deux semaines vu le rythme auquel tu as besoin de nous, termine-t-il.

Les affaires sous le bras, il s'éloigne et claque la porte derrière lui. Et une de plus au compteur, une de plus...

Un muscle de ma mâchoire tressaute.

— C'est Oliver, souffle Anne. Il a été blessé par ton départ, ça lui passera.

Sa main réconfortante sur ma cuisse m'indiffère.

Cœur Obscur [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant