Cœur Obscur [Tome 2]

| Chapitre 12 |

Mon regard se perd avec impatience sur les quelques sentinelles présentes sur le devant de la terrasse sur laquelle nous sommes bloqués. La posture droite, le regard perçant, elles scannent les alentours, telles des ombres imperceptibles. Les deux premières sont visibles mais les autres, quant à elles, sont plus discrètes et se fondent, pour certaines, dans le jardin à la française. La plupart sont là pour dissuader toute tentative quelconque à l'atteinte des invités, ou encore envers la maîtresse elle-même. Tandis que les ombres, elles, sont là pour agir. Purement et simplement, avec la violence dont il sera nécessaire. Et elles, elles n'ont rien à voir avec celles de mon monde.

Lors de ma mission d'espionnage, étrangement, je n'en ai vu aucune. J'ignore si c'est de la chance... ou simplement une filature doublée que je n'ai pas perçu. Que cela arrive est presque impossible. Presque. Cependant, au vu de comment j'étais focalisé sur la conversation et le son de mon avancée, cela reste possible. Et je n'aime pas me rendre compte de ce fait potentiel. Néanmoins, si j'avais vraiment été suivi, je n'aurais pas fait un pas de plus sans devoir expliquer mes actes et mes intentions. Suivre leur maîtresse sur quelques mètres ? Non, elles ne l'auraient pas permis. Pour autant, ça ne veut pas dire que nous allons pouvoir passer en toute tranquillité.

Dans une inspiration d'air fraîche, j'oriente mon attention sur Carl et les nymphes pleines d'énergie - et de phéromones alléchantes -. La musique se joint à leurs voix mélodieuses sans aucun mal. Et bien qu'elles soient charmantes, un vrai don de la nature, je n'ai plus d'intérêt pour elles en cet instant. Pas alors que nous avons quelque chose à faire, pas alors que toute ma concentration et la douce tension dans mon corps sont prêtes à agir enfin. Je ne souhaite qu'une chose : les voir repartir d'où elles viennent afin d'exécuter ce pour quoi je suis ici et mettre un terme à ce petit jeu que s'adonne cet idiot inconscient.

Perdre une minute de plus est inutile, d'autant plus qu'elle représente un sérieux risque à ce que cette belle occasion nous échappe. Nous ne pouvons pas savoir si Aleksander est du genre à tenir longtemps lors d'une partie de dînette en dépit des exploits chantés à son encontre. Et nous pouvons encore moins savoir combien de temps ils vont rester aussi éloignés de la soirée et des invités. Nous avons besoin de ces précieuses minutes que nous sommes en train de perdre pour voir où sont placés les gardes du jardin, comment les éviter et de quelle manière prendre par surprise la belle McKenna afin de lui briser la nuque. Des détails minutieux importants.

Sous les notes latines, Bella ondule contre un Carl ne sachant plus quoi faire pour les faire partir. Il a fallu qu'on descende une seule marche de cette foutue terrasse pour qu'elles rappliquent en vitesse, une moue boudeuse sur le minois. Apparemment, elles ont eu peur que le loup du bayou s'en aille et ne revienne pas comme promis.

Quelle belle jambe...

Pour le coup, ce putain de démon avait raison. Une fois pris pour cible, impossible d'échapper aussi facilement aux nymphes. Mes iris s'en vont courtement sur la statue grandeur nature, entouré de lierres, avant de passer au-delà d'elle et de sonder le jardin. Quelques groupes papillonnent aux alentours, occupant gracieusement les bancs rembourrés, d'un mât sombre, avec l'élégance dont est caractérisé les vampires.

En revanche, plus une seule trace de lui, fort heureusement. Mais notre dernière rencontre a déposé une marque indélébile sur mes lèvres et laisse son goût, sa chaleur et même sa douceur surfée sur elles. Elle ne se détache pas de moi, ce que mon loup n'apprécie pas le moins du monde.

— Allez Carl, dansez avec nous, quémande Bella.

— Pourquoi faites-vous le difficile, hm ? boude Stella.

— Alors vous vouliez vraiment nous fuir ? murmure une autre dont le nom ne me vient pas, l'air d'être au bord des larmes.

— Mesdames..., tente Carl.