Quel salopard.
"MAIS QUEL GROS SALOPARD !"
Mon hurlement déclencha une bourrasque d'oiseaux fuyant soudainement leur branche.
La respiration hachée me passa l'envie de crier à pleins poumons. Je fus forcée de m'arrêter, les mains appuyées sur les genoux. Mon essoufflement me coûta une quinte de toux sableuse. Ma gorge et mes poumons semblaient polis au papier de verre. Une goutte de sueur dégoulinait lentement le long de l'arrête de mon nez. Ou peut-être était-ce une larme. Un frisson me parcourut. La brise nocturne glaçait mes os, pénétrait le coton de ma robe. J'en avais desserré le corsage, mais elle continuait de compresser ma poitrine.
Comment Logan avait-il pu me faire ça ? Comment avait-il pu me laisser ?
Tout était de la faute d'Erwin Smith. Si cet homme ne l'avait jamais approché... s'il ne lui avait pas rempli la tête de ses grands discours sur l'humanité...
Comment avais-je pu être si naïve ?
Le major m'avait piégée. Il avait bien compris qu'en ayant le garçon, je viendrais à lui.
Ma main prise de tremblement eut toutes les difficultés du monde à arracher le papier coincé sous ma ceinture. Je m'y repris plusieurs fois pour le déplier et plissais les yeux. La lumière de la lune brouillée par une dentelle de nuage était à peine suffisante pour distinguer les caractères tracés à l'encre. Je suivis une ligne du bout du doigt. Était-ce bien cette route ? N'avais-je pas dépassé ce village il y avait plusieurs dizaines de minutes ?
La nuit printanière me faisait à présent regretter ma précipitation. Mes esprits retrouvés, j'étais partie avec ce que je portais sur le dos, sans veste ni affaire. Mon premier réflexe avait été de courir au plus vite jusqu'à l'auberge, encore confuse, le cœur palpitant d'adrénaline. Comme si je pouvais encore y trouver les soldats alors que l'obscurité commençait déjà à voiler la campagne.
Je n'étais tombé que sur le patron. Je m'étais jeté sur lui, l'assaillant de ma panique. Ils l'avaient pris. Ils l'avaient enlevés. J'allais le faire payer à cette ordure d'Erwin Smith. L'homme avait eu du mal à démêler mes propos chaotiques alternant entre une angoisse dévorante et le feu d'une rage démesurée.
Lorsqu'il eut enfin compris, son visage se froissa d'inquiétude. Il essaya de me raisonner. "Tu ne pourras pas faire changer d'avis à Logan. Il a un âge légal pour entrer dans l'armée, ces soldats n'ont rien fait de répréhensible."
Répréhensible ou non, je comptais bien détruire pierre par pierre ce maître chanteur et le bataillon auquel il tenait tant.
"Et tu sais où aller au moins ? Tu ne peux pas courir dans la nature à la recherche du bataillon sans un plan sérieux, Zia !
— J'y étais le mois dernier, je retrouverai la route. C'est... vers l'ouest... pas loin du village de Meindl, si j'ai bien retenu ce que disait Asrtid.
— Tu n'en es pas sûre ? Écoute, Zia, c'est de la folie. Tu ne peux pas te pointer comme ça. Tu n'as même pas de cheval ! Et Logan n'est sans doute même pas là-bas. Viens, reste là pour la nuit, et on y réfléchira demain."Je coupais court à ses négociations : "Lewis. Je dois y aller. S'il y a une infime chance que je puisse arrêter Logan, je suis obligée de tenter le coup. Il est la dernière personne qui compte à mes yeux. Je sais que ça paraît dingue, mais je n'ai pas d'autre choix."
L'homme mûr resta silencieux un instant. Ma voix blanche, dure et dénuée de tremblement sembla le convaincre. Une certaine fatalité brillait dans son regard âgé.
"Prends au moins une carte, idiote, finit-il par soupirer lourdement. Je vais t'en chercher une, attends."
Je le remerciais à présent d'avoir veillé à guider mes pas. La feuille repliée sans soin glissée dans la ceinture, je m'assis au sol. Mon souffle sifflait plus fort qu'une bouilloire. J'essayais d'inspirer profondément, mais de multiples mains invisibles tiraient dans mes côtes, écrasaient mes poumons, étranglaient ma trachée.
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𝐂𝐡𝐫𝐨𝐧𝐢𝐜𝐥𝐞𝐬 𝐨𝐟 𝐙𝐢𝐚 || 𝐿𝑖𝑣𝑎𝑖 𝑥 𝑜𝑐
FanfictionSous son regard farouche, 𝐙𝐢𝐚 a fermé les portes de son passé depuis bien longtemps. Entre l'enfant dont elle s'occupe, son fiancé et son travail à l'auberge du coin, la jeune femme désabusée aspire à une vie banale dans un mur Rose fragilisé dep...