18 - Mensonge

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La fillette courait dans les bois. Les bras tendus devant elle, elle repoussait les buissons, arbustes et autres broussailles. Elle devait courir.
Elle avait peur, elle avait mal mais elle courait sans s'arrêter.
Au loin elle sentait la fumée, elle entendait les cris des hommes. La peur lui enserrait le ventre.
Soudain le sol se déroba sous ses pieds. Malgré ses bras tendus, elle chuta en avant et tomba dans un petit ruisseau. Le contact avec l'eau froide la fit hoqueter mais elle se releva aussitôt et reprit sa course. La forêt devenait plus dense mais pour rien au monde elle ne devait ralentir l'allure.
Ses poumons la brûlaient alors que le silence retombait dans le bois. Elle était à bout, luttant à chaque pas pour avancer, juste un petit peu plus.
Soudain elle déboula dans une clairière nimbée de lumière au centre de laquelle se tenait une coquette chaumière.
La fillette se figeait. Elle rêvait, elle le savait, ça ne s'était pas passé ainsi.
Elle baissa son regard sur son bras. Pas de brûlure, pas d'hématome, de vêtements déchirés. Tout était normal.
Une femme sortit de la chaumière et s'approcha en souriant.

– Maman... souffla la fillette atterrée.

Elle la regarda quelques secondes puis s'élança. La femme la réceptionna contre elle puis la serra fort dans ses bras.

– Maman ! Je suis si heureuse de te revoir !

Des larmes coulaient sur le visage de la fillette mais elle s'en fichait, retrouver un être chère n'avait pas de prix. La femme prit le temps de la bercer puis elle recula pour mieux la contempler.

– Regarde ce que tu es devenue, soupira t'elle. Regarde tous ce que tu as fait.

– Co... comment ?

La femme ne répondit pas et se contenta de désigner quelque chose dans le dos de la fillette qui ne tarda pas à se retourner.
Les arbres composant la vaste forêt s'étaient transformés en un espace vide parsemé de souches tordues. Des corps enchevêtrés dans les végétaux. Des morts. Ses morts.

– Regarde ce que tu as fait, reprit la femme. Je ne t'ai pas donné la vie pour cela.

La fillette se retourna et la déception qu'elle lut dans le regard de la femme lui serra le cœur.

– Tu as un don merveilleux et tu t'en sers pour faire le mal, pour tuer.

– Mais... c'est eux, ils veulent me tuer... Je dois me défendre.

– En devenant pire qu'eux ? Tu n'y arriveras jamais comme ça...

Soudain la vision de la fillette s'obscurcit et la voix de la femme s'estompa en même temps que son image. La fillette s'agita, tentant d'avancer dans les ténèbres qui l'englobaient. Elle se retrouva alors dans une sombre forêt.
Elle regardait autour d'elle quand le sol se mit à trembler. La terre se déchira et un être immatériel, tout en volutes scintillantes s'en arracha. Il se déploya et la fillette le reconnu alors.
Elle tendit le bras mais elle vit alors du sang, beaucoup de sang, qui jaillissait en jet de son bras meurtri. Incrédule, la fillette regarda son sang s'échapper et former une nappe écarlate sous ses pieds.
Soudain la chose apposa sa main sur la blessure qui se referma aussitôt.
Je t'ai redonné la vie et toi tu sèmes la mort...



Hin-Terra se réveilla en sursaut.
Elle avait oubliée d'éteindre sa lumière qui dévoilait une étrange scène. Elle était dans son lit mais tout autour d'elle voletaient des volutes scintillantes. Une odeur piquante et entêtante avait envahi la chambre.
Stupéfaite, Hin-Terra voulu se lever mais elle remarqua alors ses mains. Elles ressemblaient étrangement à de l'écorce mais surtout elle étaient à demi transparentes. De ses paumes s'échappaient les volutes et dans tout son être pulsait comme un second cœur. Sa vraie nature, celle d'un être entièrement magie.
Hin-Terra lutta pour endiguer sa panique. Elle se concentra puis lentement reprit le contrôle d'elle-même.
Quand tout fut terminé, elle se leva et se regarda dans le haut miroir de sa salle de bain. Elle avait changé, sa nature humaine s'effaçait au profit de sa véritable identité. Elle en ressentait déjà les effets. Au fond d'elle, elle savait qu'elle aurait dû en avoir peur, craindre cette puissance qui menaçait par moment de la submerger, mais non.
Elle n'avait plus peur, elle était enfin en harmonie avec elle-même.
Elle sourit à son reflet.

– Hin-Terra, l'élémentaire de Midgard, souffla t'elle. Ca me va plutôt bien...

Elle s'observa un instant avant de rire. Elle savait enfin ce qu'elle était, qui elle était et surtout ce qu'elle voulait devenir. Un être bienveillant.

L'élémentaire de MidgardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant