Prologue

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            Il ne voyait rien.

Il faisait toujours noir. Si noir... D'aussi loin que sa mémoire pouvait remonter, le monde, son monde, avait toujours été noir.

Enfin, non, pas tout à fait. Il avait vu la lumière, une fois. Il le savait, puisqu'il s'en souvenait. Et elle était si belle...

Ça n'avait pas duré longtemps. A peine un instant, juste le temps de se rendre compte qu'il existait autre chose que la noirceur, quelque chose de bien plus beau. Et puis, elle avait disparue. Remplacée par les ténèbres, par ce noir étouffant et aveuglant auquel il ne pouvait jamais échapper, pas même en fermant les yeux.

Son ventre gronda. Il avait faim. Depuis combien de temps n'avait-il pas eu à manger ? Il ne savait pas. Mais son ventre criait famine depuis un moment déjà, alors ça devait faire longtemps. Plus longtemps que d'habitude, peut-être. Ou peut-être pas. Il avait cette impression à chaque fois, mais il ne savait pas si cela venait de lui ou si le temps entre ses repas s'allongeait vraiment.

Il se recroquevilla soudain sur lui-même. Elles lui avaient laissé tellement de répit cette fois-ci qu'il en était presque venu à croire qu'elles étaient définitivement parties. Mais ç'aurait été mal les connaître. Les voix avaient toujours été là, pourquoi seraient-elles parties d'un coup, comme ça ?

Il plaqua ses mains sur ses oreilles pour ne plus les entendre. Bien évidemment, cela ne fonctionna pas. Les voix ne venaient pas de dehors, elles venaient de lui. Il était obligé de les entendre, même si elles ne l'écoutaient jamais quand il leur demandait d'arrêter.

Un petit claquement sec retentit soudain dans son dos, contrastant avec le capharnaüm qui saturait ses oreilles et faisait rage dans son esprit. Il releva la tête et se retourna, ses petits doigts progressant à tâtons sur le sol jusqu'à percuter un objet inconnu. La nourriture venait d'arriver.

Il se précipita, attrapant le mélange gluant à mains nues pour le porter à sa bouche le plus rapidement possible. La nourriture disparaissait vite ; il en avait déjà fait l'expérience. Il devait tout manger avant, sinon il aurait faim trop tôt. Il but aussi, plus lentement. De l'eau, il en avait plus et plus souvent.

La nourriture disparut dans le même claquement qu'elle était apparue, et il se laissa tomber sur le flanc. Son estomac n'était pas rempli, mais c'était suffisant pour tenir jusqu'à la prochaine fois. Les voix étaient parties.

Il devait dormir maintenant. Reprendre des forces. Rester courageux. A son réveil, le noir serait toujours là, omniprésent, et les voix reviendraient. Il devait se reposer pour pouvoir les battre encore et encore.

Il ferma les yeux et rêva de lumière.

La Citadielle d'ElziraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant