il faut des gens beaux

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"il faut des gens beaux."



ta gueule.
juste, ta gueule.

je suis peut-être moche à tes yeux.
mon nez est peut-être trop aquilin,
ou trop en trompette,
ma taille trop large,
et mes hanches étroites,
mes cuisses trop fines,
ou bien potelées,
mes yeux tombants
ou globuleux,
comme tout le monde, marrons,
mes cheveux trop frisés,
trop fins ou trop roux,
ma peau bien trop pâle,
celle d'un cadavre tu dis,
ou bien trop foncée,
c'est sale va te laver.
ma bouche trop fine,
ma bouche trop charnue,
non c'est pas une bouche de pute
— pas forcément
     j'ai le droit non ?
     c'est mon corps après tout.
mon double menton,
qui rend mon profil laid,
mes poils visibles,
     d'un beau brun brillant,
     je les aime bien, moi,
     ces cheveux sur mon corps.
trop visibles pour toi ?
trop disgracieux ?

tu vois, monsieur,
tout est trop.
tout est trop.
j'ai trop de beauté,
et tu la vois pas je le sais,
mais c'est pas grave.
parce que tu vois seulement en moi
le reflet de ce que tu es.

regarde ça :

mon nez est beau ;
il me donne du caractère,
ma taille,
mes hanches,
mes cuisses,
on été offertes par Mère Nature,
ou bien forgées par ma vie,
de telle manière qu'elles puissent porter
tout l'amour que je mérite.
mes yeux sont là,
ils sont magnifiques
dans leur singularité,
ou dans leur banalité.
     banal ne veut pas dire laid.
     au contraire,
     car si cela était laid,
     il n'y aurait pas tant de personnes
     possédant ces yeux d'ambre brûlée.
mes cheveux sont un soleil,
un rideau soyeux
ou un feu chatoyant.
voilà toute mon âme.
ma peau est de porcelaine raffinée,
doux café au lait,
noire comme l'ébène
et la nuit dans toute sa royauté,
ou mélange de toutes ces couleurs.
     ma peau parée d'un arc-en-ciel.
mes lèvres sont une étoile filante
ou un coussin moelleux,
et mon cou veut sortir
de sous mon menton,
et montrer au monde
comme je suis volontaire,
volontaire de vivre.
     ce double menton
     veut dire au monde
     "je t'aime".

alors monsieur,
t'as pas remarqué ?

la beauté est dans les yeux
de celui qui regarde.

c'est ça la vérité.

caparnaümOù les histoires vivent. Découvrez maintenant