𝐂𝐡𝐫𝐨𝐧𝐢𝐜𝐥𝐞𝐬 𝐨𝐟 𝐙𝐢𝐚 || 𝐿𝑖𝑣𝑎𝑖 𝑥 𝑜𝑐

𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 5 : 𝑳'𝒊𝒏𝒕𝒓𝒖𝒔𝒆

"Fais attention où tu mets les pieds."

Je grognais en guise de réponse. Les courroies qui enserraient mes jambes rendait les mouvements les plus basiques difficiles. Je trébuchais régulièrement en essayant d'enjamber les branches noueuses qui jonchaient le sol.

D'ici-bas, il était quasiment impossible d'apercevoir le bleu limpide du ciel à travers le dense feuillage des pins. Un courant d'air souleva l'odeur résineuse et me fit frissonner. Ma veste de cuir ridiculement courte ne coupait pas cette brise froide de printemps.

Uma marchait en tête. Son corps long et imposant lui donnait une allure de boxeuse. Elle jeta un coup d'œil derrière son épaule carrée.

"Tu te réchaufferas vite quand on aura commencé."

Je n'aimais pas le ton dur qu'elle employait. Je commençais à sérieusement me demander si la plupart des membres du bataillon finissaient comme ceux que j'avais pu rencontrer : sévères et lavés de toute compassion. Peut-être était-ce là une fin logique : à force d'assister à des monstruosités, on s'y accoutume et cela devient notre propre réalité. Ce sort me faisait froid dans le dos.

"On va s'arrêter là, finit-elle par annoncer en s'arrêtant près d'une petite cabane dévorée par la mousse. Je préfère qu'on soit isolées, pour que certains ne prennent pas ça pour un spectacle.
— Pour m'épargner une humiliation publique, ou pour t'épargner l'humiliation de m'entraîner publiquement ?"

Elle releva à peine mon sarcasme corrosif, et me répondit d'un regard désabusé.

"Tout le monde ne serait pas aussi bienveillant que moi, crois-moi. Si certains seront juste curieux, d'autres veulent déjà ta tête, et je ne m'interposerais pas s'il devait arriver quelque chose."

C'était clair qu'elle respirait la bienveillance. Sa réplique me fit hausser le sourcil.

"Pourquoi voudrait-on ma mort ?
— Je ne vais pas jusqu'à parler de mort, tu ne te feras pas assassiner pour ça... Mais ta présence peut être menaçante pour de nombreuses raisons. On peut trouver injuste que tu sortes de nul part sans avoir mérité ta place, surtout que tu as l'air pistonné par ton lien avec l'ancienne caporale cheffe Cole."

Je serrais les dents. Comme si j'avais choisi d'être là.

"Il reste difficile de se frayer une place parmi les hauts-gradés, continua-t-elle. Si la plupart des civils étant entrés dans le bataillon ces dernières années sont morts ou mutilés, la dernière fois que le major a pris la peine de se déplacer pour recruter quelqu'un, il a fini caporal."

Le visage du caporal-chef Livaï me revint en tête, avec ses paupières lourdes et ses iris métalliques. Je n'avais pas imaginé que le bras droit d'Erwin Smith avait pu connaître le même destin que moi. Une colère nouvelle raviva le feu de rancœur qui brûlait au fond de mes entrailles.

Il avait été victime, et pourtant avait choisi de devenir complice à son tour des machinations du major. Il savait exactement ce que cela pouvait faire de se retrouver complètement démuni, sans autre choix que de plier aux intentions du maître du jeu, mais il n'avait rien fait pour que ce triste scénario ne se reproduise pas.

Savoir cela, c'était pire que tout.

"Si les soldats se rendent compte que tu es forte, tu seras vu comme une potentielle rivale. Au contraire, s'ils remarquent que tu es faible, tu seras la risée de tous ceux qui te feront comprendre que tu n'es pas à ta place. Donc oui, crois-moi, c'est généreux de ma part de te tester discrètement.
— Donc de toute façon, je suis foutue.
— La curiosité retombera d'elle-même. Tu n'es qu'une distraction qui bouscule un peu notre quotidien pour le moment. Mais d'ici quelques semaines, ou quelques mois, tu intégreras une escouade définitivement et tout se remettra en ordre."