Chapitre 1

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La chaleur bourdonnait dans ses oreilles. Le jeune homme avait beau vouloir se concentrer, sans cesse l'ambiance étouffante de la pièce le déconcentrait. Lorsqu'un bourdon passa près du plafond de bois juste au dessus de lui, ses yeux se perdirent dans la contemplation de l'insecte. Ses bijoux d'or lui pesaient, de même que sa grande tenue de brocard rouge et d'or. L'air était chaud sur sa peau légèrement tannée, pendant que son attention n'était centrée que sur le bourdon qui vibrait non loin de lui. Il sentit un filet de sueur couler le long de son front, dessinant sa joue encore un peu ronde de son adolescence. Le garçon aurait aimé être ailleurs, dans ses appartements, au frais avec quelques serviteurs pour ventiler l'air autour de lui avec des boissons de fruits frais. Mais non. Il était là, à admirer l'insecte qui ne cessait de voleter.

« Votre Majesté ? Qu'en pensez-vous ? »

Soudain attentif à son titre, le jeune homme laissa son regard tomber sur la pièce.

Il était assis sur un trône de bois et de soie brodée, entourés par quelques conseillers et serviteurs. Quelques gardiens étaient présents ci et là de part et d'autre de la salle. Ils devaient probablement bien plus transpirer que lui dans leurs armures de cuir et de peau. L'été était impitoyable cette année, la chaleur étouffait tout et encore plus cet après midi là. Le garçon aurait donné cher pour rester dans le noir de ses appartements. Devant lui se trouvait un représentant du peuple paysan, sa peau était tannée par le soleil, ses mains couvertes de cloques et de brûlures, ses vêtements étaient abîmés et probablement trop vieux pour lui. Sa tête était courbée vers le sol, attendant la réponse de son Prince sans piper mot.

Le bourdon vibrait encore au plafond.

« Qu'avez vous dit ? La chaleur Nous étouffe, Nous n'avons pas entendu. » dit le prince alors qu'un air circonspect. Il fit un roulement de la main pour pousser l'homme devant lui à ressortir son discours, sous l'œil désapprobateur d'un de ses conseillers. C'était un vieil homme, au moins autant que son père.

« V-votre Majesté » commença le représentant sans relever la tête « La sécheresse a détruit énormément de nos cultures. Nous n'allons pas pouvoir payer les même taxes que l'année passée si nous voulons survivre. Je suis là pour négocier afin de décaler les taxes à l'automne, afin que nous puissions payer avec d'autres sources de revenus, votre Majesté. »

Lorsque l'homme écrasa davantage son front sur le sol, le jeune homme retint un soupir.

« Votre Majesté » reprit -il d'une voix tremblante « Ô Grand Prince Han, faites preuve de clémence envers votre peuple. »

La royauté n'était pas quelque chose de simple. Le Prince Han regrettait amèrement sa jeunesse insouciante dans les jardins d'été de sa mère, à jouer avec des balles ou grimper aux arbres avec ses frères et sœurs. Il n'avait pas été l'aîné de sa fratrie. Il avait eu deux grands frères, l'un décédé d'une maladie inconnue, le second officiellement d'un accident de chasse. Jamais il n'avait voulu le pouvoir, et du haut de ses 20 ans, il se retrouvait à être formé à prendre la succession de son père le Roi lorsque celui ci quitterait ce monde. A ses yeux, il s'agissait surtout d'un moyen pour son père de se débarrasser des taches ennuyeuses de l'administration de son pays. Il devait assister aux cérémonies officielles, officieuses, se plier aux règles de la cour, recevoir les plaintes et les requêtes, régler les soucis administratifs... Rien de passionnant à ses yeux.

Au delà de tout ça, son accession au pouvoir l'avait isolé plus que tout au monde.

De nouveau, son regard se posa sur le paysan devant lui. L'homme était fourbu par les années de travail, de malheur et certainement de pauvreté. Il était tout simplement né du mauvais côté de la balance. Le prince soupira à peine, passant le dos de sa main sur sa tempe pour essuyer le filet de sueur qui en coulait.

L'Interdit Royal (𝑀𝑖𝑛𝑠𝑢𝑛𝑔)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant