𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 9 : 𝑹𝒖𝒎𝒆𝒖𝒓𝒔 𝒆𝒕 𝒑𝒐𝒊𝒏𝒕𝒔 𝒅𝒆 𝒗𝒖𝒆

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La base temporaire dressée par le bataillon avait été établie dans un petit village rural. Un moulin à eau brassait lentement une rivière claire. Le serpent azur passait entre les maisons à colombages, traversé par de petits ponts de pierres. L'endroit aurait pu être charmant, s'il n'avait pas été laissé complètement à l'abandon. Une majorité des soldats s'était déjà installée dans le hameau fantôme lorsque nous arrivâmes. Certains couraient d'un bout à l'autre de la base pour effectuer différentes tâches, d'autres guettaient sur les toits de tuiles.

Je descendis de ma monture, et la guidai dans l'écurie provisoire installée dans une large grange. Je mis quelques instants à m'orienter à travers le camp, et trouver la tente dressée pour accueillir les blessés. Distinguant une silhouette familière, je traversais le pavé au pas de course, manquant par deux fois de bousculer des camarades. J'attrapai le bras de l'infirmière.

"Désolée de te déranger, Grace ! On a ramené un blessé grave qu'on ne peut pas déplacer. Il a besoin de soins immédiats."

Les cheveux châtains de la jeune femme étaient attaché en chignon négligés. La soignante semblait très occupée, mais m'écouta attentivement. Elle remonta ses lunettes rondes sur son nez, avant de me répondre : "Amène de l'eau à son chevet, j'arrive le plus vite possible."

Je m'exécutais. Un seau d'eau abandonné au pied d'un muret fit l'affaire. Je le plongeai dans la source et le portai tant bien que mal la charge jusqu'à notre charrette.

Le blessé s'était endormi. Son visage livide reposait contre un sac de blé, presque serein. Dans cet angle, il semblait plus juvénile. Moins de la vingtaine. Le choc du sceau rempli contre le plancher du véhicule ne lui fit pas remuer la paupière. Je grimpais pour m'agenouiller à ses côtés. Trouver de quoi éponger son front fut la tâche la plus ardue. Un linge dégoté au fond d'un sac fut trempé dans l'eau. Le froid aqueux pénétra ma chaire comme mille aiguilles.

Avec douceur, je pris soin d'essuyer sa peau perlée de transpiration. Ce geste, je l'avais effectué chaque fois que Logan avait été cloué au lit par la fièvre. Une sorte d'instinct maternel fourmillait dans la tendresse de mes gestes.

Mais quelque chose finit par m'interpeller. Le soldat n'avait pas eu une réaction ni à mon approche ni à mon toucher. Des sillages d'eau glaciale lui traversaient le visage, coulaient jusqu'à ses oreilles et ses narines sans susciter le moindre inconfort. Prise d'un ultime doute, je passai la main sous son nez. Rien. J'attrapai son poignet pour prendre son pouls. Absent.

Mort.

Il n'avait pas réussi à tenir le trajet. Sans doute s'était-il éteint depuis un moment dans l'indifférence générale.

"Alors, montre-moi ça", tonna la voix de la soignante dans mon dos.

Gravement, je secouais la tête de droite à gauche. Je réussi à effacer toute l'émotion qui remuait dans ma poitrine pour lui annoncer : "Ça ne sera pas la peine, finalement. Il est déjà trop tard."

La brune plissa une expression peinée. Sa main délicate se posa sur mon épaule en guise de réconfort.

"Parfois, c'est comme ça... On ne peut pas sauver tout le monde. Vous avez fait tout votre possible."

J'acqueçais lentement. La jeune femme m'observa avec une grande solicitude.

"C'est la première fois que tu assistes à ça ?
— Comment ça ?"

Un petit sourire penaud tira ses lèvres fines.

"Tu as l'air très calme, constata-t-elle.
— Calme... Je ne sais pas si c'est le bon mot... Je ne sais juste pas comment réagir. Est-ce que je devrais me mettre à pleurer ou crier ? Je ne connaissais même pas le nom de ce garçon. Tout ce que je sais, c'est qu'il était bien trop jeune pour finir comme ça...
— C'est sûr..."

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 25, 2023 ⏰

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𝐂𝐡𝐫𝐨𝐧𝐢𝐜𝐥𝐞𝐬 𝐨𝐟 𝐙𝐢𝐚 || 𝐿𝑖𝑣𝑎𝑖 𝑥 𝑜𝑐Où les histoires vivent. Découvrez maintenant