L'élémentaire de Midgard

9 - Fête et rencontre

Hin-Terra se pencha vers le miroir. Elle avait du mal à se reconnaître.
Depuis une bonne heure déjà, des servantes s'activaient autour d'elle. On l'avait habillé, préparé et paré pour l'occasion.
On lui avait passé une robe à corset et à manches longues, une exigence de sa part, dans les tons bleu gris. Hin-Terra s'assura une bonne dizaine de fois que ses cicatrices sur les avants bras et sur le dos n'étaient pas visibles. On l'avait aussi coiffé d'un élégant chignon dont quelques mèches rousses s'échappaient pour encadrer son visage.
Elle ne savait si c'était les produits utilisés ou l'éclairage mais elle se trouvait, pour une fois, plutôt jolie. Son teint était clair, ses tâches de rousseurs discrètes, ses lèvres bien rosées et ses yeux vert misent en valeur.
Malgré tout cela, elle avait une désagréable impression. Celle d'être une poupée que l'on habille de ses plus beaux vêtements pour parader.
Cette impression fut renforcée quand Odin en personne vint la chercher. Il lui donna alors un fin bracelet argenté qui se scella sur lui-même lorsqu'il le passa à son poignet. Étonnée, Hin-Terra voulu l'examiner mais déjà Odin la menait dans les couloirs.
Lorsqu'ils arrivèrent dans une salle immense au bout de laquelle, sur une estrade, se tenait un grand trône, Hin-Terra marqua un temps d'arrêt. Les colonnes démesurées supportaient un plafond richement décoré et tout n'était que dorure autour d'eux. Disproportion et sur-chargement artistique semblaient les maîtres mots de cet endroit.

– La salle du trône, fit Odin d'un ton neutre.

Ses yeux étaient habitués à tant de splendeur contrairement à ceux de Hin-Terra. Ils traversèrent la salle en silence et Hin-Terra se dévissa le cou pour en voir autant que possible.
Odin la conduisit alors dans une grande salle mais qui parut petite comparée à celle du trône. Il y avait du monde, beaucoup de monde. D'un seul coup d'œil, Hin-Terra comprit qu'il s'agissait là du gratin d'Asgard. Cela ressemblait fort à l'idée qu'elle se faisait d'une soirée mondaine.

– Odin, le Père de toute chose, clama un garde près de la porte.

Tous les visages se tournèrent vers eux et Hin-Terra sentit ses joues s'embraser.

– Vous voilà en bien belle compagnie, mon roi, fit un homme alors qu'ils descendaient les marches menant à la salle.

– En effet, Glorin. Je vous présente Hin-Terra, l'élémentaire.

Il y eut une approbation collective qui mit Hin-Terra encore plus mal à l'aise. Elle avait la réelle impression d'être exposé comme une relique rare.
Les rencontres et présentations se succédèrent. Hin-Terra faisait de son mieux afin de faire honneur à ses hôtes mais elle n'appréciait pas cette mise en avant. Elle souriait, sortait des phrases toutes faites le peu de fois où on lui parlait. La plupart du temps les convives s'entretenaient d'elle avec Odin comme si elle n'entendait pas, ou n'était pas là.
Après ce qui lui parut une éternité, on se désintéressa un peu d'elle et Odin la laissa avec pour seule consigne de profiter de la soirée. Hin-Terra le salua aussi poliment que possible puis elle se retrouva seule. Elle se retira un peu à l'écart, près d'une fenêtre, et observa les invités. Parfois on venait lui parler mais dans l'ensemble on la laissait tranquille, comme un objet oublié.

– Pense à ta liberté, souffla t'elle en se tournant vers la fenêtre.

Son reflet la surprit. On aurait dit une autre personne, une personne bien triste. Le bruit des conversations lui montait à la tête. Elle aurait donné cher pour pouvoir ouvrir cette fenêtre et s'extirper par là... S'échapper, s'enfuir loin de cette fête, comme un oiseau de sa cage mal fermée.

– Pense à ta liberté, se répéta t'elle. C'est juste un mauvais moment, après ça ira mieux.

Elle tentait de s'en convaincre sans vraiment y parvenir.
Était-elle prisonnière ? Ou bien une simple relique ?
Peut-être même les deux...
Elle soupira, passer de monstre à abattre à bête de foire attrayante n'était pas vraiment une évolution.
Pour la première fois depuis son arrivée, Hin-Terra se demanda si elle avait finalement une place dans ce monde.

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